Témoignage. "On reste au milieu du cortège et quand ça charge, on repère les victimes"

Publié le Mis à jour le Écrit par Kévin Belbéoc'h-Dumarcet
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Facilement identifiables dans les cortèges des manifestations contre la réforme des retraites par leur tenue blanche et leur équipement, les street medics ou "soigneurs de rue" délivrent les premiers secours aux blessés pendant les échauffourées avec les forces de l’ordre. Paul*, Thomas* et Vincent* nous ont livré leurs motivations.

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Ce jeudi 23 mars, ces trois secouristes volontaires de Paris et de banlieue se sont retrouvés sur la place de la Bastille pour la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, au lendemain de la prestation télévisée du Président de la République qui n’a pas su convaincre. "Si on peut aider les gens, on le fait" confie Paul, qui a été convaincu avec Thomas par leur ami Vincent, "street medic" depuis déjà trois ans.

"J’ai voulu essayer, ça m’a plu et j’y ai pris goût" assure Vincent, qui travaille dans la sécurité et est détenteur d’un PSE1 (Premiers secours en équipe de niveau 1) depuis un an. "Il a fait plus d’une dizaine de manifestations" assure Thomas, qui ne cache pas sa confiance envers l’expérience de son ami en manifestation. "Il nous a expliqué ce que c’était, et on avait des bases en secourisme. On s’est dit, pourquoi pas", explique Thomas.

"Il nous a expliqué ce que c’était, et on avait des bases en secourisme. [...] On s’est dit, pourquoi pas"

Thomas

Jeune "street medic"

S’ils partagent ou non la cause des manifestants, leur première mission est de soigner les premiers blessés. "On reste au milieu du cortège et quand ça charge, on repère les victimes, on leur nettoie les yeux avec du sérum physiologique. Aussi, on regarde si personne n’est tombé avec le mouvement de foule".

Tout aussi essentiel, les conseils qu’ils prodiguent aux participants à la mobilisation. "Par exemple, se mettre à dos en cas d’explosion de grenades de désencerclement pour éviter de tout se prendre dans la tête ou se baisser et fermer la bouche en cas de gaz lacrymogène par exemple".

"Quand on voit les vidéos des gens qui se font, en parlant grossièrement, tabasser par les CRS, ça fait mal au cœur"

Paul

Jeune "street medic"

Selon Paul, les nombreuses vidéos virales des violences lors des manifestations ont été un déclencheur : "Quand on voit les vidéos des gens qui se font, en parlant grossièrement, tabasser par les CRS, ça fait mal au cœur, déclare-t-il. On se dit qu’ils sont laissés à l’abandon et ils finissent en garde à vue en sang. Nous sommes là pour les aider et les soigner si besoin" conclut Paul. Pour Thomas et Vincent, l’adrénaline durant les mobilisations, "provoquée par les charges des CRS" a participé à leur envie de se rendre dans les cortèges.

"La grenade de désencerclement lui a explosé dans la main"

Pour Vincent, le plus expérimenté des trois volontaires, une intervention lors d'une précédente manifestation sur la place de la République à Paris l’a particulièrement marqué : "un manifestant a ramassé une grenade de désencerclement et elle lui a explosé dans la main. Il n’avait plus de main. On a arrêté le saignement, on lui a mis un garrot avant de l’exfiltrer et de l’amener aux pompiers les plus proches". Avant de conclure, "les grenades et les LBD sont des armes qui peuvent tuer : ils ne devraient pas avoir le droit de s’en servir. Il y a beaucoup d’abus".

"Les grenades et les LBD sont des armes qui peuvent tuer : ils ne devraient pas avoir le droit de s’en servir"

Vincent

Jeune "street medic"

Au pied de la colonne de la Bastille où se massent les manifestants, les trois secouristes de rue - qui ont tenu à rester anonymes - nous décrivent leur équipement : une trousse de secours à la ceinture où on devine des ampoules de sérum physiologique et des pansements, deux extincteurs sur le dos, une radio pour communiquer, un casque pour se protéger des tirs de LBD et un masque pour aller au plus près des points chauds ainsi qu’un "garrot de fortune" : une ceinture et un stylo. "Nous avons notre équipement personnel et il faut tout de même avoir une formation aux premiers secours. Mais cela reste dangereux", explique Paul.  

Unanimes, ils insistent sur le fait qu’ils sont volontaires et "qu’aucune association" n’est derrière eux pour les accompagner ou les former.

(*) Les prénoms ont été modifiés.

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