Santé : les cinq raisons qui prouvent que la vente de médicaments à l'unité est une fausse bonne idée

Le gouvernement l'a annoncé : la vente de médicaments à l'unité va être progressivement instaurée pour lutter contre la pénurie de médicaments. Mais pour plusieurs pharmaciens, cette décision ne règlera pas le problème des pénuries et va compliquer leur travail. Voici pourquoi, en cinq raisons.

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L'annonce fait doucement grincer des dents au sein des pharmacies. Pour lutter contre la pénurie de médicaments, le gouvernement veut instaurer l'obligation de vente à l'unité de certains antibiotiques. Le but est d'amortir les conséquences de la pénurie, notamment concernant les médicaments en rupture de stock. Mais pour les professionnels des pharmacies, cette décision est loin d'être idéale. Voici les cinq raisons qui le justifient.

"Fausse bonne idée"

Les praticiens sont dubitatifs, voire complètement pessimistes sur cette application qui sera effective dès le 1e janvier 2024. "C'est une fausse bonne idée" répond instantanément Laurent Filoche, président de l'Union des groupements de pharmacies d'officine (UDGPO).

Pour illustrer ses propos, il prend l'exemple de prescriptions pour enfants, qui peuvent susciter l'inquiétude en cas de maladie. "C'est délétère, surtout pour eux. S'ils doivent prendre du sirop, on ne peut pas diviser une bouteille (à l'unité). Ça ne règle pas le problème" tance-t-il. 

Le spécialiste rappelle également qu'en général, la prescription pour les adultes est généralement bien conditionnée. "Une boîte d'amoxicilline de 14 comprimés, c'est deux par jour pendant sept jours. Le boîtage est donc déjà adapté" illustre-t-il. "Découper des comprimés posera des problèmes de traçabilité."

En pharmacie, une mise en place délicate

Dans une pharmacie d'Albi (Tarn), la vente à l'unité provoque déjà des nœuds dans le cerveau. "C'est très complexe" souffle Bernard Champanet, président du syndicat des pharmaciens du Tarn. "Nous aurons plusieurs boîtes de laboratoires différents, donc c'est le conditionnement de cette mise en place qui nous gêne. Il faudra adapter les notices de chaque médicament, comme le boîtage ou le numéro de lots."

Une impression confirmée quelques mètres plus loin par une praticienne de l'officine. "On le fait déjà parfois pour dépanner" amorce Cécile Frejaville. Mais à cause de cette pénurie, la donne est bien différente. "En l'état actuel des choses, c'est très chronophage et compliqué à faire" déplore-t-elle.

Une feuille à la main, elle énumère toutes les indications à respecter et à appliquer en fonction du patient. "Voilà tout ce qu'il faut marquer. En clair, c'est impossible. Tout ça, pour toutes les marques que l'on doit délivrer sur ordonnance, ce n'est pas possible en pratique" poursuit-elle. 

Une première expérimentation non-concluante selon Laurent Filoche

Au-delà de ces nombreuses complications à venir pour les professionnels, la vente à l'unité aurait déjà été envisagée par le gouvernement, selon Laurent Filoche. C'était il y a deux ans. "Une étude avait été faite et l'expérience testée sur plusieurs régions" assure-t-il. 

Sans succès selon lui. "Le rapport n'est finalement jamais sorti. C'est un coût énorme ! Pour peu ou pas de résultat" répète Laurent Filoche, un brin agacé.

Une mesure sans effet sur le coût des médicaments 

Cette prescription à l'unité ne résout pas un autre problème durable en France : le coût des médicaments, qui refroidit les industriels. "Le flocon d'amoxicilline est vendu 13 euros en Italie" rappelle Laurent Filoche. En France, c'est trois ou quatre fois moins cher. 

Résultat, les entreprises médicamenteuses rechignent à vendre à perte vers l'Hexagone. "Les industriels vont peut-être livrer 80.000 unités en France au lieu de 100.000, et 120.000 dans un autre pays où ils vont vendre plus cher" estime lui Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO) auprès de France 3 Bourgogne Franche-Comté. "Il n'y a pas de pénurie dans autres pays avec des tarifs cohérents. Il faudra augmenter le prix des antibiotiques" invite lui Laurent Filoche, impatient que cette pénurie d'antibiotiques s'estompe.

Repenser le modèle et tendre vers la réindustrialisation

Les professionnels interrogés sont formels, il faudra miser tôt ou tard sur la réindustrialisation pour la production des médicaments. "Je suis convaincu qu'il faut relocaliser la fabrication" estime Bernard Champanet.

Même son de cloche pour Pierre-Olivier Variot. "La course à la rentabilité a conduit à cette désindustrialisation massive qui a aussi frappé le secteur du médicament" analyse-t-il. "On ne parviendra pas à régler ces problèmes sans réindustrialiser."

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