Le Giec a publié son 6e rapport sur le réchauffement climatique. Le constat est une fois de plus alarmant. Sur les 45 glaciers que comptaient les Pyrénées, il n'en reste que 25 dont 15 sur la partie française. Dans 30 ans, il n'en restera plus. Le glaciologue Pierre René répond à nos questions.
Depuis 20 ans, il ausculte les glaciers pyrénéens. Pierre René est accompagnateur en montagne et glaciologue. Le 6e rapport du Giec sur l'impact du réchauffement climatique ne le surprend pas. Il existe environ 200 000 glaciers sur la Terre. Dans les Pyrénées, il n'en reste plus que 25 et à l'horizon 2050, il n'y en aura plus.
Le comparatif photos entre l'année 2000 et 2021 du glacier d'Ossoue permet de se rendre compte de l'évolution.
Depuis 20 ans vous êtes au chevet des glaciers des Pyrénées avec votre association Moraine, quel constat dressez-vous ?
PR: En plus de mon activité d'accompagnateur en montagne pour tous les publics, j'ai une activité de scientifique pour mesurer la variation des glaciers des Pyrénées. Avec 3 éléments : les longueurs, les surfaces et les épaisseurs de ces glaciers. Il ne reste plus que 25 glaciers pyrénéens (15 en France, 10 en Espagne). Ils sont moins nombreux mais plus grands et plus épais en Espagne. Depuis 20 ans, on observe que la surface a été réduite de moitié. Il en va de même pour l'épaisseur du glacier le plus vaste côté français (l'Ossoue) qui a perdu plus de 30 mètres.
Nous avons eu des périodes de régression par le passé il y a 100 ou 200 ans mais c'était moins rapide.
On assiste à la disparition totale des glaciers. Il y a 20 ans, nous avions encore 45 glaciers pyrénéens. Vu la tendance, vers 2050 il n'y en aura plus. C'est la rapidité dans cette régression qui est frappante.
Pierre René, glaciologue des Pyrénées
A courte échelle, c’est irréversible. Depuis 20 ans, le réchauffement climatique se traduit par une hausse de 0,2 degré par décennie. Compte tenu de l’altitude peu élevée du massif pyrénéen, on est dans la frange limite de leur existence. Tous ceux qui persistent sont exposés au Nord.
Le dernier à survivre ne sera pas forcément le plus haut et le plus vaste (glacier d'Ossoue) mais plutôt ceux qui sont dans des niches ou des cirques comme le glacier d'Arcouzan situé sur un flanc du mont Valier en Ariège. C'est l'un des plus petits avec seulement 2ha mais la configuration géographique fait qu’il se maintient.
Quelles sont les conséquences de la diminution puis la disparition de ces glaciers ?
PR : Les glaciers pyrénéens sont des réservoirs d’eau négligeables. L'eau est surtout contenue dans les roches. On assiste à la création de lacs, une transformation des paysages, moins beaux, esthétiques, moins de blanc et plus de minéral. C'est surtout une perte pour la biodiversité. En montagne, il y a un écosystème particulier, des espèces animales et végétales liées à ce milieu polaire. Une espèce comme le lagopède alpin (oiseau) venue se réfugier dans les montagnes se retrouve piégée. Cette perdrix des neiges risque de repartir.
Les hauts sommets sont aussi fréquentés par les randonneurs. Sans les glaciers, certains accès au Vignemale, ou encore à l'Aneto deviennent plus compliqués. Le glacier servait de marche pied. Désormais ce sont des zones plus rocheuses et instables, fragilisées par l'action du glacier. Certains accès sont devenus impossibles comme le pic des Gourgs-Blancs ou le Pic Long dans les Hautes-Pyrénées. La Brèche de Rolland, près du cirque de Gavarnie, très fréquentée et accessible est devenue plus technique avec des passages d’escalade.
Le réchauffement climatique est irréversible pour les glaciers mais quelles actions sont encore possibles ?
PR : A l’échelle locale on peut contribuer, mais il faudrait une action globale pour limiter l'utilisation d'énergies fossiles : charbon, pétrole, gaz. Le CO2 n'a pas le temps d’être absorbé par le milieu terrestre, végétal ou océanique. Il y a donc un effet de serre additionnel, une espèce de double vitrage qui crée la surchauffe. La plupart des zones de haute montagne sont peu fréquentées. Des personnes d'un laboratoire toulousain sont venues faire des prélèvements. On retrouve de la pollution en tous genres : micro plastique -y compris sur les sommets- traces d’essais nucléaires des années 60 dans les glaces. Les glaciers sont des archives à haute altitude. J'essaie de sensibiliser mes enfants, mes proches, ceux que j'accompagne en montagne pour qu'ils mesurent l'impact du réchauffement climatique. Concernant les glaciers, malheureusement il n'y a plus grand chose à faire. Leur disparition est inéluctable.
La fin des glaciers pyrénéens va entrainer plusieurs bouleversements des écosystèmes biologiques et humains. Ce pourrait être la préfiguration du devenir des glaciers alpins plus hauts et plus massifs, qui pourraient disparaitre à leur tour dans la seconde moitié du XXIe siècle.