13 promoteurs immobiliers, élus et fonctionnaires devraient être jugés en 2014 dans une vaste affaire de pots-de-vin et d'achat massif d'oeuvres d'art au bénéfice présumé de l'ancien maire de Saint-Cyprien dans les Pyrénées-Orientales, a-t-on appris vendredi de sources judiciaires.
Jacques Bouille, maire depuis 1989 de Saint-Cyprien, petite ville balnéaire de la côte méditerranéenne, était soupçonné de s'être fait financer par des promoteurs l'achat d'oeuvres d'art contre des décisions municipales favorables à leurs projets.
Cette figure de l'UMP locale aurait aussi fait acheter par la commune entre 2003 et 2008 pour environ sept millions d'euros de tableaux, de statuettes, de centaines de figurines japonaises ou de tapis, pour la seule satisfaction personnelle de son goût pour l'art.
Le préjudice total est considérable. Mais Jacques Bouille, incarcéré en décembre 2008, ne sera pas jugé puisqu'il s'est suicidé en prison en mai 2009.
En revanche, le parquet de Perpignan vient de demander au juge d'instruction de renvoyer treize personnes devant le tribunal correctionnel, parmi lesquelles l'épouse de l'ancien maire, Marie-Antoinette, d'anciens collaborateurs de celui-ci, des entrepreneurs et des artisans, rapportait vendredi le quotidien l'Indépendant.
La gérante d'une société immobilière est ainsi accusée d'avoir remis à Jacques Bouille deux chèques de 20 et 30.000 euros qui ont servi à acheter des tableaux, en échange de la classification de terrains en zone constructible.
Un artisan électricien est, lui, soupçonné d'avoir financé pour près de 156.000 euros l'achat de huit tableaux en échange de marchés alors même, que de son propre aveu, il se "foutait" de ces oeuvres.
Un avocat et promoteur suisse est poursuivi pour avoir financé l'achat de dix tableaux, dont des oeuvres de Maurice Vlaminck, Gustave Loiseau et Bernard Buffet, pour plus de 400.000 euros, contre des décisions propices à ses plans immobiliers.
Pour le parquet, les collaborateurs de Jacques Bouille et les fonctionnaires mis en cause ont participé à ce système de corruption favorisé par l'attractivité du marché immobilier local.
Le système n'était pas accepté de tous. Un entrepreneur a refusé d'en être parce qu'il ne voulait pas donner "d'argent aux enculés", selon ses mots.
L'achat des oeuvres d'art s'opérait dans une opacité telle qu'une partie significative d'entre elles n'a pas été retrouvée. D'autres ont été récupérées lors de perquisitions non pas au musée mais au cabinet du maire, un médecin de profession, ou à son domicile.
Les enquêteurs ont même découvert des objets d'art dans le poulailler de la mère de l'élu.
Une partie a été restituée à la commune de 10.000 habitants. Celle-ci s'est retrouvée lourdement endettée, ce qui ne l'avait pas empêchée d'acquérir en 2007 un Utrillo pour 250.000 euros.
Il appartient à présent au juge d'instruction de décider de suivre ou non les réquisitions du parquet. Le juge devrait mettre quelques semaines pour renvoyer tous ou la grande majorité des mis en cause devant le tribunal correctionnel.
Le procès pourrait avoir lieu au cours du premier semestre 2014, indique-t-on de source judiciaire.