C'est un cri de détresse lancée par la maman d'une adolescente de 14 ans. Sa fille se prostitue depuis un an. Lenteur de la machine judiciaire, manque de structures adaptées pour la prise en charge des enfants victimes... Lucile se sent démunie. Témoignage.
Sa fille de 14 ans fugue régulièrement et se prostitue. Désespérée, une mère de famille a accepté de témoigner pour notamment alerter sur le manque de structures pouvant aider les mineurs à s'en sortir.
Tout commence à l'automne 2023, nous raconte Lucile. Sa fille est alors placée dans un foyer pour mise en danger d'elle-même, "parce qu'à la maison, elle était violente", raconte sa maman. "C'est le début de la dégringolade : elle a commencé à fumer du cannabis, à boire et à fuguer. Participe à des guets-apens via le site de rencontres Coco, puis disparaît pendant deux mois. Elle a été retrouvée à Marseille avec un proxénète." De retour dans le Tarn, l'adolescente va continuer à se prostituer.
Sous emprise
Lucile tente de maintenir le lien avec sa fille qui réapparaît de temps en temps. "Elle banalise complètement. Elle me dit non, ce n'est rien. C'est mon petit copain. Elle me disait qu'il lui laissait tout son argent, mais ce n'est pas vrai. L'autre jour, elle est venue à la maison. Et elle m'a dit : est-ce que tu peux m'acheter à manger des cigarettes et du shit ? Parce qu'il ne me donne rien. Donc, elle n'a même pas à manger. Elle est entièrement dépendante de lui."
Le premier proxénète de sa fille, à Marseille, a été en prison. "Il avait un téléphone et il arrivait à faire travailler ma fille. Elle lui a envoyé de l'argent." Et ces derniers mois, l'adolescente était sur Paris. Lucile en est convaincue. "Avec les JO, c'était évident qu'elle serait là-bas."
Lucile s'inquiète de cette emprise. A fait des dépositions à la gendarmerie. A écrit au président de la République dans l'espoir que la justice s'empare de cette affaire. Mais cette maman se désespère. "La prostitution des mineurs, c'est un petit peu tabou, nous dit-elle. Et il y a un manque de structures. On a eu une proposition dans une structure. Ils nous ont donné un rendez-vous trois mois après par visio pour finalement, le jour même, nous dire... Bon, ben non. On ne peut pas la prendre."
"C'est moi qui porte toute la culpabilité"
Le manque de structures spécialisées, c'est un énorme problème pour les parents qui ne sont pas "défaillants" et à qui on ramène ces enfants, une fois sortis de cet engrenage. Cela peut sembler paradoxal, mais Lucile n'envisage pas l'éventuel retour de sa fille à la maison comme la fin des soucis.
À plusieurs reprises, cette maman a mené sa propre enquête pour retrouver la trace de sa fille lors de ses fugues. "J'ai fait moi-même les recherches sur les sites d'escorting pour savoir où elle était. Et ça, en tant que maman, ça peut être destructeur", nous dit-elle. "Quand elle me raconte qu'elle a été mise de force sur le trottoir, violée, tabassée, séquestrée, moi, en tant que maman, c'est des choses que je ne peux pas entendre", confie encore Lucile qui dit ne pas être en capacité de gérer, seule, sa fille.
Soit je la laisse se détruire avec son proxénète, soit on me la ramène et elle se détruit à la maison. Et c'est moi qui porte toute la culpabilité.
D'où l'importance d'avoir plus de structures adaptées. "Elle y serait toute à sa place", estime cette maman totalement désemparée. Mère célibataire de 36 ans, Lucile n'a aujourd'hui que pour seul soutien, l'association Nos Ados Oubliés qui propose un accompagnement pour la protection de l'enfance et de la prostitution infantile.
Il y aurait aujourd'hui entre 15.000 et 20.000 mineurs prostitués en France, un chiffre en augmentation de plus de 70% en cinq ans