L’agglomération albigeoise va construire deux piscines nordiques, chauffées, permettant de se baigner toute l’année. Le projet suscite des critiques sur le plan économique et écologique.
Des piscines ferment, réduisent leurs activités ou abaissent la température du chauffage pour faire face à la flambée du prix de l’énergie. Mais dans le Tarn, l’air du temps n’est pas à la « réduction de voilure » ou aux « basses eaux ». Au contraire. L’agglomération albigeoise lance un chantier pour un montant de 19,2 millions d’euros hors taxe. La construction de deux bassins « nordiques » est le plus important investissement jamais réalisé depuis la création, en 2002, de la communauté d’Agglomération.
La délibération a été votée le 28 juin dernier. Un bassin extérieur (50 x 21 mètres) doit être crée dans un complexe nautique situé sur la commune d’Albi et un bassin existant se trouvant sur la commune de Saint-Juéry va faire l’objet d’un agrandissement. L’adoption du projet a suscité un véritable tollé dans les rangs des élus de l’agglomération.
Un gouffre énergétique ?
Élue d’opposition à la mairie, Nathalie Ferrand-Lefranc n’est pas hostile, par principe, à une modernisation ou à la création de piscines albigeoise. Mais elle considère le projet « anachronique » et met en avant la question « énergétique ».
Maire de Saliès, une commune membre de la communauté d’agglomération du Grand Albigeois, Jean-François Rochedreux, s’interroge également sur l’intérêt de « construire des piscines dont on chauffe l’eau pour pouvoir se baigner en décembre ». L’élu souligne d’ailleurs que la ville de Castres vient justement de renoncer à un projet de piscine nordique.
Le projet albigeois va rejoindre le « parc » des 200 bassins nordiques construits en France. Un bilan existe s’agissant du coût énergétique de telles infrastructures. Les bassins « chauffées » ne consomment pas forcément plus d’énergie que les piscines couvertes. En effet, il n’est pas nécessaire de déshumidifier et de chauffer l’air.
C'est d'ailleurs l'argumentaire de la communauté de l'Albigeois.
Un bassin nordique est moins énergivore car, comparé à un bassin couvert, il n'y a pas tout un bâtiment recouvrant le bassin à chauffer.
Communauté d'agglomération du Grand Albigeois
En revanche, toutes les expériences convergent sur un point. Les bassins nordiques sont peu profonds. La consommation d’énergie pour chauffer l’eau est modérée. En revanche, il faut prévoir une bonne couverture la nuit afin d’éviter des pertes de chaleurs qui peuvent atteindre 80%. Sans ce dispositif, il faut pousser les « feux » pour maintenir une température minimale de 28 degrés. Pour limiter les déperditions énergétiques, des communes disposant de bassins nordiques prévoient également des coupe-vent. Cet investissement a un coût qui peut atteindre les 100 000 euros.
Pas forcément un puits sans fond
Autrement dit, un bassin nordique n’est pas forcément un puits sans fond énergétique. Néanmoins, une donnée change tout : le prix de l’énergie. Une piscine chauffée et en plein air n’est pas nécessairement une aberration énergétique. Une bonne conception peut même être source d’économie par rapport à un bassin couvert.
Mais la flambée du prix de l’électricité peut modifier l’équation financière. Le maire du Séquestre, Gérard Poujade a chiffré la consommation annuelle des futures piscines. Pour l’élu, cela représente « 5 millions de kilowatt/heure par an c’est-à-dire la consommation d’une ville moyenne de 2500 habitants ».
Si ce chiffrage se vérifie et que la courbe des prix de l’électricité continue à s’envoler, cela va peser sur le budget de fonctionnement. La communauté d’agglomération, porteuse du projet, précise qu’un chauffage à bois et un système photovoltaïque sont prévus et doivent alléger la consommation électrique. Les énergies renouvelables doivent couvrir, au minimum, 80% de la consommation des nouvelles piscines.
Un système pour limiter la déperdition de chaleur la nuit est prévu. En ce qui concerne la chauffe des bassins, il est prévu de "préchauffer" l'eau avec un dispositif solaire à définir, complété par une chaudière à bois
Communauté d'agglomération du Grand Albigeois
20 millions d’euros d’investissement
« C’est le plus gros budget de l’agglomération. C’est un projet énorme. On aimerait savoir si c’est raisonnable et sur quels éléments cela repose » déclare Nathalie Ferrand-Lefranc. L’élue d’opposition estime ne pas avoir accès aux études préalables au projet.
Dans la délibération soumise au vote en juin dernier, la création de nouvelles piscines est justifiée par « des études » mettant « en avant un déficit important de plan d’eau ». La communauté d’agglomération précise qu’elle les a lancé en 2018 dans le cadre de la programmation des équipements aquatiques.
Mais plusieurs élus, siégeant au conseil communautaire de la Communauté d’agglomération du Grand Albigeois affirment avoir demandé les fameuses études en question sans parvenir à les obtenir. Interrogée sur ce point, la communauté d'agglomération n'a pas apporté de réponse.
Les nouvelles piscines de l'albigeois n'ont pas fini de faire des vagues.