Sollicité par France Nature Environnement (FNE), l'État ne communique pas les informations sur les 10 sites miniers d'ex-Midi-Pyrénées qui s'avèrent les plus pollués. L'association ne compte pas en rester là. Elle a déjà porté plainte au pénal pour la pollution du site de Saint-Benoît-de-Carmaux dans le Tarn.
"Notre association publie un dossier de presse sur les sites et sols pollués et rappelle les conséquences bien actuelles d’un passé industriel ou minier, finalement pas si bien enterré". Ainsi débute l'article que vient de rendre public France Nature Environnement sur son site internet.
Chaque lundi pendant un mois, l'association va publier les informations dont elle dispose sur ces lieux contaminés. Mais aussi insister sur les données qu'elle n'a pas. FNE met en avant le cas emblématique de Saint-Benoît-de-Carmaux dans le Tarn.
Sentinelles de la nature
En mars 2021, grâce à Sentinelles de la nature, un outil participatif dont l'objectif est de dénoncer des dégradations de la nature, FNE Midi-Pyrénées est alertée sur une pollution aux hydrocarbures et des remontées de gaz dans la rivière du Cérou. Les faits ont lieu à proximité de l’ancienne usine à charbon à coke de Saint-Benoît-de-Carmaux.
Ce combustible y a été produit jusqu’en 1989. Averti, l’Office Français de la Biodiversité (OFB) "lance une enquête judiciaire sur les causes de cette pollution qui semble provenir d’une infiltration dans les sols". Si le site a déjà fait l'objet de plusieurs constats de pollution des sols sur Géorisques, portail officiel d'information sur les risques naturels et technologiques, aucune mesure de la qualité de l'eau n'aurait été réalisée jusqu'alors.
Plainte au pénal
"Nous avons porté plainte au pénal pour délit de pollution des eaux, explique la juriste de FNE Midi-Pyrénées Lou Fradkin. Et nous avons demandé les rapports de suivi environnemental de ce site industriel à la DREAL (Direction régionale environnement aménagement logement) d’Occitanie, mais nous n'avons obtenu aucune information".
L'association a donc saisi la CADA (Commission d’accès aux documents administratif) le 2 juin afin que les habitants puissent connaître leur exposition aux risques. Si elle n'obtient pas les documents demandés, elle compte saisir le tribunal administratif.
Mauvaise volonté
Pour Lou Fradkin, cet exemple est emblématique pour deux raisons : "ce sont des affaires complexes car il faut réussir à démontrer le lien de causalité entre action et dommages. C'est difficile car ces sites peuvent avoir été pollués il y a longtemps. Les faits peuvent être prescrits, on ne peut pas remonter au-delà de 30 ans sur le plan de la responsabilité. Et c'est difficile aussi de remonter à la source de la pollution".
L'autre raison, c'est le mutisme des services de l'État ou "la mauvaise volonté de l'administration à communiquer". Un phénomène que dénonce l'association qui étudie 10 sites considérés comme les plus pollués sur le territoire de l'ex Midi-Pyrénées : Seintein et Couflens en Ariège, Noailhac, Peyrebrune, et la rivière le Dadou dans le Tarn, Séverac-le-Château et Villefranche-de- Rouergue en Aveyron, Planioles et Asprières dans le Lot et Pierrefitte-Nestalas dans les Hautes-Pyrénées.
Droit d'accès aux informations
"Grâce au travail de Reporterre, un site d'information libre d'accès sous-titré "le quotidien de l'écologie", nous avons pu avoir accès aux données de Géodéris sur ces sites, précise Lou Fradkin. Deux facteurs doivent être étudiés : les risques sanitaires pour la population et l'environnement et ceux qui concernent la viabilité des structures... Des barrages ou des canalisations peuvent céder et on peut avoir une contamination".
L'association a sollicité la DREAL mais nous n'a eu aucun retour. Un seul département a répondu pour dire qu'il n'avait pas eu assez de temps pour traiter la demande. "Or les citoyens ont le droit d'avoir accès aux documents administratifs et aux données environnementales", explique Lou Fradkin.
Nous, on demande ce que l'administration a fait depuis 2013, date à laquelle elle a eu connaissance de ces sites classés comme les plus pollués.
Lou Fradkin, juriste FNE Midi-Pyrénées
"Est-ce que les études ont été faites sur les risques sanitaires, environnementaux et géotechniques ? Pour l'instant, quatre rapports ont été publiés par les préfectures. On veut être sûr qu'en matière d'information, l'administration est allée jusqu'au bout".
Si elle a porté plainte contre X pour la pollution de Saint-Benoît-de-Carmaux, FNE est prête aujourd'hui à engager la responsabilité de l'État si les actions sur ces sites ont été insuffisantes ou inexistantes. Elle souhaite agir pour la protection de la nature et des citoyens et fait sienne cette phrase de Jean Rostand : "l'obligation de subir nous donne le droit de savoir". Pour aller plus loin sur les pollutions minières : une conférence d'Aurore Stéphant de SystExt.