La fondatrice et directrice de l'École supérieure occitane, qui a fourni de faux diplômes pendant trois ans à Albi (Tarn), va être jugée le 12 décembre. Face à l'essor de l'enseignement supérieur privé et ses dérives, le gouvernement compte créer un label pour garantir la qualité des formations aux étudiants.
L’École supérieure occitane (ESO), située à Albi (Tarn), proposait des diplômes de Bachelor en immobilier, banque ou assurance à 4 500 € l’année. Elle promettait ainsi à ses élèves un bac + 3 et une carte professionnelle. Une supercherie qui a duré trois ans jusqu'en avril 2023 lorsqu'une étudiante s'est rendu compte que les diplômes étaient en réalité frauduleux.
Après un an et demi d'investigation, la fondatrice et directrice de l’école a rendez-vous devant la justice. Elle sera jugée devant le tribunal correctionnel d’Albi le 12 décembre prochain.
Une affaire qui a duré 3 ans
Entre 2020 et 2023, pas moins de 93 élèves ont été dupés par l’école et ses faux diplômes. Cette dernière proposait de délivrer le grade de licence (bac+3) sans détenir les agréments le permettant. Ainsi, aucun élève n'a été officiellement diplômé, alors que les frais de scolarisation annuels s'élevaient à 4 500 euros.
Manon Tordjman est celle qui a découvert la fraude sur son contrat d'apprentissage en avril 2023. "C'est une injustice totale et je ne pouvais pas laisser passer cela", déclare-t-elle aujourd'hui, en précisant qu'elle "ne manquera le procès pour rien au monde".
L'école est aujourd'hui définitivement fermée
Ils sont 23 étudiants à avoir porté plainte contre l'ancienne directrice de l'école. "Certains ont dû investir beaucoup d'argent pour y étudier. Des parents ont contracté des crédits pour payer le logement par exemple", poursuit l'ancienne élève. Tous espèrent obtenir à l’issue du procès une indemnisation financière pour le préjudice moral, temporel et financier. Un ancien salarié de l'école avait également porté plainte pour abus de confiance et travail dissimulé.
L'École supérieure occitane est aujourd'hui définitivement fermée. Quatre charges ont été retenues contre son ancienne directrice, qui gérait l'établissement à travers sa société Dimensionpro : travail dissimulé, escroquerie envers une personne publique et un particulier, altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice et exercice d'une profession commerciale ou industrielle malgré l'interdiction d'exercer.
L'École supérieure occitane se présentait dans tous les salons étudiants de la région et se vantait de partenariats, comme avec le club de rugby d'Albi, qui n'avaient jamais été signés.
Après un appel à l'aide sur les réseaux sociaux, douze des élèves escroqués l'année de la découverte de la fraude ont pu tout de même passer leur examen durant l'été 2023 grâce au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) de Montpellier. "Mais nous avons reçu les cours complets seulement au dernier moment, c'était très difficile. La vérité est que nous avons tous perdu une année de notre vie", souffle Manon Tordjman.
Aujourd'hui, si certains élèves ont repris les études et validé des diplômes officiels, d'autres ont décidé de se lancer sur le marché du travail avec un niveau BTS (Bac+2) tant l'affaire les a dégoûtés de l'enseignement supérieur.
Un label créé d’ici la rentrée 2026
Les cas de faux diplômes se multiplient dans le pays. En avril dernier, l’ancien directeur de l’Institut d’études politiques (IEP) d’Aix-en-Provence a été condamné à 18 mois de prison avec sursis, dans une affaire de diplômes douteux qui avait failli valoir à l’école l’expulsion du réseau « Sciences-po ». « Avec toutes ces histoires, j’espère qu’il y aura davantage de contrôle sur les écoles privées », souffle Manon Tordjman.
Justement, le gouvernement compte réagir. Si toutes ne délivrent pas des attestations frauduleuses, les écoles privées qui délivrent des diplômes non reconnus prolifèrent tout en figurant parfois sur la plateforme d'orientation ParcoursSup. Il y en aurait entre 400 et 500 selon le ministère de l’Enseignement supérieur.
Le nouveau ministre Patrick Hetzel a détaillé l'ensemble de sa feuille de route lors d’une conférence de presse ce 19 novembre. La question de l'enseignement supérieur privé est vite venue sur la table. "L’explosion du nombre de formations publiques comme privées est une opportunité mais aussi un risque pour les étudiants", a déclaré le ministre.
Pour apporter plus de transparence, un label devrait être créé d’ici la rentrée 2026. Il permettra de réguler les formations de l'enseignement supérieur privé, qui rassemblent aujourd'hui plus de 25% des étudiants.
1ère responsabilité : garantir à nos étudiants des formations de qualité et des conditions sereines pour étudier.
— Patrick Hetzel (@patrickhetzel) November 20, 2024
✔️ Prioriser les cursus à la hauteur des exigences de qualité
✔️ Des bourses plus justes et lisibles en 2026
✔️ Des campus où règnent sérénité et sécurité pour tous pic.twitter.com/seoloIe9lf
À l'heure où de nombreuses formations privées sont délivrées en apprentissage, la mise en place de ce label sera faite conjointement avec le ministère du Travail. Le gouvernement pourra, au-delà du label, "passer par des décrets et si nécessaire des lois pour réguler cette offre de formations", a ajouté Patrick Hetzel.
Pour aider les familles dans leurs choix d'orientation post-bac, les informations présentes sur la plateforme Parcoursup seront également étoffées, avec notamment des précisions sur les taux d’insertion professionnelle et les conditions d’emploi.
Enfin, les salons étudiants devront signer une charte déontologique pour garantir la fiabilité des exposants et éviter au maximum toute possibilité de fraude ou de démarchage abusif.