"Depuis deux ans on a les câbles devant la maison" : l'installation de la fibre continue à ramer dans le Tarn

L'objectif de départ était clair : tous les foyers tarnais devaient être raccordés à la fibre fin 2022. Mais au mois de mai 2023 il manquerait encore plus de 40.000 logements du département selon les comptes de Tarn Fibre, chargé de l'installation du très haut débit. Entre attente interminable et solution de repli, les tarnais non-éligibles prennent leur mal en patience.

Le Conseil Départemental s'était affiché très remonté à l'automne 2022. "On se sent trahi" avait assuré Christophe Ramond, son président, à propos de son contrat avec l'opérateur SFR, chargé du déploiement de la fibre optique dans le Tarn. Sur l'objectif de 138.000 prises opérationnelles affiché pour la fin de l'année 2022, seules 70.000 étaient bel et bien prêtes.  

Au 17 avril, l'entreprise Tarn Fibre revendiquait 91.067 logements reliés au très haut débit. Encore loin du compte. 

La (très) longue attente des ruraux du Tarn

Entre Gaillac et Castelnau de Montmiral, le hameau de la route de Vors fait, comme beaucoup d'autres, les frais de ce retard. Jean-Marc Ferrandon y est installé depuis sept ans, avec sa femme et leurs trois adolescents. Pour eux, Internet c'est "une épreuve, une vraie galère. C'est selon les jours, la météo ou le sens du vent", détaille Jean-Marc, chargé de programmation dans un musée du Tarn. 

"Vous avez de la chance, aujourd'hui ça a l'air de marcher", nous prévient-il. Mais c'est loin d'être toujours le cas. "De novembre 2022 à février 2023 on a été totalement coupés, aucune connexion, se rappelle Jean-Marc. Alors on s'adapte, mais pour le télétravail, et surtout pour les ados, c'est très compliqué. Pendant le covid ma fille a même loupé un examen à cause de ça."

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Jean-Marc et ses problèmes de connexion Internet ©Robin Doreau / FTV

La box internet du père de famille est reliée à l'ADSL. Pourtant, à dix mètres du seuil de sa porte d'entrée, se baladent les câbles de la fibre optique. "Ça fait deux ans qu'ils sont là. Mais personne pour nous relier. On est censé l'avoir cette fibre, mais on l'attend encore." Un vrai handicap au quotidien. "Pour les tâches administratives en ligne, mieux vaut s'y prendre très à l'avance. Car on est jamais sûr de pouvoir se connecter."

Une antenne satellitaire en remplacement

À quelques pas de chez Jean-Marc, Pierre Grand et sa femme ont trouvé une solution face à cette fibre qui traverse le hameau sans être connectée à aucune habitation. Les éleveurs de chats Main coon se sont trounés vers l'espace, et le satellite StarLink d'Elon Musk, à 500 km au dessus de leurs têtes. 

"C'est le jour et la nuit, se réjouit Pierre Grand. Avec l'ADSL c'est 1 Megabit par seconde (MBPS) grand maximum. Là on est entre 75 et 250 MBPS selon les heures." Pour s'offrir la solution de l'entreprise américaine, le Tarnais a mis la main à la poche. 300 euros pour le kit, puis un abonnement de 50 euros par mois. "Mais c'était deux fois plus cher l'an dernier. Là. les prix ont baissé alors on a pas hésité."

Et rien de bien difficile à installer. "On a placé une antenne à l'extérieur, côté Nord. On fait passer un câble à l'intérieur de la maison, relié à un petit boîtier, et voilà." Ce boîtier, il a changé le quotidien du couple, pour qui avoir une bonne connexion a Internet est indispensable "vis-à-vis de notre clientèle, de nos fournisseurs et de l'administration."

Le choix du satellite, le couple l'avait déjà fait il y a quelques années, avec une autre société, cette fois française, Nord Net. "Mais le forfait était limité à 20 Go par mois, c'est très peu. Puis le satellite qui nous fournissait a été piraté par les Russes au début de la guerre, ça a fait dysfonctionner tous les modems. Donc on s'est désabonnés."

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Pierre Grand et sa nouvelle connexion Internet via Starlink. ©Robin Doreau / FTV

Aujourd'hui plus de problème d'Internet pour Pierre Grand et son épouse, mais toujours cette frustration vis-à-vis de l'engagement du département. "La fibre, on l'a, mais on l'a pas. Elle passe juste devant la maison, mais on a aucun horizon, personne n'est capable de nous dire quand on y sera relié. Ce serait une solution bien plus pratique et économique, mais on y a pas accès."

Une page Facebook pour parler de ses galères de connexion

Pierre Grand, comme d'autres centaines de Tarnais, fait partie d'un groupe Facebook "Déploiement de la fibre dans le Tarn". Les habitants du département y partagent leurs galères de connexion, mais surtout les images parfois très surprenantes d'installations hasardeuses de la fibre. 

Car ce retard qu'a pris l'entreprise Tarn Fibre sur son agenda, elle tente de le compenser en accélérant la cadence, quitte à laisser des malfaçons sur le bord de la route. "On voit régulièrement en pleine campagne des lignes qui passent à travers les arbres, ça ne peut pas tenir dans le temps."

Sur la page Facebook, on peut lire des posts comme "Sur la D92 direction Puylaurens au croisement de la route qui mène à Saint Sébastien le 30 mars 15h. La fibre à terre sur le bitume rejoint un poteau de l'autre côté de la route. Original ! Si seulement elle pouvait être enterrée !"

Pierre Grand y a d'ailleurs partagé son expérience avec StarLink. Si quelques-uns s'agacent de "la pollution dans l'espace" à cause des satellites, la plupart des internautes songent à faire de même. "Le problème c'est le coût de l'installation et l'abonnement chez StarLink. Mais j'y songe aussi", commente une habitante. 

De son côté, le Conseil Départemental rappelle ne pas avoir la main sur la cadence de déploiement du réseau. C'est vers la société Tarn Fibre qu'il faut alors se tourner pour avoir quelques explications. Mais son directeur Eric Belfort n'a pas répondu à nos sollicitations. L'objectif est désormais fixé à fin 2023 pour la couverture complète du département du Tarn par la fibre.

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