Sandwichs : quand les boulangeries traditionnelles prennent leur revanche sur les fast-foods

Street food, boulangeries haut-de-gamme ou encore "fast casual"... le marché de la restauration rapide se réinvente. À l'occasion du salon Sandwich & Snack Show qui se déroulera à Paris mercredi et jeudi prochains, le fondateur du cabinet Strateg'eat Nicolas Nouchi nous dresse le portrait d'un secteur en pleine mutation.

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"Un terrain d'implantation idéal" pour une restauration rapide qui "monte en gamme", observait la Chambre de commerce et d'industrie Paris Île-de-France dans une étude publiée il y a six ans. Or, où en est le secteur de la restauration rapide aujourd'hui, en France et dans notre région ?

Un secteur "toujours en progression" malgré l'inflation. Il s'agit de l'un des premiers enseignements de l'étude "Speak Snacking" du cabinet Strateg'eat, avec les données de Gira Foodservice et Circana, publiée au début du mois de mars. Nicolas Nouchi, expert du marché de la restauration et fondateur de Strateg'eat revient sur les évolutions d'un marché dans lequel l'Île-de-France tire son épingle du jeu.

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Pouvez-vous nous faire un bref état des lieux de la restauration rapide en France ?

Il s’agit d’une période particulièrement difficile pour la restauration, avec le contre-coup de l’inflation et l’engouement post-Covid qui est passé, nous sommes dans une période plutôt dure de la restauration, qui a beaucoup souffert ces derniers mois, en particulier du fait de l’augmentation des prix. Elle aussi souffre des portefeuilles en berne des consommateurs.

La restauration rapide est en développement depuis vingt ans. Aujourd’hui il y a plus de 55 000 restaurants rapides, il y en avait 13 000 il y a vingt ans. Il y a quand même un engouement ultra significatif. Elle s’est aussi bien développée quantitativement que qualitativement. Il y a une montée en gamme et une premiumisation de l’offre dans cet univers-là, et cela est valable aussi en boulangerie. Nous avons une année 2023 qui se termine positivement pour la restauration rapide. 

Qu’est-ce que le "snacking" ?

Il est vrai que la définition veut tout dire et rien en même temps. On l’associe au départ avec l’univers de la restauration rapide que l’on connaît avec le fast food, mais aujourd’hui, c’est un peu réducteur. Le snacking, c’est d’abord un lieu de restauration rapide qui se matérialise majoritairement par une vente à emporter, dans une logique globale, mais que. 

Le snacking, c’est aussi des instants, et plus uniquement le déjeuner et le dîner. Il s’agit aussi d’une pause gourmande. Enfin, le snacking, c’est d’abord un mode de consommation, des instants, des lieux mais aussi des produits, dont les plus emblématiques sont la restauration rapide et la boulangerie-pâtisserie.

Le snacking permet-il de dynamiser ces boulangeries-pâtisseries, ainsi que les centres-villes dans lesquels elles se trouvent ?

Je ne sais pas si cela permet de les dynamiser, mais je dirai plutôt que la boulangerie-pâtisserie a dynamisé le snacking. Il s’agit d’une source et d’une activité complémentaire qui fait maintenant corps avec boulangerie-pâtisserie, ce qui n’était pas le cas il y a quinze ans. 

La boulangerie-pâtisserie, c’est la certitude de se payer un repas économiquement attractif

Nicolas Nouchi, expert du marché de la restauration et fondateur de Strateg'eat 

auprès de France 3 Paris Île-de-France

Aujourd’hui, l’offre de snacking en boulangerie représente un chiffre d’affaires qui est plus ou moins important, entre 20% et 50% en fonction de la typologie de la boulangerie. C’est le garant d’un certain nombre de marqueurs clés, notamment du snacking, mais dans le repas. La boulangerie-pâtisserie, c’est la certitude de se payer un repas économiquement attractif. Elle est le garant du dernier sandwich traditionnel et de la multiplicité de produits qui ne sont pas uniquement des produits panifiés. 

Il y a vingt ans dans le snacking, nous y retrouvions la quiche et la pizza, c’était les seuls produits, ensuite le sandwich s’y est développé. Aujourd’hui, il y a la salade, les plats cuisinés qui commencent à émerger au fil du temps.

Face aux chaînes traditionnelles de sandwicheries, les boulangeries-pâtisseries reviennent-elles en force ?

La boulangerie-pâtisserie est vraiment dans une période de progression qualitative et de transformation des métiers qui s’est faite sur les dix dernières années, avec notamment le déploiement d’espaces de restauration, assis, sur place.

Les nouvelles boulangeries qui s’implantent aujourd’hui, c’est automatiquement avec des places assises. Il y a aussi le développement d’activités complémentaires, dont le snacking mais aussi autour de la boisson chaude ou une activité traiteur pour les entreprises, notamment pour les enseignes de boulangerie-pâtisserie. 

Il y a aussi des autodidactes qui se sont déployés sur le marché. Ils apportent un vrai vent de fraîcheur, en comparaison des viennoiseries-sandwicheries qui sont peut-être plus vieillissantes aujourd’hui. Celles-ci essaient de se rénover, mais sont plutôt dépassées par le développement de nouvelles boulangeries-pâtisseries.

Cela permet-il de donner une image plus qualitative à la restauration rapide ?

La boulangerie-pâtisserie et la restauration rapide, dans l’univers du snacking, se sont petit-à-petit segmentés. Pour la restauration rapide, on parle beaucoup du fast food, mais on pourrait aussi évoquer le fast casual : la restauration rapide haut-de-gamme. Elle est souvent représentée par des petites enseignes de plus ou moins grande taille. Class'croute ou Prêt-à-Manger en sont des exemples de grandes enseignes. Big Fernand en fait également partie. Au-delà, il y a des petites enseignes émergentes qui sont sur des paniers moyens largement supérieurs à dix euros, qui sont qualitativement au rendez-vous et qui racontent une véritable expérience. 

Il y a pleins de petites enseignes émergentes qui sont sur des paniers moyens supérieurs à dix euros et qui sont qualitativement au rendez-vous

Nicolas Nouchi, expert du marché de la restauration et fondateur de Strateg'eat

auprès de France 3 Paris Île-de-France

C’est le même contexte pour la boulangerie-pâtisserie. Effectivement, on a une logique de process pour un certain nombre d’enseignes, mais il y a une vraie montée qualitative globale chez tous les acteurs. On rencontre alors une meilleure présentation, un merchandising bien plus travaillé et des propositions de plus en plus alléchantes avec beaucoup de couleurs et de visuels instagrammables, ainsi qu’une activité de boisson chaude entrant dans une logique de coffee shop. 

Le bakery café est un concept à l’origine anglo-saxon mais qui s’est développé en s’inspirant de la boulangerie. Il y a désormais un retour d’expérience où il y a beaucoup de boulangeries traditionnelles qui sont en train de devenir des bakery café avec un espace de vie dans lequel on a envie d’aller à tous les instants.

En Île-de-France, les boulangeries Bo&Mie sont un bon exemple, une petite enseigne qui s’est bien développée. Il y a pleins d’enseignes, Parisiennes ou pas, qui sont parfois le fruit d’un autodidacte, qui n’était pas du tout dans la restauration rapide, et qui petit-à-petit s’est équipé d’un boulanger-pâtissier en ajoutant sa fibre marketing et communication. Dans le même esprit, il y a les boulangeries Liberté. Il y a une logique expérientielle, notamment sur l’architecture de la boutique qui prédomine. 

On rencontre alors une meilleure présentation, un merchandising bien plus travaillé et [...] des visuels instagrammables

Nicolas Nouchi, expert du marché de la restauration et fondateur de Strateg'eat

auprès de France 3 Paris Île-de-France

En régions, comme à Paris, il y a évidemment des boulangers-pâtissiers de formation, ceux qu’on aurait jamais imaginé être remplacés par autodidactes un jour, qui ont eux aussi ont compris comment se développer et comment utiliser leurs produits signature en rendant leur boulangeries plus belles et plus attrayantes.

Il y a les boulangeries Maison Landemaine, dont le créateur est boulanger-pâtissier de formation. Avec une version végane qui s’appelle Land&Monkeys, Landemaine est également dans cet esprit architectural, sauf que lui est boulanger-pâtissier et il a vu ce qu’il se faisait et où il fallait aller. Kayser est également un précurseur.

Paris, et l’Île-de-France plus largement, font-ils figure de laboratoire pour ces concepts-là ? Peuvent-ils être vus d’un mauvais œil par les boulangeries traditionnelles ?

L’Île-de-France est un terrain emblématique du développement de cette montée en gamme de la boulangerie-pâtisserie. Il est vrai qu’il y a une clientèle ayant plus d’appétence pour le snacking et des lieux avec un trafic incroyable. Il y a pleins de beaux concepts dans les grandes villes françaises, mais la transformation et le fait de véhiculer une nouvelle image de la boulangerie, cela a d’abord commencé à Paris.  

Je pense que ces concepts sont vus comme une image, un exemple à suivre. Au début, cela peut présenter un certain nombre de dangers ou d’inquiétudes, car le boulanger-pâtissier est quand même un artisan. Aujourd’hui, ces concepts sont véritablement des références. 

La transformation et le fait de véhiculer une nouvelle image de la boulangerie, cela a d’abord commencé à Paris

Nicolas Nouchi, expert du marché de la restauration et fondateur de Strateg'eat

auprès de France 3 Paris Île-de-France

Les autres enseignes de boulangeries-pâtisseries un peu moins haut-de-gamme comme Blachère, Ange ou Louise ont pendant longtemps représenté une image d’exemplarité. À un moment donné, elles se sont beaucoup développées et étaient perçues comme très inquiétantes par les boulangeries-pâtisseries car elles proposaient des promotions à tire larigot. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ces enseignes sont moins urbaines, il s’agit plutôt d’un concept dédié au périurbain. Elles dynamisent la grande couronne avec une largeur de gamme et des tarifs assez attractifs, tout en gardant une image boulangère en produisant sur place. 

L’évolution du snacking a démontré que, petit-à-petit, le produit est un élément de base qui a énormément progressé ces quinze dernières années dans tous les univers. Même un kebab indépendant fait des progrès phénoménaux, notamment sur l’hygiène, la qualité de son produit ou sur l’accueil client. Au-delà de ça, il y a une logique expérientielle qui a été portée par le fast casual et ces boulangeries haut-de-gamme et ces chaînes de boulangerie.

En Île-de-France, les jeunes consommateurs convoitent à la fois la restauration rapide, mais également la restauration à table, notamment avec le développement de l’afterwork. On ne peut pas dire que les vieilles générations comme moi mangent à la brasserie et les jeunes en restauration rapide. Ils ont une appétence pour tous les concepts qui véhiculent une expérience. 

Concrètement, il y a une très grosse présence de restauration rapide en Seine-Saint-Denis, par exemple. Cela est notamment lié à un phénomène communautaire avec des restaurants halal. Dans les Hauts-de-Seine, la restauration rapide est également très présente, notamment grâce aux nombreux lieux de travail. On y retrouve du fast casual et de la boulangerie haut-de-gamme. Pour les Yvelines et la Seine-et-Marne, c’est plus disparate, car ce sont des plus grands départements. Dès que vous quittez Paris, l’urbain, vous croisez partout des boulangeries Blachère, Louise ou Ange.

L’année dernière, votre étude annonçait le succès du street food. Est-ce toujours le cas en 2024 ?

Si la vente à emporter a le plus de potentiel, le nomadisme a aussi énormément de sens et les nouvelles thématiques asiatiques ont un énorme impact. À Paris, nous voyons aussi se développer énormément de food courts, aussi bien dans des lieux de vie que dans des lieux culturels, comme c’est le cas pour la Villette.

Le Coréen, le Thaï ou le Vietnamien ont vraiment le vent en poupe. Ils prennent d’ailleurs un peu de place par rapport aux sushis, qui ont un peu baissé. Mais le Japonais s’exprime aussi sous d’autres formes, notamment avec les ramens. Il y a aussi le Chinois avec le pain bao qui a beaucoup de sens.

La restauration rapide peut-elle encore innover ?

Il y a un premier niveau d’innovation dans le choix des produits signature, et la façon dont on va les mettre en avant. La boulangerie qui était le représentant du jambon beurre, a aujourd’hui misé sur d’autres types de sandwichs, d’autres types de pains. Il y a toujours la capacité d’innover. 

J’étais à New York il y a dix jours. J’ai visité une enseigne qui faisait uniquement des sandwichs. Sur la borne de commande, il y avait 120 options de personnalisation disponibles, soit 120 façons de personnaliser son sandwich. Il y avait douze types de pains. Il y a toujours la possibilité de monter en gamme et de créer de la diversité. Ce que j’entends aussi par le produit signature, c’est quelque part de se spécialiser, puisque l’avenir en restauration rapide est de donner un peu plus de cachet à sa proposition.

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