Agriculture : portraits croisés d'une éleveuse bio et d'un maraîcher du Val d'Oise

"Le bio m'a sauvée! " Nathalie Delahaye, 43 ans, a radicalement changé ses méthodes de production pour sortir de la crise du lait. Elle revit. Ses vaches aussi.
Francis Tremblay, 60 ans, est devenu le plus grand maraîcher du Val d'Oise.  Il vend ses légumes, en gros, à Rungis.

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                   De janvier à décembre, les saisons défilent. Avec une intensité de travail très différente entre les champs de légumes et l'étable.
 Francis Tremblay, maraîcher à Epiais-Rhus (95)  et sa voisine éleveuse, Nathalie Delahaye ont deux calendriers d'activités très variables en fonction des saisons mais un point commun : la passion pour l'agriculture, transmise de génération en génération, leur coule dans les veines.

 

 

L'été : récolte intense de légumes et vaches au pré. 


Radis, oignons blancs, céléri, épinards...En été, la récolte bat son plein. Des dizaines de saisonniers récoltent ce qui sera vendu le lendemain matin au marché de Rungis. 
Francis Tremblay, maraîcher de 60 ans, dirige une exploitation de 250 hectares de terres dans le Vexin, dont 100 dédiés aux légumes, il emploie une cinquantaine de salariés.

 


En été, le travail est plus calme pour Nathalie Delahaye. L'éleveuse de 43 ans va chercher ses vaches dans les prairies vers 7h, pour la traite du matin. Le soir, c'est 17h. Elle a 60 vaches laitières. En plus des génisses (les adolescentes qui ne produisent pas encore de lait) et des veaux.

Passage au bio : la lumière au bout du tunnel de l'élevage laitier

Nathalie Delahaye a repris la ferme familiale d'élevage laitier au Heaulme, dans le Vexin. Mais à 40 ans, elle était au bord du burn out.
 


En 2015, en pleine crise du lait, elle n'arrive plus à sortir de l'engrenage. Nourrir ses bêtes lui coûte beaucoup plus cher que ce que lui rapporte la vente de lait. Son conseiller lui recommande de se tourner vers le bio. Un parcours de 3 ans qui l'oblige à changer la nourriture de ses vaches. Finis la pulpe de betterave, le maïs et le soja importés. Elle arrête de cultiver du blé dans ses champs et plante de la luzerne et des céréales bio. 90% de l'alimentation de ses vaches provient désormais de son exploitation. Aujourd'hui, ses vaches sont moins malades et elle se sent mieux : "je vois la lumière au bout du tunnel!

"Je suis redevenue maître de mon exploitation. Avant, elle était entre les mains des banquiers et des fournisseurs"



 SERIE – L’agriculture au fil des saisons (1/4) – L’été
 


"J'ai fait un virage à 180°. Avant, on vendait au détail sur les marchés. Maintenant, on vend en gros à Rungis."
 

Francis Tremblay vient d'un famille d'agriculteurs du Val d'Oise. Dans les années 80, il cultivait toutes sortes de légumes, mais travaillait 7 jours sur 7. Du matin au soir, il passait des champs et à la vente sur les marchés, de plus en plus concurrencés par les grandes surfaces.
Pour gagner en confort de vie, il décide alors de vendre à Rungis.
Neuf mois de travail intense pour écouler ses légumes au Carreau des Producteurs de Rungis puis trois mois plus tranquilles en hiver quand la vente à Rungis s'arrête.
 



Grâce à l'achat et l'héritage de terres, Francis Tremblay s'est agrandi et spécialisé dans certains légumes (choux, céleri, radis, épinards...).
Il est devenu le plus grand maraîcher du Val d'Oise.
 

 

L'Automne : dernières ventes à Rungis et premiers veaux


Chaque nuit, pendant la saison des ventes au Carreau des Producteurs de Rungis, Francis, sa femme Annie et un chauffeur partent avec 3 semi-remorques. Vendus pendant la nuit et au petit matin, les légumes se retrouvent quelques heures plus tard sur des étals de marchés, dans des assiettes de cantines scolaires ou de grands restaurants. Une fierté pour la famille Tremblay qui n'arrête pas de mars à novembre. 

Le rythme de Nathalie Delahaye commence à s'intensifier.
Neuf mois après avoir fait inséminer ses vaches, la saison des vélages commence à la fin de l'automne. Elle aura en quelques semaines une cinquantaine de veaux.
 



Les petits mâles partiront dans des ateliers d'engraissage, la plupart du temps à des milliers de kilomètres faute d'ateliers suffisants en France. 
Les petites femelles sont nourries et logées en attendant de devenir des génisses (adolescentes vierges) puis, enfin, des vaches productrices de lait après leur premier vélage.
 

 SERIE -  L’agriculture au fil des saisons (2/4) – L’automne

 

L'hiver dans les champs : Francis lève le pied, Nathalie n'arrête pas


Fin novembre, Francis Tremblay livre ses derniers légumes. Il peut enfin lever le pied jusqu'en mars. Préparation des champs, réparation de matériel agricole, achat des plants pour le printemps, il ne chôme pas. Mais il peut prendre son temps et même partir 2 semaines en vacances. S'il avait continué à vendre sur les marchés, cela lui aurait été impossible. 
 


Nahalie n'a plus une minute à elle car son étable est pleine. Vaches et génisses passent l'hiver au chaud et chaque semaine amène son lot de naissance. Elle doit donc nourrir matin et soir 130 bêtes et pailler l'étable. Un travail intense qu'elle réalise avec l'aide de tracteurs et machines de toutes sortes.


 SERIE - L’agriculture au fil des saisons (3/4) – L’hiver 


Le Printemps : les légumes repoussent et les vaches retournent au pré


Après deux semaines de vacances, Francis Tremblay repart pour neuf mois de travail intensif. Plantation, récolte, vente à Rungis. Le marathon repart. 
Francis, 60 ans, pense à la transmission. Que va devenir son exploitation? Sa fille Julie, qui s'occupe de la partie commerciale et administrative, hésite beaucoup.
Elle aime ce métier de maraîcher, elle est d'ailleurs propriétaire de 80 hectares qui lui permettent de vendre des légumes sous sa propre marque "Julie". Mais les problèmes de normes, de main d'oeuvre et la taille de l'exploitation familiale la font hésiter. 
La famille Tremblay se laisse 5 ans, quand Francis et sa femme Annie partiront à le retraite, pour trouver une solution. 

 

 

"Pour la première fois en 19 ans, je peux me verser un salaire"


Avec les beaux jours, les vaches gambadent à nouveau dans les prés. Nathalie peut souffler. 
Depuis quelques temps, elle arrive enfin à se verser un salaire. Un SMIC, cela ne lui était jamais arrivé, en 19 ans d'élevage.
C'est grâce au bio, qui paye mieux. 
"Il faut que les consommateurs soient conscients que le bio coûte plus cher" explique Nathalie. "Mais c'est parce que l'on respecte l'animal et l'éleveur. Et que cela nous permet de respecter des normes très strictes, qui demandent aussi des investissements coûteux".
 


Francis est conscient que les consommateurs réclament plus de bio, moins de traitements. Mais il prévient : "Si tout le monde passe en bio, que l'on produit de manière moins intensive, tout le monde n'aura pas à assez à manger!" 

Nathalie, elle, a retrouvé le sourire. Une renaissance, 3 ans après la crise du lait. 

 
SERIE - L’agriculture au fil des saisons (4/4) – Le printemps 








 
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