Affaire Jacques Bouille : le policier en charge de l'enquête à la barre comme témoin

Ce mercredi, Christophe Gavat, commissaire à l'antenne de la PJ de Perpignan et directeur d'enquête était à la barre. Sa relation intime avec une témoin, qui était à l'époque employée de mairie et compagne du directeur des services de Saint-Cyprien, pose problème à la justice et aux avocats.

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Le chef de l'antenne perpignanaise de la PJ de Montpellier, au moment des faits, était entendu comme témoin, notamment sur la relation intime qu'il entretenait alors avec Vicky Jacquinot, employée municipale à Saint-Cyprien et témoin à charge, à l'époque. Aujourd'hui, elle s'est constituée partie civile.
Le but est de savoir si cette relation a pu influer sur l'enquête et sur les méthodes employées par la police et la justice.
Le président a été incisif et précis dans son questionnement. Le policier a nié toute faute déontologique.

Entendu également, l'adjoint de la PJ de Perpignan.

L'ancien procureur de la République de Perpignan sera entendu comme témoin le 17 février

Jean-Pierre Dréno, actuel procureur général de Monaco et ex-procureur de Perpignan, après avoir fait valoir un planning très chargé, a finalement décidé de témoigner et donc de répondre favorablement à la demande insistante d'audition du tribunal correctionnel de Perpignan. Il comparaîtra comme témoin mardi 17 février à 10h par visioconférence.

Quant aux deux juges d'instruction, également cités comme témoins, dans ce dossier, le tribunal attend toujours leurs réponses. L'une est désormais en poste à Montpellier, l'autre à Toulouse.

Le président du tribunal veut savoir si les 3 magistrats étaient au courant, ou non, de la relation intime entre la témoin et le directeur d'enquête.

Reportage F3 LE : D.Bérhault et P.de Leyritz

7 millions d'euros pour l'achat d'oeuvres d'art

De 2003 à 2008, la ville de Saint-Cyprien, dans les Pyrénées-Orientales, a déboursé sept millions d'euros pour des oeuvres d'art, soit 20% de tous les achats de la commune en 2006 et 2007: ces chiffres énumérés au tribunal de Perpignan mardi reflètent la frénésie d'acquisitions du maire de l'époque.
Jacques Bouille, l'édile de cette petite station balnéaire de 10.000 habitants qui s'est suicidé en détention en 2009, avait de plus, avec son épouse, dépensé à titre personnel 925.000 euros en oeuvres d'art.

Les achats ont été réalisés avec des fonds suffisamment suspects -notamment plus de 200.000 euros déposés en liquide sur son compte- pour attirer un signalement de l'organisme antiblanchiment Tracfin.
Les enquêteurs ont conclu à un véritable système de corruption mis en place par le maire trop passionné par les arts.

Un entourage municipal complice, des promoteurs payant leur ticket d'entrée aux marchés publics en tableaux de maître: au total, 15 prévenus sont jugés du 5 au 27 février. Certains sont accusés de détournements de fonds au détriment de la
commune, d'autres d'avoir versé des pots-de-vin en liquide ou en oeuvres d'art.

Le suicide du maire en prison

Jacques Bouille, qui avait 62 ans lorsqu'il s'est pendu dans sa cellule, devait répondre notamment de blanchiment et corruption passive. Sa veuve, Marie-Antoinette Alberny, est au rang des prévenus pour recel et dissimulation de biens.
Le président Jean-Luc Dooms a voulu "s'en tenir aux faits" mardi par respect de la présomption d'innocence des prévenus qui seront interrogés à partir de jeudi.

Une enquête rocambolesque

"Ambiguïté", "confusion" et "flou artistique" sont les mots revenus le plus souvent pour décrire les conditions dans lesquelles ont été achetés, transportés aux frais de la mairie et stockés des centaines de tableaux, statuettes, figurines japonaises ou tapis.
Les enquêteurs ont eu du mal à démêler ce qui était du patrimoine personnel de M. Bouille et ce qui appartenait à la mairie.

"D'où venait l'argent?" sur les comptes de M. Bouille, s'est aussi interrogé le président. Sans répondre immédiatement, il a relevé que "certains de ses tableaux ont été achetés par des tiers", comme Christiane Patural, agent immobilier, qui a payé deux tableaux de M. Bouille pour 50.000 euros en chèque, ou Eric Hernandez l'artisan électricien préféré de la commune, acheteur de huit tableaux pour un total de 156.000 euros.
M. Bouille leur avait précipitamment rendu les tableaux quelques semaines avant son arrestation dans une période de "fébrilité" marquée par de nombreux "déménagements de tableaux".

Le président a aussi évoqué les 400.000 euros payés pour 10 tableaux par l'avocat et promoteur suisse Damien Piller et la complexité du dispositif, avec des bordereaux de propriété tantôt pour la mairie, tantôt pour les Bouille ou pour la société de M. Piller.
Le maire gardait une "main-mise totale sur ce secteur", a indiqué M. Dooms, en citant le directeur des musées de Saint-Cyprien, démissionnaire en 2004 pour dénoncer cette "dérive".
"Il semble que Jacques Bouille avait plus la psychologie d'un collectionneur que d'un vrai connaisseur", a ajouté le président qui devait revenir sur la personnalité du défunt mercredi.

La dette de la commune a atteint 4.400 euros par habitant en 2007, sept fois plus que dans les communes comparables en raison de ces achats. Pourtant la majorité des oeuvres n'a pas été trouvée dans les musées, mais au domicile, au bureau du maire, ou même dans le poulailler de sa mère. Une partie significative a disparu, d'autres d'origine inconnue ont été trouvées lors de perquisitions.
"Déliquescence, confusion organisée, désordre par négligence, incompétence", tels sont les qualificatifs possibles "de cette saga", selon le président.

La mairie de Saint-Cyprien est partie civile. La commune est dirigée depuis l'élection de 2009 par Thierry del Poso (UMP), ancien opposant de Jacques Bouille et l'un des premiers à dénoncer ces pratiques, ce qui a "affecté la sincérité de l'enquête", selon l'avocat d'un des prévenus, Me Jean-Robert Phung.
Me Phung a obtenu que le policier directeur de l'enquête, qu'il met en cause, soit entendu, et que les magistrats en charge de l'affaire témoignent avant la fin du procès.
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