De mardi à mercredi, le Samu est intervenu auprès de 23 personnes à La Courneuve, Saint-Denis, Gennevilliers et Colombes pour des overdoses non-mortelles liées à la consommation d'héroïnes. L'association Gaia alerte sur le retard pris en région parisienne et en France concernant la prise en charge des toxicomanes.
Elisabeth Avril, médecin et responsable de la salle de conommation de drogue de PAris (10e), alerte sur le retard pris par la France dans la prise en charge des overdodes. Avec son association Gaia, une antenne de "Médecins du monde", elle gère 2 établissements un centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues (CAARUD) et une salle de consommation à moindre risque (HSA), plus connue sous le nom de "salle de shoots".
1 - En moins de 24 heures, 23 personnes ont été hospitalisées suite à des overdoses. Comment expliquez-vous cela ?
Tous les 2 ou 3 ans, on assiste à ce type de phénomène. L'héroïne est un produit illicite, non-contrôlé, vendu sur un marché de prohibition. Ces overdoses peuvent être liées à la "pureté" du produit. Les consommateurs sont habitués à une héroïne dosée à 3 ou 4% et tout d'un coup, elle peut être dosée à 30% ou 40%. Si la "pureté" du produit augmente, cela peut agir sur leur corps. C'est l'overdose ! L'héroïne agit sur le cerveau, les muscles respiratoires … La personne s'arrête de respirer. Ça peut être très rapide. Les gens n'ont parfois pas le temps de terminer leur injection. Très rapidement, le cœur s'arrête puis le décès survient. Cette fois-ci, on est au stade des hospitalisations, c'est grave. L'autre possibilité pour expliquer cette série d'overdoses, ce sont les mélanges. Sur le marché illicite, les produits sont coupés, notamment les opiacés. L'héroïne peut être mélangée notamment à du Fentanyl ou ses dérivés. C'est une substance opioïde, 50 à 100 fois plus forte que la morphine. Elle provoque chaque année aux États-Unis 100 000 morts d'overdoses. C'est un phénomène que l'on voit peu en France pour le moment. On le sait, ce qui se passe en Amérique du Nord vient tôt ou tard chez nous. Ce phénomène peut avoir des conséquences gravissimes sur les populations européennes.
2 - Existe-t-il des moyens d'éviter les overdoses ?
Il y a deux axes qui permettent de lutter contre les overdoses graves et mortelles. Premier point, il faut que les personnes consomment en étant accompagnées, dans un milieu sécurisé, c'est-à-dire dans une salle de consommation. Dans un lieu supervisé, des professionnels peuvent intervenir de suite sur le malaise ou l'overdose. Le deuxième point, c'est la disponibilité de la Naloxone. C'est un antidote aux opiacés qui se prend par injection ou par voie nasale, sous forme de spray. Pour éviter le décès, il suffit d'une seule administration, de suite. Ce produit a peu d'effet indésirable. Certains pays ont opté pour en équiper tous les policiers ou pompiers car ils sont les premiers à intervenir sur les lieux publics. Malheureusement, ce n'est pas le cas en France.
3 - Il existe déjà une salle de consommation sur Paris. N'est-ce pas suffisant ?
Il y a une salle à Paris et une autre à Strasbourg. Ces salles, où les personnes peuvent injecter, inhaler ou fumer, sont en première ligne dans beaucoup de pays pour réduire le nombre d'overdoses. Ça a été prouvé comme efficace pour éviter les issues fatales à la consommation de drogue. Cela permet aussi d'amener les personnes toxicomanes vers un parcours de soin. En France, il y a beaucoup de projets d'ouverture à Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux et Paris qui ne voient pas le jour. Il faut que les structures soient en nombre suffisant pour répondre à un bassin de population. Sur l'Ile de France, on a 12 millions d'habitants. Une salle de consommation ne suffit pas ! Ces salles ont prouvé leur efficacité : elles permettent de sauver des vies. On trouve cela très dommageable qu'elles ne puissent pas être développées dans plus de lieux dans notre pays.