Depuis le début du mois, l'eau de la rivière Aude à Matemale dans les Pyrénées-Orientales est teintée rouge cuivre et dégage une odeur nauséabonde. Un phénomène déjà observé depuis 2017 à la même période. Le barrage du lac de Matermale géré par EDF pourrait en être la cause.
La rivière Aude qui traverse le village de Matemale dans les Pyrénées-Orientales est depuis début septembre 2023 rouge cuivre avec de la mousse par endroits. Ce phénomène présent sur 300 mètres a été constaté au pied du barrage du lac de Matemale par la Fédération des Pyrénées-Orientales pour la pêche et la protection du milieu aquatique. L'association pointe du doigt l'équipement géré par EDF et s'inquiète pour l'avenir de la biodiversité.
Menace sur la reproduction des poissons
D'après les passionnées de la pêche et de la rivière, l'ouverture d'une vanne de fond du barrage en serait la cause. Elle provoquerait la remontée des boues profondes (qui n'ont pas d'oxygène). Stagnantes, au fond du lac et gorgées en fer, elles provoqueraient cette coloration en remontant à la surface et en rencontrant l’oxygène. L'avenir de la biodiversité aquatique serait menacé, selon l'association car ces boues peuvent avoir des répercussions sur les reproductions des poissons.
On tire la sonnette d'alarme, car ces boues vont obstruer les frayères (lieux de pontes) et l'habitat aquatique. C'est-à-dire, toutes les zones où le courant est calme et propice aux développements des microalgues et des micros invertébrés. C'est là que se situe le début des chaînes alimentaires d'un milieu aquatique de montage.
Benjamin Domenech, secrétaire à la fédération des Pyrénées-Orientales pour la pêche et la protection du milieu aquatique
Odeur d'œufs pourris
Le maire du village, qui s'est rendu sur place ce mercredi 6 septembre, constate une odeur nauséabonde au pied du barrage. Cette pollution est située loin des habitations, l'odeur n'impacte donc pas les habitants du village de 280 habitants. Michel Garcia conseille aux administrés d'éviter de s'approcher du cours d'eau. Il suit de près la situation avec les différents organismes d'état (OFB, DDTM et la sous-préfecture des Pyrénées orientales) afin de mieux comprendre le phénomène.
Il s'agit d'une odeur d'œufs pourris, ça prend à la gorge. Mais notre inquiétude principale, c'est pour la biodiversité. Même s'il n'y a pas de poissons morts pour l'instant, il n'y a plus de vie aquatique.
Michel Garcia, maire de la commune
Un phénomène récurrent
Ce phénomène n'est pas nouveau. Il a été constaté en 2017 pour la première fois et s'est renouvelé chaque année depuis à la même période. EDF ne découvre pas le problème selon le maire de la commune et la Fédération des Pyrénées-Orientales pour la pêche et la protection du milieu aquatique. Le phénomène survient en fin de période estivale quand le débit de la rivière est faible et les températures encore élevées. L'association et la mairie demandent aujourd'hui que des solutions pérennes soient apportées avant que la situation ne s'aggrave avec la sécheresse et la montée des températures.
Il est probable que la situation s'aggrave avec le changement climatique en cours, si rien de rien de concret n'est mis en place.
Olivier Baudier, directeur de la Fédération des Pyrénées-Orientales pour la pêche et la protection du milieu aquatique
La Fédération des Pyrénées-Orientales pour la pêche et la protection du milieu aquatique a demandé des explications à EDF. L'organisme a précisé procéder à des mesures de taux d'oxygène dans la retenue du barrage pour tenter de mieux comprendre le phénomène.
Contactée par France 3, l'entreprise publique française parle d'un événement"rare"et "réversible". "C’est un phénomène naturel qui est favorisé par le cumul de plusieurs facteurs : des conditions hydrologiques défavorables liées à de faibles précipitations au printemps et à l’été, la présence dans la retenue de nutriments qui consomment de l’oxygène et enfin des températures élevées durant l’été. Ces conditions appauvrissent en oxygène le fond de la retenue."
EDF rappelle que le phénomène s'était déjà produit en 2017 et 2022 "avant de disparaître courant septembre", mais qu'il "n’est en aucun cas lié à l’exploitation du barrage par les équipes d’EDF".