Un an après le début de la crise sanitaire, certaines entreprises du secteur "Bâtiments et Travaux Publics" tirent la langue. Si une certaine embellie avait été constatée après le premier confinement, en 2020, le constat est aujourd'hui plus alarmant pour cette filière.
Il y a un an, le premier confinement décrété en raison de la crise sanitaire paralysait l'économie française. Le secteur du BTP (Bâtiment et Travaux Publics) était touché de plein fouet. Mais la réouverture des chantiers publics ou privés faisant suite au déconfinement du mois de mai 2020 avait permis aux nombreuses entreprises de cette filière de respirer à nouveau. Artisans ou salariés de PME avaient repris leurs activités, profitant même d'une certaine embellie.
La crainte d'un trou d'air en 2021
Réunis à Toulouse le 17 mars dernier, les représentants du secteur BTP ont tenu à alerter sur la fragilité de la situation.
Aujourd'hui, à l'instant T, on a du travail. Les entreprises sont en train de finir le carnet des commandes de 2020. Mais on redoute le trou d'air qui peut arriver, à la fin de cette année ou l'année prochaine"
Le constat fait par les porte-paroles de la filière est un réel motif d'inquiétude. Dans un contexte sanitaire toujours aussi tendu, les contrats pour de nouveaux chantiers se raréfient en ce premier trimestre, les permis de construire tardent à être accordés...Pour Frédéric Carré, président de la Fédération Française du Bâtiment en Occitanie, "les entreprises n'investissent plus dans ce contexte. On a pu maintenir l'emploi jusqu'à aujourd'hui, si les projets ne sont pas relancés aujourd'hui, on aura un trou d'air l'année prochaine. Des emplois seront détruits."
Des entreprises sur la ligne rouge
Sur un chantier du centre-ville de Toulouse, rencontre avec Christophe Casals, à la tête de l'entreprise Coffe, spécialisée dans la démolition. Il confirme cet état des lieux."On a travaillé en 2020 sur des projets qui étaient déjà actés, avant la crise. On a eu le sentiment que notre secteur se portait bien", confie ce gérant qui emploie une vingtaine de salariés locaux. "Mais aujourd'hui, pour notre entreprise de démolition qui est la première à passer sur un chantier de construction de logements neufs, le trou d'air n'est pas un risque, c'est une réalité. Il arrive pour le second semestre 2021. On a habituellement trois mois de visibilité pour le carnet de commandes, actuellement on est à un mois et demi maximum. On est sur la ligne rouge."
Le prix des matériaux de construction flambe
A Aussonne, à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, autre problématique pour cette entreprise de charpente et de couverture qui intervient sur un chantier de construction d'appartements neufs. Ici, ce sont les coûts des matériaux utilisés qui s'envolent dans des proportions inhabituelles. Le prix des bois de charpente, ou des tôles de zinc utilisés explose d'un mois sur l'autre... Les devis signés avec les promoteurs deviennent intenables...
On manque de matière. Le prix des matériaux subit des hausses, de 10% à 30% pour certains. On ne peut plus tenir les devis pour lesquels on a signé avec les promoteurs ou les particuliers.
Cette inflation pourrait s'expliquer par un certain dérèglement du marché- notamment pour le cas des entreprises de charpenterie et de couverture. Les Américains se sont tournés vers l'Europe pour s'approvisionner en bois après les gigantesques incendies qui ont dévasté leurs forêts en 2020. Et les Asiatiques, notamment les Chinois se tournent de plus en plus vers notre continent pour cette matière première, d'où sa raréfaction. Autre matériau utilisé, en pleine pénurie : l'écran sous toiture. Cette toile posée entre les tuiles et la charpente pour assurer l'étanchéité d'un toit est en ce moment très prisée, et pour cause : elle est un des composants essentiels de la fabrication des masques anti-Covid...Une addition de circonstances qui enflent en bout de course les devis signés il y a plusieurs mois, ou retardent les livraisons de chantiers.
Des chantiers publics pour relancer la filière
Pour enrayer cette crise qui pourrait menacer le secteur, les représentants du BTP misent sur un plan de relance en 2021, notamment en terme de chantiers publics. "Dans le secteur privé, il y sans doute un climat anxyogène qui fait que les gens n'investissent pas. Donc, il faut que les chantiers publics soient lancés le plus vite possible" espère Frédéric Carré, président de la F.F.B (Fédération Française du Bâtiment) en Occitanie. "Il y a beaucoup de besoins en terme de bâtiments, d'infrastructures, de logements sociaux. Avec 40 000 nouveaux arrivants en Occitanie chaque année, on reste confiant pour le futur, mais il ne faut pas désamorcer la pompe, ça pourrait être catastrophique. On a pu maintenir les emplois jusqu'à aujourd'hui, ce ne sera peut-être pas le cas demain si on a ce trou d'air."
Une filière pourvoyeuse d'emplois
La filière BTP est un moteur en région Midi-Pyrénées, en terme d'activité économique et d'emploi. Rien qu'en Haute-Garonne, 34 000 personnes travaillent dans ce secteur. Elles se répartissent dans quelques 6000 entreprises, dont une très grande majorité compte moins de 10 salariés. Depuis le début de la crise sanitaire, d'après la F.F.B et le bureau du Médef 31, peu d'entreprises ont fermé. Les dispositifs d'aide de l'état (chômage partiel et report de charges) auraient maintenu à flot une grande majorité d'entre elles. Mais 2000 entreprises ont eu recours à un P.G.E (Prêt garanti par l'Etat) et se retrouvent endettées.