TEMOIGNAGE. Greffe de la moelle osseuse : "Je suis allé au bout car je voulais le faire pour ma sœur, pour qu'elle vive mieux"

Sensibiliser aux dons de moelle osseuse. C'est l'objectif d'une course à vélo entre Pontault-Combeau en Seine-et-Marne et le Havre qui part ce vendredi. 2 000 greffes de la moelle osseuse sont réalisées chaque année en France. Rencontre avec Alysée qui a bénéficié d'un don de moelle osseuse, celle de son frère.

Pour Alizée, les ennuis de santé ont commencé dès ses 4 ans. "Les médecins ont détecté que j'avais un déficit de plaquettes sanguines et donc un système immunitaire plus faible que la normale", raconte la jeune fille aujourd'hui âgée de 19 ans. Des recherches débutent alors pour déceler les causes de cette maladie rare. Elles font l'objet de colloques à travers le monde. "Des scientifiques ont fait état de leurs recherches sur la condition de ma sœur dans toute l'Europe et même aux Etats-Unis", détaille Nicolas Hébert son frère.

La pathologie se manifeste chez elle par différents symptômes. "Je me faisais des bleus très souvent quand je me cognais quelque part, même sur un petit coup. Des infections se déclenchaient de manière aléatoire régulièrement", précise la jeune fille. Elle enchaîne alors les visites médicales et apprend par les spécialistes qu'elle devrait se faire greffer de la moelle osseuse l'année de ses dix ans.

Un donneur compatible 

"Avant de fixer la date de l'opération, il a fallu trouver un donneur compatible. Nous sommes cinq frères et sœurs dans la famille, donc ils se sont tournés vers nous car lorsque vous êtes issus de mêmes parents vous avez une chance sur quatre d'être compatible. Avec un inconnu, c'est une chance sur 1 million", avance le frère d'Alizée.

C'est finalement lui qui est jugé le plus compatible pour donner une partie de sa moelle osseuse à petite sœur. "Cela s'est joué entre mon frère qui était mineur à l'époque donc cela aurait impliqué des procédures juridiques supplémentaires. J'ai été choisi."

Malgré le fait qu'il soit majeur, il doit tout de même passer devant un juge car il n'était pas enregistré au registre des donneurs potentiels. "Je suis allé au bout car je voulais le faire pour ma sœur, pour qu'elle vive mieux."

C'est en avril 2011 que l'opération a lieu mais la préparation commence bien en amont. "Dès le mois de janvier, j'ai fait des séances où je restais dans une chambre stérilisée dans laquelle l'air était renouvelé régulièrement. Cela permettait de mettre à jour mon système immunitaire", indique Alizée.

Elle démarre également des séances de chimiothérapie. "Ce n'était pas facile pour toute la famille car on sait ce que cela implique. La perte de cheveux, la fatigue mais on a toujours fait en sorte de la soutenir en étant à ses côtés", raconte son frère.

Pas facile également de concilier les hospitalisations répétées et la vie d'élève de CM2 pour Alizée. "Une enseignante venait me faire cours à l'hôpital. Je n'ai donc pas pris de retard par rapport aux autres."

Je n'ai ressenti qu'une petite douleur dans le bas du dos après mon réveil, rien de plus

Nicolas Hébert, donneur

En avril, l'opération a lieu. Alizée est à l'hôpital Louis Debré dans le 19ème arrondissement. "Il s'agit d'une transfusion sanguine qui dure une heure." Pour Nicolas, à l'hôpital Saint-Louis dans le 10ème,, c'est une ponction dorsale sous anesthésie générale qui permet aux chirurgiens d'extraire la moelle osseuse. Un liquide passe ensuite par des filtres avant d'être transféré dans l'hôpital où se trouve Alizée. "C'est impressionnant quand on arrive au bloc et qu'on voit une dizaine de personnes en place pour s'occuper de l'opération mais au final, je n'ai ressenti qu'une petite douleur dans le bas du dos après mon réveil, rien de plus."

Suite à l'opération, certaines choses changent dans la vie d'Alizée. "Ce sont des détails mais par exemple le fait de ne plus avoir d'hématomes lorsque je me cognais. Bien sûr j'y faisais toujours attention parce que j'avais développé des réflexes mais je me savais beaucoup moins fragile qu'avant."

Une course au profit de la recherche

Ce vendredi, l'un de ses autres frères, Romain Hardouin organise un parcours à vélo entre Pontault-Combeau en Seine-et-Marne et le Havre. Une "course" de 260 km pour sensibiliser sur la question du don de moelle osseuse. "Le but est de montrer aux gens qu'il est important de s'inscrire sur les registres car cela peut sauver des vies. Sans ce don, on sait que la vie de notre sœur aurait été beaucoup plus compliquée", insiste Nicolas Hébert. Pour cet évènement, la famille d'Alizée souhaite mettre en lumière les travaux du Professeur David Michonneau qui travaille sur le don de moelle osseuse à l'hôpital de l'AP-HP Saint-Louis.

Son projet vise à identifier les causes de rechute de la leucémie qui est la première cause d'échec de la greffe de moelle osseuse selon l'association Sang pour Cent la Vie. Cette greffe est notamment utilisée pour soigner la leucémie, un cancer du sang qui résulte d'un dysfonctionnement de la moelle osseuse. "Le projet permettra d'utiliser l'informatique et l'intelligence artificielle pour évaluer les facteurs de rechute qui est la première cause de décès suite à une leucémie", indique l'hématologue, spécialiste des maladies du sang.

Une greffe "méconnue du grand public"

Utilisée pour guérir les maladies du sang, la greffe de moelle osseuse reste un traitement méconnu du grand public. Pourtant, à partir de 18 ans, chacun peut s'inscrire en ligne pour devenir donneur volontaire. Les spécialistes souhaitent attirer des profils génétiques de plus en plus variés sur le registre public. Un motif d'espoir pour les patients qui espère trouver un donneur compatible.

D'après le professeur, le don de moelle osseuse,"c'est quelque chose qui fait peur car cela touche au sang." Selon le spécialiste, la France enregistre 10% des dons annuels à l'échelle européenne. "Il est important de faire comprendre à un maximum de personnes que les dons peuvent sauver. Il faut que la France puisse contribuer davantage dans ce domaine à son échelle."

Selon le Pr Michonneau, il faut plus de donneurs sur les listes notamment pour tous les patients en attente d'une greffe. "On estime qu'un tiers des patients qui doivent se faire greffer n'ont pas trouvé de donneurs compatibles", détaille-t-il.

Je ne peux aller dans le métro ou recevoir des proches s'ils sont malades, car je risque d'en mourir

Kevin Wost, en attente de greffe osseuse

Au sein de son service, plusieurs patients doivent se faire greffer. C'est le cas de Kevin Wost atteint d'une leucémie. Cet Australien d'origine thailandaise doit se faire greffer en juin prochain. À 31 ans, il a déjà contracté deux leucémies différentes. "Personne ne correspondait à mon patrimoine génétique dans le registre public alors c'est l'un de mes cousins qui sera donneur", témoigne-t-il.

Cette greffe pourrait lui sauver la vie en renforçant son système immunitaire Sa maladie le rend très faible. "Je ne peux aller dans le métro ou recevoir des proches s'ils sont malades, car je risque d'en mourir."

Pour s'enregistrer en tant que donneur volontaire, il est possible de s'inscrire en ligne. Ensuite, un test salivaire est demandé. "Cela permet d'établir la carte d'identité génétique du donneur potentiel et de savoir avec quel patient il est compatible. On préfère recourir à des donneurs de moins de 35 car plus susceptibles d'être en bonne santé. Cependant, il est possible de donner sa moelle jusqu'à 60 ans."

Un site internet officiel permet de s'inscrire pour devenir donneur volontaire. "C'est important d'avoir beaucoup de donneurs car il est difficile de trouver des personnes compatibles sur les registres. Plus on a de donneurs de toutes origines et tous âges plus la probabilité de trouver des donneurs compatibles augmente." L'importance de la diversité chez les donneurs est également un facteur important selon l'Agence de la Biomédecine.

"Beaucoup de donneurs sont de type caucasiens et il faut plus de variabilité dans les profils génétiques si l'on veut soigner le maximum de patients", avance le Dr Catherine Faucher, directrice du prélèvement et de la greffe de moelle osseuse au sein de l'agence. "On a besoin de chacun car un don peut sauver une vie. Plus on aura de patrimoines génétiques différents plus le registre s'étoffera. Nous avons aussi besoin de donneurs jeunes. Une personne qui s'inscrit sur le registre à 18 ans peut ensuite être rappelée plusieurs décennies après et c'est un plus pour les patients."

Selon l'Agence de la Biomédecine, 2 000 greffes ont été réalisées en France en 2023.

L'actualité "Société" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Paris Ile-de-France
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité