"Il n'y a pas eu d'annonces à la hauteur des préoccupations", la FDSEA déçue par les déclarations de la ministre de l'Agriculture

Annie Genevard fait ses premiers pas sur le terrain agricole et sa deuxième visite en Occitanie. Un terrain plutôt miné pour la nouvelle ministre de l'Agriculture. Elle vient de passer deux jours en Occitanie, dans le Tarn et dans l'Aude. Tour d'horizon de ce qui a été annoncé et des réactions du monde agricole.

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Lundi 4 novembre 2024, Annie Genevard avait choisi le Tarn, terre d'élevage, pour faire ses premières annonces concernant les épizooties de fièvre catharrale ovine (FCO) et de maladie hémorragique épizootique (MHE). Un choix qui s'explique aussi parce que la colère agricole est partie de là avec les panneaux d'entrée de villes retournés.

Une colère par rapport aux mesures d'ordre sanitaire

"On pensait qu'elle venait chez nous pour faire des annonces fortes. Ces mesures ne sont pas à la hauteur de nos préoccupations." La coprésidente de la FDSEA du Tarn, Marie-Line Bruel, faisait partie de la délégation assez restreinte conviée par la ministre en terre tarnaise. Comme la plupart des protagonistes, elle est restée sur sa faim.

Il se trouve que le Tarn est aujourd’hui le 2ème territoire le plus touché par la maladie MHE avec, selon la FDSEA, 400 exploitations concernées. La ministre a annoncé la commande de 2 millions de vaccins supplémentaires, en plus des 12 millions déjà commandés. "Le problème n'est pas là car dans le Tarn, nous ne sommes pas dans la zone réglementée, peste Cédric Vaute, co-secrétaire de la FDSEA du Tarn. Dès qu'un foyer de maladie se déclare, une zone de 150 km autour est tracée avec une zone vaccinale établie. Avant, les deux allaient de pair. Maintenant ce n'est plus le cas. La zone vaccinale n’a plus évolué depuis trois semaines. Nos animaux ne peuvent plus circuler librement pour l'export mais on ne peut pas les vacciner."

Outre cet aspect sanitaire, la FDSEA demandait 3 choses :

  • la gratuité et la mise à disposition des vaccins,
  • toucher le fonds FMSE (fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental) qui a pour objet l'indemnisation des agriculteurs lorsqu'ils subissent des pertes liées à des incidents sanitaires ou environnementaux

  • exonération partielle des taxes foncières sur les terres agricoles

Annie Genevard s'est ensuite rendue mardi dans l'Aude où elle a annoncé des mesures touchant justement la trésorerie, la baisse des charges, le social et la question de l'eau.

Les aides financières annoncées par la ministre

Premier élément, un "prêt à court terme pour des difficultés conjoncturelles" pour lequel l'État négocie actuellement avec le secteur bancaire un taux réduit, "entre 1,5 et 2%", a détaillé ce mardi la ministre à la presse après une rencontre avec des représentants de la filière viticole audoise.

Elle veut aussi que les agriculteurs en difficulté puissent bénéficier d'un second type de prêt "à plus long terme, 5 à 7 ans", et garanti par l'État à hauteur de 50%, a-t-elle précisé à l'AFP. "Cela signifie que si l'agriculteur fait faillite et se trouve dans l'incapacité de rembourser son prêt, alors l'État rembourse 50% de ce prêt".

Par ailleurs, l'enveloppe permettant d'exonérer sous certaines conditions les agriculteurs les plus en difficulté d'une partie de leurs cotisations sociales personnelles pour l'année 2024 passera de 20 à 50M€. "Ce n'est pas nouveau, reconnaît Philippe Jougla responsable régional de la FNSEA en Occitanie. L'État aide les agriculteurs en difficulté pour payer leurs cotisations sociales proportionnelles au revenu. Comme il y a un plancher, il compense souvent les exploitations les plus affectées. C'est un dispositif nécessaire. Cette année, il était prévu de mettre sur la table 30 M€. Finalement, ce sera 50 M€ en tout. Les caisses de MSA avaient fait une estimation : le besoin est de 90M€. Le compte n’y est pas."

Selon le syndicat agricole, le nombre d'exploitations en difficulté serait estimé entre 4 et 8 000 en Occitanie. Dans la région, le nombre de liquidations judiciaires aurait quant à lui doublé. 

La question de l'eau

La ministre était également très attendue sur la question de l'eau. Lors d'une seconde étape, à Castelnau-d'Aude (Aude), elle a dévoilé la liste des projets qui bénéficieront d'une aide au titre du fonds hydraulique agricole, doté de 20 M€. Il y en aura 48 en France et 14 en Occitanie. "Ces projets visent à sécuriser l'accès à l'eau des exploitations dans des conditions durables et respectueuses de la ressource en eau", précise le ministère.
Ils prévoient notamment la création de retenues collinaires ou de réseaux d'irrigation, et la rénovation d'infrastructures hydrauliques diverses. Un seul projet est destiné à de la réutilisation d'eaux usées, à Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales).

Ce fonds d'aide pour les projets hydrauliques a été mis en œuvre en 2024. Il était de 20M€ cette année et il sera porté et pérennisé à 30M€. "Sur l’hydraulique, les annonces vont dans le bon sens, reconnaît Philippe Jougla, président pour l'Occitanie de la FDSEA. Ce fonds est désormais multi-usages, il permet désormais de financer des projets qui ne touchent pas que le domaine agricole. Aujourd'hui, il pourrait financer par exemple la retenue d'eau de Sivens alors que ce n'était pas possible. C'est un nouvel outil de financement mais nous sommes toujours confrontés à la réglementation qui bloque."

Voici donc quelques bons points distribués mais aussi du "travail insuffisant". Sur la question sanitaire, la ministre annonce des assises très prochainement.

Des assises du sanitaire animal début 2025

"Elle va lancer des assises du sanitaire l'an prochain, c'est une bonne chose mais à condition que ce soit suivi d'effets". Là aussi, Marie-Line Bruel reste sur la réserve. Pour l'instant, les vaccins sont ciblés sur des variants précis et les spectres ne peuvent pas s'élargir. Or, il y a actuellement des cas de FCO3 et FCO8 en Occitanie même si le Tarn n'est pas concerné.

"Il faut qu'on se mette tous autour d'une table, non seulement les professionnels, les éleveurs, mais aussi les laboratoires, les instituts de recherche, les services de l'État et qu'on réfléchisse à une stratégie partagée pour qu'on puisse reprendre un peu la main, ne pas toujours subir ces épidémies", a déclaré la Ministre. 

En France, il n'y a pas de laboratoires capables de les produire. Peut-être des pistes au niveau de l'Europe pour avoir des vaccins capables de combattre tous les spectres des différents variants.

Demain une nouvelle mobilisation ?

Pas de quoi rassurer les éleveurs tarnais et sans doute français. Dans le Tarn, les syndicats préparent la suite et Cédric Vaute de la FDSEA se dit prêt. "Le Tarn a toujours été à la pointe avec les panneaux retournés qui ont lancé ce mouvement de colère des agriculteurs. Chez nous, la mobilisation ne s'est pas vraiment arrêtée. Si rien ne bouge, on passera à l'action d'ici 15 jours sur de nouveaux modes. Mais je ne peux pas vous en dire plus." 

Même constat chez d'autres syndicats agricoles. Dans un communiqué, la Coordination rurale du Gers passe à l'action : "Nous appelons tous les agriculteurs gersois à se mettre à jour dans leur ferme, à finir de semer et à se mobiliser à AUCH : mardi 19 novembre prochain pour demander un ULTIME SURSAUT du gouvernement ! Si rien ne bouge, nous irons plus loin et dans la durée.
Sans décision forte et immédiate de l‛État d‛ici là, dès le mercredi 20 novembre, les agriculteurs bloqueront le fret alimentaire français afin de donner un avant-goût au gouvernement de ce que sera notre pays, demain, sans agriculteur." 

Le projet de loi d'orientation agricole porté par la précédente majorité avait été voté le 28 mai 2024 par la députée du Doubs Annie Genevard. Il était en attente depuis les nouvelles élections législatives. La ministre a annoncé qu'il serait présenté au Sénat en décembre. Pas sûr qu'il change la donne.

Pour l'heure, les agriculteurs ont encore un peu de travail saisonnier dans les fermes. D'ici quelques jours ce ne sera plus le cas et le monde agricole pourrait alors exprimer plus bruyamment et de manière plus radicale sa colère.

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