Dans "L'écologie contre la démocratie", le célèbre chroniqueur, connu pour ses livres polémiques sur Air France, Google, la SNCF ou EDF s'intéresse au projet politique des "écolos-zadistes" de Sivens et Notre-Dame-des-Landes. Interview réalisée sur le site de la retenue de Sivens.
- Que voyez-vous en regardant le vallon du Testet, ici dans la forêt de Sivens ?Pascal Perri : "Ce que je vois ce n'est pas le site d'un grand projet mais une paisible petite vallée isolée du Tarn qui devait accueillir une modeste retenue d'eau. L'avantage ici c'est qu'il y a des forêts et des zones de repli... C'est donc le terrain idéal pour organiser une petite guerre moderne."
- Pourquoi écrire un livre sur ces conflits autour de l'écologie ?
Pascal Perri : "A Sivens comme à Notre-Dame-des-Landes, il y a la force d'un petit territoire, une unité de temps et d'espace. Et puis il y a ces histoires, ces récits, comme la plupart des journaux traitant l'actualité cherchent à en produire aujourd'hui avec deux adversaires clairement identifés : les agriculteurs d'un côté, les écolo-zadistes de l'autre. Les zadistes sont très peu représentés dans notre société. Leurs méthodes radicales et leur philosophie nihiliste obtiennent peu d'écho habituellement mais ils trouvent dans ces conflits de formidables caisses de résonance pour leurs idées. C'est une petite communauté en rupture avec la société globale mais, sur ces terrains d'expression, ils peuvent mettre leurs idées en marche. Les zadistes sont contre l'économie et pour la décroissance, contre la société de consommation, contre tous les projets d'aménagement que notre société développe : routes, retenues, centres de loisir, aéroports.
C'est aussi l'histoire d'une formidable manipulation. On a raconté à l'opinion publique une fable. Comme lorsque les réseaux sociaux véhiculent des théories simples, séduisantes mais fausses, ici les réalités sont travesties... A Sivens, il n'y a évidemment pas de barrage pharaonique ! Mais un petit groupe d'individus habiles a su tirer un profit maximum d'une situation banale : Un petit projet d'aménagement rural a engendré une polémique totalement surdimensionnée."
- Les combats écologiques sont souvent présentés avec un certain "romantisme", ce n'est pas le cas dans votre livre...
Pascal Perri : "J'ai surtout voulu souligner un grand nombre de mensonges reproduits à l'infini dans les reportages traitants de ces questions car, en matière d'information, la guerre se gagne d'abord avec des mots. Il est par exemple souvent évoqué de "Grands Projets Inutiles Imposés"... Bon, en venant ici il est facile de constater que le projet n'est pas immense, qu'il a une utilité pour les petites exploitations des environs et qu'il n'est pas imposé mais bien demandé par les agriculteurs. Il n'y a pas d'immenses murs de béton et ce n'est pas une vallée habitée qui doit être noyée.
- Pourtant les opposants ont gagné ! La construction de la retenue a été bloquée par Ségolène Royal...
Ce que les zadistes et leurs alliés écologistes ont réussi à imposer aux journalistes c'est leur terminologie, "leurs" mots de la guerre : projets imposés, agriculture extensive et productiviste, résistance pacifique, agro business... Tout ça c'est du vent. La vérité c'est que, dans ce territoire, il n'y a que de petites exploitations et des agriculteurs qui gagnent péniblement leur vie. Mais les zadistes ont obligé leurs adversaires à utiliser ces mots et à venir sur leur propre terrain guerrier, à s'énerver, à menacer... Alors même que ces agriculteurs, peu habitués - eux - à s'exprimer, voulaient juste rétablir la vérité sur leur situation et la taille de leurs exploitations ! En amenant leurs adversaires sur le terrain guerrier qu'ils avaient choisi, les écolo-zadistes ont marqué des points importants aux yeux d'une opinion mal informée. La vérité a été une victime collatérale de ces "récits d'actualité" quelquefois dignes de fictions".
- Il y a beaucoup de petits projets d'aménagements en France... Pourquoi les "écolo-zadistes" ont-ils choisi cette polémique locale ?
Pascal Perri : "Ces "histoires" sont des leviers formidables pour des groupes minoritaires mais très actifs et très organisés. S'il y avait un référendum, ces pensées là seraient marginalisées... Tout comme lorsqu'il y a des élections ici, les écologistes ne dépassent pas les 10 % ! C'est l'effet d'une loupe grossissante. Cela permet à des gens actifs et organisés d'exister. Les zadistes ont une vraie stratégie, ils savent quels sont les mots à produire, à diffuser pour manipuler les médias et l'opinion et arriver à leurs fins. Ici, le terrain était formidable".
- L'entité politique "Europe-Ecologie Les Verts" a-t-elle besoin des zadistes ?
Pascal Perri : "Les Verts utilisent beaucoup les zadistes en prônant notamment une démocratie participative... Pourquoi ? Simplement parce que, dans la démocratie élective, leur place est marginale. Lorsque les électeurs donnent leur avis, les écologistes n'obtiennent pas souvent la majorité. Mais là, on a une troupe militaire - les zadistes - qui occupe le terrain, et un groupe politique démilitarisé - les écologistes - avec quelques figures de proue comme José Bové qui peuvent négocier.
A Sivens ou à Notre Dame des Landes, une entité politique, les Verts, trouve un moyen d'imposer ses idées, d'agir sur l'actualité en encourageant les petits actes d'insubordination. Même si quelquefois - comme ici - cela se termine mal... Car ces actions sont dangereuses ! Le problème des Verts en France c'est d'abord que la démocratie est élective et ensuite... qu'elle a fait ses preuves !
Selon Pascal Terri " les zadistes ont une véritable stratégie. Ils savent manipuler les medias"