Une exportation stoppée net depuis plusieurs mois, des ventes en chute libre à cause du confinement, des cuves pleines à vider d'urgence... La crise du coronavirus n'est pas sans conséquences dans le vignoble gaillacois. Malgré une récolte 2020 qui s'annonce prometteuse, les vignerons sont inquiets.
Depuis l'arrivée de l'épidémie de Covid-19 et la mise en place du confinement, c'est toute la filière viticole qui est pratiquement à l'arrêt. Le bon millésime qui s'annonce pour 2020 ne suffit pas à rassurer les vignerons. Il faut d'abord écouler les stocks en urgence et le plan de soutien promis par le gouvernement n'est pour l'instant pas à la hauteur des espérances.
Des ventes en chute libre dans le Gaillacois
Comme partout en France, le vignoble de Gaillac n'a pas été épargné par la crise économique liée à la crise sanitaire. Le début d'année avait déjà été difficile explique Cédric Carcenac, président de la Maison des Vins de Gaillac, "entre la taxe Trump et le Brexit".L'arrivée du Covid-19 dans plusieurs pays avant la France et la fermeture des frontières comme celles de la Chine ont ensuite mis un coup d'arrêt à l'exportation. "Toute la partie exportation s'est littéralement arrêtée, ce qui a déjà causé beaucoup de périls pour la filière" dit-il. Puis, la crise du Covid-19 a touché la France et le confinement qui l'a accompagnée n'a pas été sans conséquences sur la consommation de vin, avec la fermeture des bars et des restaurants.
Au niveau local, c'est entre moins 50% et moins 70% de vente en bouteilles entre avril et mai. On a une vraie chute de la consommation.
L'urgence : vider les caves
Les ventes reprennent tout doucement avec le déconfinement mais l'urgence pour les vignerons, c'est de vider leurs cuves avant la récolte 2020. "Sur un vignoble comme le Gaillacois, c'est quasiment deux récoltes qui sont stockées aujourd'hui ce qui fait que forcément, pour attaquer les vendanges 2020, on risque d'avoir un sur-stock et par conséquent, l'incapacité de rentrer la récolte" explique Cédric Carcenac.
Seule solution pour gérer cette "crise de volume", la distillation de crise.
Réclamée par les viticulteurs depuis plusieurs semaines, elle a été actée au niveau européeen puis français mais dans des volumes encore trop faibles par rapport aux besoins, selon eux.
"On estime qu'il faudrait distiller 5 millions d'hectolitres en France pour remettre le marché à l'équilibre" dit encore Cédric Carcenac. "Aujourd'hui, ce sont 2 millions d'hectolitres qui seront distillés pour la période qui arrive."
15% des volumes globaux seraient concernés par la distillation dans le Gaillacois mais c'est une estimation. Les besoins sont bien plus importants. On estime que c'est quasiment un tiers de récolte qu'il faudrait distiller pour revenir à un équilibre à peu près normal.
La distillation, un crève-coeur pour de nombreux vignerons
Cette distillation de crise, "ça fait mal au coeur" explique de son côté Nathalie Vayssette, viticultrice à Gaillac et présidente du syndicat des vignerons indépendants du Tarn. "Surtout quand on a passé une année à travailler ses vignes, à produire et ramasser ses raisins, à travailler sur le vin et essayer d'extraire le maximum et le meilleur du produit. Le voir partir comme ça à la distillation pour être transformé en alcool, effectivement, ça fait mal au coeur".
Elle espère aujourd'hui, sauver ses vins rouges car 2019 avait été un bon cru. Mais la difficulté souligne-t-elle, c'est le grand flou qui accompagne cette timide reprise. "On ne sait pas du tout de quoi l'avenir sera fait. Est-ce qu'à la rentrée on aura une reprise normale ? Des salons ? La restauration ? L'export ? Est-ce que la production pourra s'écouler ? On ne sait pas. C'est difficile d'anticiper mais c'est maintenant qu'il faut faire la mise en bouteilles et qu'il faut prendre des décisions."
Certains vignerons sont plus en difficulté que d'autres, explique leur présidente :
Pour les vraqueurs, ceux qui vendent à la citerne directement aux négociants, c'est le plus compliqué puisqu'il n'y a plus du tout de marché. Ce sont eux qui vont le plus partir sur la distillation. Après, les bouteillards, ceux qui mettent en bouteilles et commercialisent, selon les marchés, vont stocker et ça va coûter de l'argent. L'Etat devait mettre en place une aide au stockage. Ce ne sera pas le cas et c'est bien dommage car ça aurait pu permettre aux vignerons de pouvoir stocker des bons millésimes plutôt que les envoyer à la distillation.
15 jours d'avance pour la récolte 2020
Les viticulteurs espèrent désormais obtenir davantage de soutien de l'Etat. Notamment avec une augmentation des volumes de distillation autorisés et une exonération de certaines cotisations.Paradoxe d'une année inédite, la saison 2020 s'annonce de grande qualité et précoce au vu de la météo actuelle. Elle est attendue avec 15 jours d'avance dans le Tarn. Il va falloir vider les cuves encore plus vite.
Voir ici le reportage de Robin Doreau et Nicolas Bonduelle :