Nous paysans : en Seine-et-Marne, un agriculteur-brasseur qui fait mousser ses céréales

Hubert Rabourdin perpétue la tradition familiale : être agriculteur-brasseur. Ses parents ont lancé une micro-brasserie en Seine-et-Marne qui prospère désormais. Leur crédo : utiliser au maximum des produits franciliens.

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Dans les années 2000, le pari était très audacieux : lancer une micro-brasserie dans un marché dominé par des brasseurs très importants et des consommateurs peu habitués à la consommation de bières locales. 20 ans exactement après la commercialisation de la première bière, le pari a été tenu.

"On a vendu la première dans la brocante du village, se remémore Hubert Rabordin, fils du fondateur de la brasserie éponyme. Une brasserie, c'est avant tout une grande cuisine. Notre première cuve de brassage était de 900 litres et on produisait 750 hectolitres par an". Rien comparé au volume actuel : plus de 10 fois plus.

À l'origine de cette aventure, un couple d'agriculteurs céréaliers de ce coin du centre de la Seine-et-Marne qui veut diversifier ses revenus mais aussi, retrouver du lien avec les consommateurs. "Le monde agricole céréalier pur était peu en contact avec le consommateur final. Il y a des intermédiaires avec des coopératives, des négociants, des transformateurs pour arriver au produit fini. Avec les produits du terroir, on va essayer de retrouver ce lien et créer de la valeur ajoutée, c'est un changement de mentalité", raconte leur fils qui exploite désormais l'exploitation.

Plus de 2 000 micro-brasseries en France

Lorsque ses parents se sont lancés, il n'existait en France, terre de vin, qu'une quarantaine de brasseries. Ils ont suivi une tendance venue des États-Unis : la création des micro-brasseries et des "craft beer", comprendre les bières artisanales. Depuis, l'idée a fait florès et il existe plus de 2 000 brasseries sur le territoire dont une centaine dans la région.

C'est en 2014 que le changement d'échelle a eu lieu. D'une micro-brasserie de taille encore modeste pour le secteur, l'agriculteur-brasseur décide de basculer vers une méthode plus industrielle tout en restant proche du village de ses origines et en déménageant dans un ancien site d'une coopérative céréalière devenu l'emblème de la brasserie. D'un salarié embauché par ses parents, ils sont désormais huit dans l'équipe. Les cuves sont là pour le rappeler. Ici, on produit des centaines de milliers de litres par an et le verre teinte sur la chaîne d'embouteillage.

Son exploitation céréalière s'est aussi développée. Sur les 350 hectares qu'il possède, Hubert Rabourdin cultive du blé, de l'orge de brasserie et des betteraves sucrières. "Un classique du bassin parisien", selon son propre aveu. Ce qui l'est moins, c'est le modèle adopté. "C'est un peu l'exemple du vigneron. Il va utiliser son raisin pour faire du vin, nous on va utiliser uniquement notre orge pour faire notre bière", détaille-t-il.

Bière au coquelicot

Côté fabrication de la bière, c'est désormais Samuel Crochu, un maître-brasseur venu de Belgique, qui s'occupe d'élaborer les nouvelles bières. "Nous sommes des cuisiniers-scientifiques. Il y a une grosse part de sciences mélangée à du créatif. Dans la bière, on peut mettre plus ou moins tout ce que l'on veut à part les ingrédients salés, et encore, certains le font et ça marche plutôt pas mal", détaille-t-il.

Dans cette brasserie, Samuel Crochu n'essaie pas de reproduire des bières belges (caractérisées pour certaines par de forts degrés d'alcool) mais plutôt de respecter le caractère local du produit. "C'est un challenge. On n'a pas forcément accès aux ingrédients dans tous les sens, on n'est pas une brasserie très exubérante. Si on fait une bière fruitée, l'idéal c'est que ce soit un fruit récolté en France. Du coup on ne peut pas faire une bière toute l'année. Notre modo, c'est de faire du grand public. Quand on a lancé une IPA, l'idée était de la faire accessible à quelqu'un qui n'en avait jamais bu et donc qu'elle ne soit pas trop amer", explique le trentenaire.

Parmi les prochaines nouveautés : une stout (une bière noire) ou une bière au coquelicot. "C'est compliqué à créer, ce n'est pas un arôme que l'on est habitué à goûter. Elle devrait sortir au printemps. Il ne faut pas qu'elle soit trop acide, on est sur quelque chose d'assez sucré, facile à boire, qui fait ressortir le goût de la fleur", indique Samuel Crochu.

Seule entorse dans ce processus, le houblon qui ne provient pas d'Île-de-France car il n'existe pas de houblonnière assez conséquente pour fournir une telle production, la plante vient donc d'Alsace. Mais Hubert Rabourdin réfléchit à lancer cette culture : "C'est assez cher, ce n'est pas dans le modèle céréalier. Mais la boucle serait bouclée".

 

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