Respire-t-on un air dangereux pour la santé, dans le métro de Paris ? Ile-de-France Mobilités et Airparif ont réalisé pour la première fois une carte montrant l’étendue de la pollution aux particules fines, dans 44 stations de métro et le RER. Au moins trois stations présentent une pollution élevée.
L’autorité organisatrice des transports dans la région, Île-de-France Mobilités, et l’association Airparif ont demandé à la RATP et à la SNCF de mesurer le niveau de pollution dans leurs réseaux ferrés souterrains. Pendant une semaine complète, des relevés ont été effectués sept jours sur sept et 24 heures sur 24. D’autres stations ont bénéficié d’une prise de mesures en continu, par la RATP et la SNCF, sur toute la période 2015-2022.
La concentration de particules fines, produites au moment du freinage des trains, peut favoriser des difficultés ou maladies respiratoires, notamment chez les personnes fragiles. Les mesures dans 44 stations servaient à évaluer le taux de particules fines, comme les PM10 ou les PM 2,5.
Les PM10 ne doivent pas dépasser le taux de 480µg/m3, seuil maximum recommandé par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), à partir d'une heure d'exposition. L'OMS recommande moins de 140µg/m3, mais cela concerne l'exposition à l'air libre. Pas de précision pour les PM 2,5 : elle sont réputées plus fines et plus nocives. D'après les relevés récents, au moins trois stations du métro parisien sont fortement concernées par cette pollution.
Des relevés alarmants
Belleville, Jaurès et Oberkampf : ces stations à l’est de Paris sont traversées par les lignes 2, 5, 7bis, 9 et 11. Elles affichent un taux de PM10 supérieur à celui autorisé. Dans les autres stations étudiées, il ressort que 31 affichent un "niveau moyen" de concentration de particules fines PM10, c'est-à-dire entre 140 et 480µg/m3. Les mesures de 10 autres points du réseau montrent quant à elles un "niveau faible", qui est inférieur à 140 µg/m3.
La station Belleville était déjà pointée du doigt, comme la plus polluée, dans une autre étude réalisée l’an passée. Réalisée pour l’émission de télévision "Vert de Rage" sur France 5, elle avait été contestée par la RATP. "Les travaux communiqués par Airparif et IDFM ne reflètent pas l'exposition des voyageurs ni des salariés", opposait Sophie Mazoué, responsable développement durable pour le groupe RATP. La responsable du groupe de transport objectait qu’aucun usager ou salarié ne reste une heure sur un quai. Elle ajoute en outre qu’il convient également de disposer des données dans les rames de métro.
De son côté, l’instance régionale en charge des transports, Île-de-France Mobilités (IDFM), prévoit de publier en juin sa cartographie précise de la pollution. Elle portera sur les lignes de métro et de RER et de 397 stations sur ces deux réseaux. "Les particules ne sont pas les mêmes dans les rames et sur les quais. En général, c'est un peu plus faible dans les rames car l'air est ventilé. On aura la vérification au mois de juin", a indiqué le directeur général d'IDFM, Laurent Probst.
Des doutes pas encore étayés par la science
Pour l’heure, l’incertitude est forte au sujet des conséquences sur la santé de la qualité de l’air dans le métro. Les études scientifiques sont encore très restreintes. L’Agence nationale de sécurité sanitaire évoque un risque "d'inflammation des voies respiratoires, en particulier chez les populations sensibles comme les asthmatiques" ou "d'effets sur la fonction cardiaque autonome". En revanche, elle réfute "le risque augmenté du cancer du poumon ou de l'infarctus du myocarde".
Toutefois, IDFM compte demander aux opérateurs RATP et SNCF de déployer un plan d'action pour améliorer la qualité de l'air dans les stations les plus polluées. L’autorité en charge des transports promet déjà que "La station Belleville bénéficiera dès 2024 du renouvellement d'un ventilateur". De son côté, Jaurès verra son ventilateur renforcé cette année. À Oberkampf, un nouveau ventilateur fonctionne depuis fin 2023 et deux ouvrages supplémentaires seront construits cette année. "Ces trois stations passeront au moins à l'orange, sinon au vert", espère Laurent Probst.
IDFM a aussi demandé de déployer "le plus rapidement possible un système qui réduit les émissions de particules fines générées au moment du freinage des trains", notamment sur les lignes du RER A et 1, 2, 3, 4, 5 et 9 du métro. À ce stade, seuls les métros de dernière génération MP14, déployés sur les lignes 4, 11 et 14 disposent d'un freinage électromagnétique, non émetteur de particules fines.
Ces inquiétudes sur la santé ne sont pas récentes. Au printemps dernier, le parquet de Paris avait ouvert une enquête pour "mise en danger d'autrui", visant la RATP. Elle est soupçonnée par l'association Respire de dissimuler à ses usagers un taux de particules fines anormalement élevé.