Depuis trois ans, la sécheresse sévit dans les Pyrénées-Orientales. Une situation critique notamment pour les agriculteurs. Certains sont au bord du gouffre. Ce jeudi 17 octobre, Annie Genevard, la ministre de l'agriculture est venue à leur rencontre. Très attendue, elle n'a pas convaincu. "On ne va pas en rester là", les agriculteurs se préparent à de nouvelles actions de blocages à la frontière avec l'Espagne.
On est dégoûté. Je pensais qu'on serait un peu plus considérés mais ça n'est pas du tout le cas. On nous a clairement dit qu'il n'y avait plus d'argent. On a l'impression qu'ils se disent que dans deux ans il y aura 70% d'agriculteurs en moins et que ça fera autant d'argent en moins demandé.
Jean Henric, Président des Jeunes Agriculteurs des Pyrénées-Orientales
Une visite les mains vides
Déçus, abattus, écœurés, remontés... les agriculteurs des Pyrénées-Orientales expriment tous un sentiment de désillusion après leur entrevue avec Annie Genevard, ministre de l'agriculture venue hier, à leur rencontre. Après avoir arpenté vignes et vergers à Rivesaltes, la ministre a pu constater la situation catastrophique du manque d'eau en Pays Catalan en se rendant sur le lit asséché de l'Agly. La ministre récemment nommée s'est ensuite entretenue dans les caves de Terrats avec les élus et les représentants des agriculteurs. Face à "l'urgence de la situation", ils espéraient des mesures qui viendraient soutenir la profession dans ce département marqué par trois années de sécheresse historique. Si la Ministre s'est montrée sensible à la détresse des agriculteurs et à l'écoute, elle n'en est pas moins arrivée les mains vides, au grand dam des représentants présents.
On nous dit qu'à Paris il n'y a plus de sous. La ministre nous a dit hier qu'il y a entre 6 et 7% de dettes et presque on nous fait comprendre que c'est à cause de l'agriculture. En France on a des sous pour ce qu'on veut. Après on vous fait des beaux discours comme quoi il faut préserver l'agriculture pour lutter contre les incendies.
Benoît Bousquet, Secrétaire Général des Jeunes Agriculteurs des Pyrénées-Orientales
Rien sur le projet de retenue collinaire dans les Aspres, mis à part de nouvelles études programmées. De quoi irriter les professionnels du secteur."Voilà 15 ans que ça dure et j'ai l'impression que ça va durer encore quelques années" déplore le Président des JA des Pyrénées-Orientales. Hier, la Ministre annonçait une enveloppe de 2,5 millions d'euros pour développer un projet de réutilisation d'eaux usées sur la commune d'Argelès-sur-Mer. Là encore, Annie Gevevard a fait chou blanc avec ce projet déjà présenté en mai dernier par Christophe Béchu, ancien ministre de la Transition Ecologique. "C'est bien, parce qu'on évitera de pomper dans la nappe phréatique mais ça ne suffira pas. Il nous fallait amener de l'eau là où il n'y en a pas. C'est une demi-goutte d'eau dans le vase" explique Jean Henric.
Si on ne fait rien, on est condamnés
Au lendemain de la visite ministérielle, la profession se lève et se soulève. Pas question de rester les bras croisés en attendant de disparaître, les agriculteurs "n'ont plus rien à perdre" déclare le président des JA des Pyrénées-Orientales très affecté par plusieurs actes désespérés de collègues dans le département.
J'ai vraiment peur de drames humains. On en est là. Hier, on en a évité un de justesse et cette semaine on est déjà à trois signalements de tentatives de suicide. C'est catastrophique.
Jean Henric, Président des JA des Pyrénées-Orientales
Des blocages à venir
Bilan de la visite, les agriculteurs ont la sensation de déranger. Un sentiment contreproductif pour la profession qui déjà envisage des actions à venir. Peut-être pas dans l'immédiat, la ministre prévoit une visite dans l'Aude les 4 et 5 novembre. Mais sous peu. "Si on n'a pas de réponse rapide, nous, on lui répondra rapidement" s'agace Benoît Bousquet qui se souvient de discours où il avait été donné comme espoir que les Pyrénées-Orientales "seraient un département pilote parce que ce qu'il arrive ici, c'est inédit". Un rendez-vous pourrait bientôt se tenir au niveau de la frontière avec l'Espagne. Un rendez-vous qui pourrait bien durer longtemps, d'autant que la mobilisation pourrait être élargie au niveau européen.