Depuis le 10 juin, les habitants de Tautavel ont interdiction de boire l’eau du robinet. Elle a été déclarée impropre à la consommation à cause d’une pollution aux pesticides. Des associations de défense de l’environnement envisagent de déposer plainte pour «empoisonnement».
En colère ou résignés, un flot d’habitants défile, chaque jour, sur le parking du Palais des congrès de Tautavel. C’est là qu’ils viennent se ravitailler en eau potable. La mairie a mis en place un service de distribution de bouteilles d’eau minérale. 4 litres par jour et par personne.
Cela fait des mois que les 877 habitants se plient à ce rituel. Depuis que l’ARS, l’Agence Régionale de Santé Occitanie, a prononcé le 10 juin dernier, que l’eau courante était impropre à la consommation, des molécules de produits phytosanitaires à un taux dépassant le seuil autorisé ayant été enregistrés.
Après 1 mois à faire des aller et retour pour se fournir en eau potable, Francine, 77 ans, n’en peut plus de cette situation.
Pour Yves Castres, également résident de la commune, c'est un cercle sans fin.J’ai 17 marches à monter pour arriver chez moi. Je suis fatiguée. Vivement que ça se finisse.
Cette situation se reproduira tant que les gens continueront d’utiliser des pesticides.
Un pesticide interdit mis en cause
A l’origine du problème, une contamination de l’eau que dénonce le collectif des citoyens et citoyennes tautavellois."Elle est polluée par des produits phytosanitaires à des taux au-dessus de la norme de tolérance et même jusqu’à sept fois au-dessus des taux pour deux produits : un fongicide fluxapyroxade et un insecticide thiamethoxame".
Ce dernier, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes est pourtant interdit, banni des champs français depuis le 1er septembre 2018, afin de protéger les colonies d’abeilles décimées par ce type de produits chimiques.
Pourtant, le même problème avait déjà été constaté en février dernier. Pour le collectif s’en est assez, c’est la goutte de phyto qui fait déborder le vase.
C’est très grave et doit être résolu en urgence pour la santé de tous les habitants de la commune. Les produits sont rémanents et ne disparaîtront pas rapidement.
Les dernières analyses de l’ARS menées à la fin juin auraient démontré que le thiaméthoxame, serait repassé sous le seuil critique de qualité fixé à 0,1 microgramme par litre. Mais les restrictions n’en demeurent pas moins maintenues, étant donné que le taux de présence de la seconde molécule est toujours, lui, au-dessus. Il s’agit d’un fongicide dénommé le fluxapyroxade et utilisé notamment contre l'oïdium dans le traitement des fruits à pépins comme le raisin.
Quant au fluxapyroxade, qui est un fongicide utilisé contre l'oïdium, il s'agit d'une molécule autorisée mais très décriée. En 2019, dans une tribune publiée dans Le Monde, 450 scientifiques et/ou médecins ont appelé à «mettre en œuvre au plus vite l'arrêt de l'usage des SDHI (ndlr succinate déshydrogénase dont fait partie le fluxapyroxade) en milieu ouvert». Ils estiment que les dernières études «laissent prévoir le risque additionnel chez l'homme d'une catastrophe sanitaire liée à leur usage».
En attendant, à Tautavel, de nouvelles analyses ont été effectuées ces derniers jours et dont le résultat est attendu avant la fin du mois de juillet.
Une plainte pour "empoisonnement"
Alors qu'une pétition a été lancée par un collectif citoyen "pour une eau du robinet saine et de qualité, le président de l'association tautavelloise pour l'information et la sauvegarde, Joseph Genebirer, a déjà annoncé sa volonté de déposer une plainte contre X pour "empoisonnement". D'autres associations lui emboîtent déjà le pas.Le groupe local d'Europe Ecologie Les Verts s'associe, d'ores-et-déjà à la cause comme en témoigne Jean Codognès, l'avocat en charge du dossier.
Nous comptons attaquer devant la justice administrative, ainsi qu'au pénal.Concernant la molécule interdite, il y a deux solutions : soit elle persiste depuis l'époque, soit sa présence résulte d'une utilisation récente et donc illégale. On veut savoir comment cette molécule s'est retrouvée là, qui pollue l'eau et depuis quand cette pollution existe. En plus de la plainte des associations, des plaintes à titre personnel, dont l'une émane d'un agriculteur, sont également en préparation. Ce n'est pas un combat contre la viticulture, mais un combat contre ceux qui ne respectent pas les règles.
Enquête en cours et un nouveau projet de forage
Les Tautavellois ont été privés d’eau potable à plusieurs reprises ces dernières années, notamment à cause des intempéries (pluies) mais aussi d’une contamination par des bactéries (salmonelles) en octobre 2019. Pour l'Agence Régionale de Santé, il y a d'abord un problème d'efficacité des installations :Du côté de la communauté urbaine Perpignan-Méditerranée, on assure que le nouveau projet de forage est validé.La commune de Tautavel dispose actuellement, pour son alimentation en eau potable, d’une ressource superficielle vulnérable et d’un système de traitement non adapté à ce type de ressource.
Un raccordement qui suppose des investissements financiers conséquents. En attendant le déblocage des fonds, l’Agence régionale a demandé à la collectivité (Perpignan Méditerranée Métropole) de réaliser une enquête afin de déterminer la (ou les) source(s) de pollution. Elle a également sollicité l’Office Français de la Biodiversité et la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Forêts, afin que des contrôles soient opérés sur les pratiques agricoles environnantes.Le projet de réaliser un forage non loin de la caune de l'Arago est validé. On sait que ce forage serait qualitativement et quantitativement satisfaisant. Maintenant, il faut réaliser le raccordement et l'unité de pompage et de traitement.