Huit personnes sur les 31 prévenus ont déjà défilé à la barre du tribunal correctionnel de Narbonne dans le cadre du procès sur l'incendie du péage en décembre 2018 en plein mouvement des gilets jaunes. A la barre, très peu se revendiquent comme faisant partie du mouvement.
Ce mardi, ils étaient 8 prévenus à défiler à la barre du tribunal correctionnel de Narbonne pour s’expliquer sur le saccage du péage et d'une gendarmerie en pleine mobilisation "gilets jaunes" il y a un an. Sur ces 8 personnes, très peu se définissent comme faisant partie des gilets jaunes.
Boulots précaires, au chômage ou à la rue, tous soutiennent les revendications sociales des gilets jaunes même s’ils disent ne pas appartenir au mouvement.
Adrien, jeune homme de 32 ans
Avec les gilets jaunes, le peuple pouvait se faire entendre pour une fois", soutient Adrien, 32 ans. "Participer au mouvement c'était une façon de manger à des ronds-points, discuter, créer des liens".
Mais la nuit du 1er au 2 décembre 2018, après une journée de manifestations tendues partout en France, la situation dégénère au péage de Narbonne Sud: les locaux de la société Vinci et du peloton autoroutier de gendarmerie sont saccagés, incendiés et pillés, les militaires sont évacués.
"J'ai débordé, je me suis laissé dépasser par la foule", murmure Adrien, qui reconnaît avoir jeté "cinq ou six cailloux" sur des gendarmes.
"Sur le moment, les gendarmes représentaient l'État, le gouvernement qui ne nous écoutait pas. Les petits salariés comme nous étaient en crise. D'ailleurs ça ne s'est toujours pas amélioré", ajoute le trentenaire, actuellement employé dans un fast-food, après avoir abandonné ses études, faute d'argent dit-il.
Pierre-Jean, père de deux enfants
"J'avais bu, c'était le mouvement, la bêtise, je n’ai pas réfléchi", dit, la voix lasse, cet homme de 36 ans, qui reconnait tous les faits qui lui sont reprochés, dont celui de "violence sur personne dépositaire de l'ordre public".
Alcoolisé, Pierre-Jean, père de deux enfants et sans emploi, l'était également ce soir-là.
Je tenais absolument à manifester car je pensais que c'était une journée très importante pour les revendications, j'avais beaucoup bu, je n'avais pas mangé, dit-il, reconnaissant seulement avoir involontairement détruit une barrière de péage.
Sur une vidéo, on l'aperçoit tituber, une bouteille à la main, avant d'être écarté par les gendarmes. "Je suis sincèrement désolé des images qu'on a vues de moi, je me sens humilié", dit-il.
Frédéric, 30 ans, employé de cuisine et père d’une petite fille
Employé en cuisine pour 350 euros par mois, Frédéric, père à 30 ans d'une petite fille, répète à plusieurs reprise "regretter énormément" sa présence ce soir-là au péage, "à cause d'une curiosité malsaine".
Oui, j'ai jeté des pierres, j'avais reçu une grenade, ça m'a énervé je n'ai pas pu me contrôler.
Stéphane, 36 ans, chauffeur routier
Accusé notamment de recel d'une veste de gendarme, Stéphane, 36 ans, exprime lui surtout un "désenchantement" par rapport aux "gilets jaunes" auprès desquels il était très investi.
J'ai du mal à finir les fins du mois, je dois rembourser un prêt immobilier sur 20 ans. J'aspirais à ce qu'on vive plus dignement, explique ce chauffeur routier, père de deux enfants, qui dit s'être aujourd'hui complètement retiré du mouvement.
31 dans le box des accusés, 200 sur les lieux
A l'ouverture du procès, des vidéos diffusées à l'audience ont montré des scènes de liesse et de chaos, le colonel Marc Gonnet, commandant du groupement de gendarmerie de l'Aude évoquant à la barre "une horde de barbares déchaînés".
D'après le parquet, les manifestants étaient environ 200 sur les lieux.
Le procès, qui implique 48 parties civiles, en majorité des gendarmes, doit durer jusqu'au 20 décembre. Certains prévenus encourent jusqu'à 10 ans de prison et de lourdes amendes. Le jugement qui s'annonce complexe, n'est pas attendu avant janvier.
Le reportage d'Alexandre Grellier et Frédéric Guibal