Le procès de Guerric Jehanno s’est ouvert ce jeudi 8 octobre 2020 devant la cour d’assises du Tarn, à Albi. Il comparaît pour l’enlèvement, le viol et le meurtre d’Amandine Estrabaud, disparue en 2013 à Roquecourbe et encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Chemise bleu clair presque assortie à son masque, Guerric Jehanno semble très calme à son entrée dans le box des accusés ce jeudi matin. La salle d’audience est trop petite pour accueillir le public venu assister à son procès. A cause de la distanciation sociale imposée par la lutte contre l’épidémie de Covid-19, les places sont comptées et le président s’agace à l’ouverture de l’audience en voyant les gens assis aussi près. Il fait évacuer journalistes et public, autorisés ensuite à revenir au compte-goutte et dans la limite des rares places restantes.
Après avoir lu l’acte d’accusation, le président de la cour d’assises rappelle à Guerric Jehanno qu’il est accusé de meurtre et de viol et que pour ces faits, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Quelle sera son attitude pendant ce procès ? "Je choisis de parler" répond Guerric Jehanno, "de répondre aux questions".
Un garçon taiseux et taciturne
Qui est cet homme, âgé aujourd'hui de 32 ans, assis sur le banc des accusés ? L’enquêtrice de personnalité décrit un garçon taciturne et renfermé, marqué par des drames dans son enfance, la mort de son père dans l'incendie de sa maison et celle de son demi-frère dans un accident de la route.Il grandit à Lacrouzette, dans le Tarn, entre un père granitier et une mère femme de ménage.
Son enfance est marquée par le climat de violence qui règne à la maison. Son père est décrit comme nerveux et lève fréquemment la main sur sa femme. Les enfants sont témoins de ces violences mais rarement victimes. Tout petit, Guerric Jehanno est hyperactif, il a des crises d'angoisse, des difficultés à l'école, des troubles du langage. Il redouble son CP. Et est suivi psychologiquement, dès l'âge de 5 ans.
Ses parents se séparent quand il a 10 ans.
Un employé sans histoire
Il a des difficultés d'apprentissage. Devient maçon après un CAP. Il est recruté en CDI dans l'entreprise où il a fait son stage et y reste jusqu'à son licenciement économique fin 2013. Ensuite, après une nouvelle formation, il retrouve un travail dans une carrière. Ses employeurs le décrivent comme assidu, ponctuel et motivé mais qui a besoin d'être guidé et ne prend pas d’initiative.Un homme à deux visages
Guerric Jehanno se décrit lui-même comme casanier, solitaire, très introverti, timide. Il a des difficultés relationnelles et du mal à aller vers les femmes. Sauf quand il a bu. Là, il peut "devenir con en paroles" dit-il. "Il a deux visages", dit l'experte "quand il est à jeun, il est timide, réservé, inhibé. Quand il s’alcoolise, il lève ses inhibitions, s’emporte."Les experts relèvent plusieurs addictions. A l’alcool, aux jeux vidéos, aux films pornos. "Il préfère regarder des films pornos que d’avoir de vrais relations" dit l’un des psychiatres. Ses histoires amoureuses sont rares et durent peu.
Une disparue au coeur des débats
Après la personnalité de l’accusé, c’est celle de la disparue qu’étudie la cour d’assises d'Albi. Amandine Estrabaud a disparu le 18 juin 2013 en rentrant de son travail. Toutes les personnes interrogées par l’experte en charge de cette analyse, sa famille, ses amis, ses collègues, la décrivent comme une jeune femme enjouée, et aimant la vie.Sa vie bascule vers 10 ans lorsque son père est impliqué dans une affaire de moeurs. Les parents se séparent. Malgré ça, elle garde des relations fortes avec son père, grâce à sa mère.
Le président demande qu'on projette une photo d'Amandine, pour que les jurés puissent la voir. Guerric Jehanno, y jette un seul petit regard, du coin de l'oeil. Ensuite, il reste droit dans son box, regardant devant lui.
Une jeune femme solaire
Amandine Estrabaud connaît l'anorexie vers 17 ans après une rupture amoureuse, a un parcours scolaire au goût d'inachevé, aussi. Malgré cela, l'experte souligne son caractère fort, sa volonté de toujours s'en sortir, d'être actrice de sa vie. Une fille nature, joyeuse malgré l'adversité, "qui avait tout pour elle".De son côté la défense de Guerric Jehanno s'attache à pointer ses échecs : des études commencées et inachevées, un contrat au lycée de Castres qui arrivait à son terme, pas d'enfant... "Ce que vous appelez des échecs, moi j’appelle ça des hésitations" répond l'experte.
"Et vous ? Monsieur Jehanno", interroge le président, "vous connaissiez Amandine, qu'est-ce que vous pensez de ce portrait ?"
"Le portrait est bien réalisé, je trouve", répond Jehanno. "Ah, vous ne partagez pas l'avis de votre avocat".
"Monsieur Jehanno", poursuit le président, "la photo d'Amandine est projetée sur cet écran depuis tout à l'heure, pourquoi vous ne l'avez jamais regardée ?"
"Je l'ai regardée." répond l'accusé.
"Qu'est-ce que vous évoque cette photo ?" demande encore le président.
"Rien", répond Jehanno...