Deux restaurateurs du quartier de la gare à Perpignan ont décidé de rester fermer pour protester contre "l'abandon du quartier par les pouvoirs publics". Selon eux, la situation ne cesse de dégénérer sans que la police intervienne. Ils témoignent.
Depuis lundi 19 juillet, le rideau reste baissé pour deux restaurateurs de l’avenue du général De Gaulle. Les patrons sont à bout, victimes quotidienne de l’insécurité croissante dans le quartier de la gare de Perpignan.
“Insécurité totale”
Dans les vitrines, derrière les portes closes de la Brasserie de la gare et du Perroquet, l’explication est inscrite en toutes lettres sur un panneau : “Insécurité totale”.
"Depuis 46 ans je travaille ici, je vois les incivilités augmenter chaque jour et ça prend de telles proportions !", s'indigne Thierry Guisset. "La police nationale, on ne la voit absolument pas, elle nous a abandonné. Quand on l’appelle personne ne vient, seule la police municipale intervient de temps en temps".
Une situation particulièrement dégradée depuis juillet
Depuis le début du mois de juillet, les restaurateurs se plaignent quotidiennement de la présence de plus en plus importante de groupes de jeunes installées dans les rues. Ils passent leurs journées sur cette avenue, vivant du trafic de drogue et multipliant les incivilités. "On vient travailler avec la boule au ventre, ont subi des menaces de mort tous les jours", s'indigne le patron de La Brasserie, installé ici depuis 46 ans. "Le personnel n'a plus envie de travailler et les clients aussi sont à bout : c'est sans arrêt de la mendicité, des vols sur les tables, il y a toujours des problèmes."
Une situation partagée par son voisin, Hassen Sanekli, responsable du restaurant Le Perroquet : "Entre le trafic, la saleté et les incivilités, les clients se lèvent et s'en vont. Et ils ne reviennent plus ! C'est comme si on était fermé, ça revient au même.".
Un nouvel incident met le feu aux poudres
C’est dans la soirée du dimanche 18 juillet que la situation a dégénéré au point de pousser les deux restaurateurs à la fermeture. Au retour d'Hassen Sanekli pour son service du soir, ce même groupe de jeunes s'était de nouveau installé sur sa terrasse. L'échange dégénère avec les jeunes allant jusqu'à la violence physique. Le restaurateur bloque la circulation de l'avenue avec son véhicule et appelle la police municipale qui refuse de se déplacer.
Son voisin, Thierry Guisset utilise alors lui aussi son véhicule pour bloquer l'avenue. La police municipale arrive sur place mais rien ne se passe comme prévu pour les deux hommes. "J'ai été jeté hors de mon véhicule, menotté à terre comme un vulgaire malfrat ! J'ai même perdu connaissance, on a dû m'emmener à l'hôpital", témoigne Thierry Guisset. "Ma femme, venue leur dire que j'étais cardiaque, ils l'ont gazé ! Elle a 68 ans ! Il y a de quoi être en colère, c'est le monde à l'envers !"
De son côté, Hassen Sanekli est lui arrêté et placé en garde-à-vue, les deux véhicules envoyés à la fourrière.
Un délit passible de deux ans de prison et 4.500 euros d'amende
En effet, l'entrave à la circulation est un délit punissable de deux ans de prison et 4.500 euros d'amende. La police municipale affirme avoir parlementé durant de longues minutes avant de procéder à l'arrestation des deux restaurateurs et nient toute forme de violence de la part de ses agents. "La vidéo le montre, la violence est venue de la part de personnes qui sont venues au contact. Elles ont multiplié les insultes et l'un de nos policiers a été contraint d'utiliser du gaz lacrymogène contre un jeune homme qui tentait de lui arracher son gilet par balle", relate Philippe Rouch, le directeur de la police municipale de Perpignan.
"On traine la police municipale dans la boue alors que c'est la seule police qui se déplace. Mettre en cause la probité de mes agents, c'est inadmissible, ils le vivent comme une blessure profonde".
La police municipale et la mairie de Perpignan se réserve le droit de déposer plainte pour outrage sur personnes dépositaires de l'autorité publique, rebellion et propos diffamatoires.
Un profond sentiment d'abandon
Thierry Guisset et Hassen Sanekli se disent choqués par l'intervention de la police mais affirment ne rien regretter, poussés à bout par la situation qu'ils vivent au quotidien. "Les jeunes qui ont agressé le restaurateur d'à côté n'ont eu aucun problème. On est pris pour des délinquants alors qu'on vient travailler ici 7 jours sur 7", s'indigne le patron de La Brasserie. "J'en veux à la police mais aussi au maire et au commissaire de nous avoir abandonné."
L'abandon est le terme qui revient sans cesse dans leur discours. Bloquer l'avenue était le seul moyen de faire venir la police et de se faire entendre, disent-ils.
C’est la première fois que la situation atteint un tel niveau, je n’arrive plus à faire face ! On a aucun soutien ni des élus, ni du préfet.
Pourtant, la police municipale affirme de son côté intervenir 7 à 8 fois par jour sur cette avenue, consciente du trafic de drogue qui s'y est installé. "On se déplace, mais lorsqu'on arrive ces jeunes ne font rien de mal alors on contrôle leur identité, lorsqu'on les prend sur le fait, on les arrête et on les confie à la police judiciaire mais ils sont immédiatement relâchés. Ce sont des mineurs, ils souffrent d'une totale impunité !", dénonce le directeur de la police municipale qui comprend le sentiment des restaurateurs mais qui ne peut accepter que des citoyens commettent des délits pour se faire entendre.
A Perpignan, si on enlève la police municipale, il n’y a plus rien. La ville souffre du manque de présence policière mais on ne peut combler les carences de l'Etat.
Police municipale comme restaurateurs, un constat fait l'unanimité : le manque de moyens mis en place par l'Etat pour régler le problème de l'insécurité dans certains quartiers de Perpignan.