Vendredi 15 octobre, quatre mois après sa mise en examen, Cédric Jubillar sera à nouveau entendu par les juges concernant la disparition de sa femme Delphine. L'analyse de l'eau du lave-linge n'aurait rien donné. Son avocat, Maitre Jean-Baptiste Alary pointe du doigt "le sérieux de l'enquête".
Cédric Jubillar va donc être à nouveau entendu, vendredi 15 octobre 2021, par les juges d'instruction chargés d'enquêter sur la disparition de son épouse Delphine. Depuis plusieurs jours, la presse présente ce rendez-vous comme crucial et riche en révélations.
Son avocat, Me Jean-Baptiste Alary, ne blâme pourtant pas les médias. C'est aux juges et à la façon dont est menée l'enquête qu'il s'en prend, alors que les analyses de l'eau du siphon d'un lave-linge, dans lequel une couette dont se servait Delphine Jubillar a été découverte, n'auraient rien donné.
France 3 Occitanie : Comment appréhendez-vous le rendez-vous de vendredi face aux juges d'instruction ?
Me Jean-Baptiste Alary : Fondamentalement, de manière sereine. Depuis quatre mois, le dossier n'a pas évolué d'un iota, ou en tous les cas, pas dans un sens défavorable à Cédric Jubillar. Il va répondre aux questions des juges comme il l'a toujours fait. La seule chose que je déplore, c'est que les magistrats daignent enfin envisager l'interroger avec quatre mois de retard.
France 3 Occitanie : Pourquoi ?
Me Jean-Baptiste Alary : Car il faut être lucide. Nous perdons du temps. L'enquête n'évolue pas. Normalement, après une mise en examen, lorsqu'une personne garde le silence, la deuxième audition doit se faire dans un délai de quatre mois. On ne l'a pas organisée au bout de quinze jours, d'un mois, mais de trois mois et vingt-huit jours. C'est-à-dire que l'on pousse la machine procédurale dans ses derniers retranchements. Et comme ce n'est pas suffisant, on va faire une audition en deux temps. Il y aura une première audition vendredi, puis une autre, un mois et demi après. Début décembre.
France 3 Occitanie : Quel serait, selon vous, la stratégie des juges ?
Me Jean-Baptiste Alary : Nul doute que durant ce laps de temps, les juges pourront nous expliquer qu'on ne peut pas le remettre en liberté, car ils n'ont pas terminé de l'auditionner. Est-ce que c'est du travail sérieux ? Si les juges d'instruction avaient travaillé sérieusement dans ce dossier, Cédric Jubillar aurait été auditionné au début du mois de juillet. Quelques jours après sa mise en examen. Pas au mois d'octobre. Si le travail avait été sérieux, la couette aurait été analysée depuis plusieurs mois et nous aurions eu certainement les résultats d'analyse depuis le mois de janvier ou de février.
France 3 Occitanie : Justement les analyses du siphon et de l'eau du lave-linge sont désormais connues, aucune trace suspecte n'a été révélée...
Me Jean-Baptiste Alary : Nous sommes au mois d'octobre, et on ne va quand même pas s'en satisfaire et applaudir des deux mains. Ces prélèvements ont été effectués 34 heures après la disparition, soit le 18 décembre 2020. On ne va pas se féliciter de résultats qui sont quand même d'un basique absolu : analyser de l'eau, cela reste basique huit mois après. C'est se moquer du monde.
France 3 Occitanie : Est-ce que les juges subissent la pression des médias dans ce dossier ?
Me Jean-Baptiste Alary : S'ils ont une stratégie, je leur conseille de changer de communicant. Tout le monde tombe un peu des nues, lorsque l'on apprend que l'expertise de la couette a été ordonnée le 26 juillet, sept mois après la disparition. Ils passent pour quoi ? À dossier exceptionnel sur le traitement médiatique, il fallait alors que nous ayons une institution judiciaire fonctionnant de manière irréprochable. Et je n'aurais rien eu à leur dire si au mois de janvier, ils nous avaient dit "voici les résultats d'analyse du siphon. Voici les résultats d'analyse de la couette."
France 3 Occitanie : Pour vous, les deux juges d'instruction sont responsables de cette situation ?
Me Jean-Baptiste Alary : On peut taper sur le procureur qui à mon sens a fait une erreur professionnelle lors de sa conférence de presse du 18 juin. Mais il ne faut pas oublier que cette conférence de presse est autorisée par deux magistrats instructeurs. Ces deux magistrats pendant huit mois, avec tous les gendarmes de la Section de Recherche, sont passés à côté de cette fameuse couette sans la regarder. Pire encore, le procureur de la République en a fait un élément à charge alors qu'aucune analyse n'avait été ordonnée. Ce n'est pas sérieux. On entretient le doute dans la population en utilisant les médias. Car je vous le dis. Vous êtes instrumentalisés, notamment par l'accusation, pour que l'opinion publique ait de Cédric Jubilar les pires des sentiments.
France 3 Occitanie : Et en faire le coupable idéal ?
Me Jean-Baptiste Alary : La violation du secret de l'instruction, depuis le début, et tous les éléments sortis sont en défaveur de Cédric Jubillar. Tous. Il n'y en a pas un à décharge. Est-ce une stratégie judiciaire loyale ? Qui est saine ? Est-ce que c'est un fonctionnement équitable de l'institution ? À l'évidence, c'est non. Il y a déjà eu des erreurs judiciaires qui ont détruit des vies. Aujourd'hui, si Cédric Jubillar sort innocent de tout ça, c'est quoi sa vie derrière ? L'institution est d'une froideur et d'une inhumanité absolument glaçante parce que cela ne l'intéresse pas. Et on jette, à la pâture populaire sans même un élément de preuve, sans rien de bien sérieux, la vie d'un homme et de ses enfants. Et à chaque fois que la justice a fonctionné de cette manière-là, c'est l'antichambre de toutes les erreurs judiciaires. Et dans ce dossier-là, il y a une conviction initiale qui est celle de la culpabilité de Cédric Jubillar. Soit on me démontre qu'il est responsable. Soit il est innocent, comme il le dit depuis le début. Alors dans ce cas, nous sommes aujourd'hui au seuil d'une erreur judiciaire.
France 3 Occitanie : Comment va votre client, Cédric Jubillar ?
Me Jean-Baptiste Alary : Il est serein. Est-ce que cela relève d'une désinvolture ? Il a peut-être du mal à prendre conscience de la situation. Mais il dit "moi, je n'ai pas peur". Et il dit : "analysez moi la couette, tout ce que vous voulez". Il est serein. À un moment donné, il faudra en tirer des conséquences et des conclusions de cette sérénité-là. Après, il est toujours à l'isolement, enfermé 22 heures dans sa cellule de quelques mètres carré. Cela va faire quatre mois qu'il n'a pas vu le ciel nu, sans grillage. Il n'a pas d'autres contacts qu'avec ses avocats et l'administration pénitentiaire. Le tout dans une prison épinglée, il y a quelques semaines, notamment par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et par le Tribunal administratif de Toulouse pour ses conditions de détention inhumaines.
France 3 Occitanie : Espérez-vous qu'il puisse sortir d'ici la fin de l'année ?
Me Jean-Baptiste Alary : Bien sûr que si ! Mais j'espère qu'à un moment donné, si le dossier n'évolue pas, s'il n'y a pas de revirement particulier, que les juges prennent leurs responsabilités. Il en va non seulement de l'intérêt de Cédric Jubillar. Il en va de notre intérêt collectif. On ne peut pas se permettre dans une démocratie, digne de ce nom, d'incarcérer quelqu'un sans preuve, de cette manière et de façon indéfinie. Ce serait dangereux pour chacun d'entre nous. C'est pour cela que j'ai espoir.
Delphine Jubillar est portée disparue depuis la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Depuis, les recherches pour la retrouver n'ont rien donné. Son domicile de Cagnac-les-Mines, dans le Tarn, a été fouillé plusieurs fois par les gendarmes. Au moment de sa disparition, l'infirmière était en cours de séparation de son mari. Cédric Jubillar a été mis en examen pour "homicide volontaire par conjoint" et placé en détention provisoire en juin 2021.