Après plusieurs mois de bataille, les bouquinistes ont obtenu le droit de rester sur les quais de Seine, malgré les restrictions sécuritaires liées à la cérémonie d'ouverture des JO. Pourtant, ils doivent maintenant faire face aux quais désertés par les clients et les touristes, aux QR Codes pour entrer en zone grise, et aux ventes qui ne sont pas au rendez-vous.
"J'ai ouvert plus par curiosité qu'autre chose", reconnaît Sylvie Mathias. Bouquiniste au quai des Grands-Augustins, elle est bien l'une des seules bouquinistes (sur les 220 en activité) à avoir décidé de rester depuis la mise en place de la zone grise. Aussi appelé SILT, ce périmètre de sécurité impose aux personnes voulant y accèder de détenir le précieux QR Code du Pass Jeux. "Je suis la seule ouverte par ici, il y a des regards d'étrangeté, commente-t-elle. On a presque l'impression d'être de retour durant le Covid."
Depuis le 18 juillet, pas un seul client ne s'est présenté à elle. Et pour cause : "Les quais sont totalement vides." Un constat qu'a pu faire Jérôme Callais, président de l'association culturelle des bouquinistes de Paris, en visionnant vidéos et photos envoyées par ses confrères. "Il y en a bien qui ont ouvert le premier jour et le deuxième jour des restrictions mais, voyant qu'il n'y a absolument personne qui passe sur les quais, ils ont abandonné l'idée. Moi j'ai pris la fuite, je suis parti de Paris !"
Suite de la balade côté rive gauche. Quai de l’hôtel de ville désertique #ZoneGrise #QRCode pic.twitter.com/g4hcW8raZu
— Bouquinistes des Quais de Paris (@boukinistParis) July 22, 2024
"Ça aurait pu être pire"
Si les "retentissements sur le chiffre d'affaires se font déjà ressentir", assure la bouquiniste du quai des Grands-Augustins, elle reconnaît que "la déception n'est pas énorme". "On était prêt à fermer une ou deux semaines", se souvient Jérôme Callais. Pour lui, il faut voir cette période comme une semaine "de mauvais temps" qui affecte habituellement leurs ventes.
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Malgré la situation, tous relativisent la situation en se rappelant la menace qui pesait sur eux il y a quelques mois encore. "Ça aurait pu être pire, explique Jérôme Callais. Déjà, ils n'ont pas touché à nos boîtes, c'est le plus important. Il y avait trop d'inconnu et de méconnaissance autour de l'opération" qui évoquait la possibilité de déloger les bouquinistes parisiens.
"La Mairie nous avait dit qu'ils nous offriraient des boîtes neuves si elles se cassaient pendant l'opération, se rappelle-t-il. Mais, qu'est-ce qui a inspiré les artistes ? C'est la non-homogénéité de nos boîtes." Un élément d'autant plus important pour le président de l'association qu'une demande a été faite pour inscrire les bouquinistes de Paris au patrimoine mondial de l'UNESCO. "On est un peu le dernier des petits métiers parisiens, il n'y a pas d'équivalent dans le monde, assure-t-il. C'est une exception culturelle qu'il faut préserver."
Vers une situation inédite après la cérémonie d'ouverture
Pour autant, les bouquinistes avancent vers l'inconnu. Ils n'auront ni indemnité, ni compensation pour cette période particulière qu'ils qualifient de "chômage technique". Si la zone grise s'arrêtera normalement, pour les quais, après la cérémonie, les bouquinistes restent prudents. "Je ne suis pas convaincu qu'on pourra travailler normalement dès le 27 juillet, doute Jérôme Callais. Il faut penser au démontage des structures qui prendra sûrement du temps." Un point qui inquiète également Sylvie Mathias : "J'espère surtout que les barrières seront enlevées rapidement."
Mais pour ces libraires à ciel ouvert, impossible de prédire la suite de l'été. "Je ne connais pas du tout la clientèle, c'est inédit", avoue Sylvie Mathias, avant de s'interroger, "est-ce qu'il y aura un nouveau trou d'air entre le 11 août et le 27 août [période entre la fin des JO et le début des Jeux paralympiques] ? On n'en sait rien."