De plus en plus de personnes sans domicile fixe et de moins en moins de bénévoles à Perpignan. En deux semaines, deux SDF sont morts, l'un d'overdose, l'autre s'est suicidé. La situation sanitaire s'aggrave chaque jour un peu plus.
Il est mort. Il s'est pendu. Il était SDF. Trois lettres pour désigner un homme.
Le corps SANS vie de ce SANS domicile fixe, SANS papiers a été retrouvé accroché aux grilles de la Croix-Rouge de Perpignan dans la nuit de samedi à dimanche, par un de ses compagnons d'infortune. Il s’appelait Othmane El Barkani. Il avait 31 ans et était père de trois enfants.
Expulsé du Samu social puis des Urgences
Il avait été expulsé de l'accueil d'urgence quelques minutes plus tôt à cause de son comportement puis des Urgences de l'hôpital. Othmane El Barkani venait de Gérone en Espagne. Il s’était séparé de sa femme et avait continué sa route en France en espérant y avoir des papiers. Le trentenaire était dans les Pyrénées-Orientales depuis quatre ou huit mois, on ne sait pas vraiment.
Du quartier Saint-Jacques à la Croix-Rouge
Il errait entre le quartier Saint-Jacques et la Croix-Rouge. Avant d’être SDF en France, le jeune homme d’origine marocaine était employé dans le BTP. Comme nombre de clandestins, il continuait à travailler au noir, ramassé au petit matin comme beaucoup de ses congénères, par des cars qui les amènent pour la journée sur des chantiers des Pyrénées-Orientales.
Psychiatrie et médicaments
Samedi soir, Othmane El Barkani était très agité. Selon certaines sources, il aurait demandé à être hospitalisé en psychiatrie. Comme beaucoup de clandestins, en particuliers les jeunes migrants venus du Maghreb sur des embarcations de fortune, il consommait du Rivotril et du Lyrica, deux antiépileptiques détournés et pris comme une drogue à l’effet sédatif puissant transformant les personnes qui les ingèrent en zombies.
Pris à haute dose, ces médicaments ont un effet désinhibant pour ceux qui en prennent et se muent en "machines surpuissantes et violentes".
Ces cachets circulent de plus en plus et cela devient très dangereux car les sans-abris sont de plus en plus nombreux, démunis et violents. Je commence à avoir peur.
Fatouma Miloud Hocine.
Situation catastrophique
A Perpignan, la situation est catastrophique. La pendaison d’un homme le week-end dernier succède au décès d’un très jeune SDF. Il s’appelait Stanislas, il avait 20 ans. Il est mort d’une overdose de kétamine, un puissant antidouleur et anesthésiant. Il a été retrouvé un matin mort sur un trottoir du centre-ville, près de la préfecture. Il était originaire de la Drôme.
« Stan était adorable, il nous aidait parfois et protégeait les filles de la rue », se rappelle Fatima Miloud Hocine, bénévole à l'association "Au coeur de l'humanité 66", très affectée par la mort du jeune homme. Il est encore à la morgue. Ses obsèques n’ont toujours pas eu lieu. Il aurait eu 21 ans le 25 octobre.
Marche blanche pour Stan et Othmane
Au gré des drames vécus au quotidien par les personnes auxquelles elle porte assistance, Fatouma Miloud Hocine évoque le cas d'une jeune femme sans domicile fixe qui aurait été séquestrée et violée pendant plusieurs jours à Perpignan.
Terrorisée, elle refuse de porter plainte. "C'est dire le climat de terreur qui règne dans la rue pour ces personnes-là", soupire la bénévole.
Elle a demandé audience en préfecture pour évoquer les difficultés de plus en plus importantes rencontrées sur le terrain, notamment par les femmes, mais elle a peu d’espoir d’être reçue. Elle aussi pense à jeter l’éponge.
Ce mercredi, pour sensibiliser l’opinion, elle va organiser une marche blanche dans les rues de Perpignan. Aussi et surtout pour que l’on se souvienne de Stan et d’Othmane.