Procès de Thierry Cahuzac. "Un cri de peur, atroce" : l'inexorable montée de violence de l'accusé jusqu'aux quatre assassinats

C’est une nouvelle journée éprouvante qui s’est déroulée mercredi au tribunal de Perpignan. Au troisième jour du procès de Thierry Cahuzac pour l’assassinat de ses parents et beaux-parents en août 2020, la femme et les enfants de l’accusé ont retracé la montée inexorable de violence chez le meurtrier présumé.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Thierry Cahuzac a reconnu à plusieurs reprises avoir tué ses parents à Perpignan le 22 août 2020, puis ses beaux-parents au Boulou le lendemain. En quelques heures, Rémi et Laura, les enfants de l’accusé, ont perdu leurs quatre grands-parents. Mercredi 6 décembre 2023, ils ont poursuivi le récit de leurs souvenirs des victimes devant la cour d’assises des Pyrénées-Orientales. Ils ont aussi esquissé la dérive violente de leur père à partir de 2010.

Le portrait des quatre victimes

Alain et Claudie Cahuzac sont les premiers à avoir été tué, ce 22 août 2020. À la barre, les petits-enfants évoquent des grands-parents peu démonstratifs, mais bienveillants. "Ce n'est pas parce qu'on exprime moins qu'on n'aime pas", dit Laura. Lui bricole. Il aime la technologie et la nature, elle la poésie. "Quand j'ai vidé la maison de mes grands-parents, j'ai trouvé un poème de ma grand-mère qui disait à quel point elle aimait ses petits-enfants, à quel point elle était heureuse d'être grand-mère", poursuit la jeune femme de 27 ans.

Les grands-parents maternels, tués quelques heures après le couple Cahuzac, sont dépeints comme plus chaleureux dans la bouche de leurs petits-enfants. Ils sont quatre à se succéder à la barre. Laura, Rémi et leurs cousins Estelle et Alexandre. "On a le sentiment qu'ils sont les oubliés de ce procès", se désole Estelle. Les quatre cousins sont unanimes sur ce point. Alors les uns après les autres, ils décrivent des grands-parents "bienveillants, honnêtes, sur qui on peut compter." George aime jardiner, Michèle dessiner et lire. Laura les avait chaque semaine au téléphone : "Chez mes grands-parents, c'était ma deuxième maison. C'est là que je me sentais en sécurité."

La seule erreur de mes grands-parents a été de nous protéger.

Laura Cahuzac


Qu’a-t-il bien pu se passer pour que les deux couples soient assassinés au cœur de l’été 2020 ? La femme de Thierry Cahuzac dit ne pas savoir, ne pas comprendre, ce qui a pu déclencher la folie meurtrière. Mais elle et ses enfants esquissent une transformation inexorable de l’accusé, un changement dramatique qui s’est manifesté à ses proches dès 2010.

En 2010, Thierry Cahuzac "change de comportement", remarque sa femme. Il semble préoccupé mais ne dit rien. Surprenant car ils sont "complices" et parlent habituellement beaucoup. Elle finit par comprendre que c'est lié au travail. Il parle d’un accrochage violent avec un collègue qu'il a attrapé violemment par le col. Il est interrogé par la gendarmerie. "C'est là qu'il est entré en dépression et que sa personnalité a complètement changé, qu'il s'est senti persécuté pour tout et par tout le monde".

Dominique Bertran et ses enfants quittent le domicile familial en octobre 2011 suite à une grosse dispute entre Laura et son père. L’adolescente ne veut plus vivre sous le même toit que celui qui "était devenu colérique". "Il ne pensait plus qu'à lui."

Violence inouïe dès 2011

Le 24 décembre de cette année-là, la mère et ses enfants ne peuvent pas se rendre au domicile de Thierry Cahuzac, leur voiture tombe panne. Le dîner prévu ce soir-là est reporté au lendemain. Les enfants ouvrent leurs cadeaux mais le père est en colère. Ce jour-là, Thierry Cahuzac s’en prend physiquement à Dominique Bertan.  Rémi et Laura entendent leur mère crier, "un cri de peur, atroce".

Ils courent vers la chambre et trouvent leur père sur leur mère, une main sur le cou et une autre qui lui tire les cheveux. Il crie "je vais te tuer, je vais te tuer, je vais te tuer". Ils essayent de la dégager mais n'y arrivent pas. "Je vois mon frère de 11 ans sauter sur mon père pour le faire lâcher. Je suis figée de peur". Le cri devient "je vais tous vous tuer".

"Je vois maman qui a les lèvres bleues et les veines dans les yeux, elle ne respire plus", se remémore Laura. "J'ai peur que si je la quitte des yeux, elle soit morte." Thierry Cahuzac finit par lâcher prise. La mère et les enfants sortent de la maison et vont se réfugier chez un voisin. Les pompiers sont appelés et l’auscultent sur place.

La passivité des autorités

La plainte déposée le lendemain pour tentative de meurtre est requalifiée en violences conjugales, faute de preuves comme des photos ou un certificat médical pour ses blessures. Et les gendarmes refusent d'entendre Laura comme témoin. Dominique Bertran regrette aujourd’hui encore le déroulement des événements jusqu’à se sentir responsable de ne pas avoir réussi à empêcher ce 25 décembre 2011 les meurtres de 2020 : "Si on avait été à l'hôpital, peut-être que des personnes seraient encore en vie aujourd'hui."

Je sais que je suis la raison et la cause.

Dominique Bertran, l’épouse de l’accusé

Dominique Bertran et ses enfants racontent alors comment ils basculent alors dans l'enfer. Thierry Cahuzac les harcèle, vient la nuit dans le jardin de la maison, leur envoie des messages, les suit, vient voir son fils au foot au point que Rémi veut arrêter les entraînements. Ils déposent plusieurs mains courantes. "Tant qu'il ne fait rien de grave, on ne peut rien faire", se voient-ils répondre, selon Laura.

"Quand j'ai vu que rien aboutissait, j'ai décidé de porter plainte en me disant qu'une plainte de mineur aurait plus de poids." Sa mère raconte les heures passées à "camper" dans la gendarmerie pour que Laura soit reçue. La plainte aboutit à un jugement et à la mise en place d'une mesure de protection avec une peine de trois mois de prison avec sursis. Thierry Cahuzac ne respecte pas l’éloignement, le sursis est révoqué et il est envoyé en prison pour trois mois.

Les menaces

Celui qui est aujourd'hui poursuivi pour quatre meurtres prémédités laisse alors des messages vocaux menaçants à ses beaux-parents juste avant : "La seule chance que vous avez de vivre encore 20 ans, c'est de vous démerder pour que je n'aille pas en prison et que je vois mes enfants. (...) Vous allez payer pour ce que vous avez fait à moi et mes enfants." L’accusé est persuadé que les parents de son épouse sont responsables du fait qu'il ne voit plus ses enfants.

Dominique Bertran dit ne pas savoir ce qui a déclenché le passage à l'acte six ans après. Peut-être un mail qu’elle a envoyé à sa belle-mère, qui gérait les papiers de Thierry Cahuzac, pour lui dire qu'il peut arrêter de verser la pension alimentaire pour Laura car celle-ci va commencer à travailler. "Je pense que là il a perdu le dernier lien, ce qui le reliait encore à nous. Il n'avait plus aucune prise." 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information