Une semaine après que le parquet de Paris a demandé la fin de l'enquête dans une vingtaine d'affaires, les victimes de l'amiante se mobilisent. En Seine-Saint-Denis, l'ADDEVA 93 a organisé un rassemblement devant le Tribunal de Grande Instance de Bobigny en signe de protestation.
"Les victimes de l'amiante ne se laisseront pas voler le procès qu'elles attendent depuis 20 ans." Voilà le message qu'ont voulu faire passer les membres de l'ADDEVA (Association Départementale de Défense des Victimes de l'Amiante) 93 réunis symboliquement jeudi matin devant le tribunal de Grande Instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Etaient présentes des victimes, leurs familles, ainsi qu'Aline Archambaud, présidente du Comité de suivi de l'amiante au Sénat. Elles prenaient part à une vague de rassemblements organisée dans plusieurs régions.
"Un déni humiliant" de la souffrance des victimes
Le 28 juin, le parquet de Paris a demandé la fin des investigations dans une vingtaine de dossiers de contamination à l'amiante, ce matériau cancérogène interdit en 1997. L'institution judiciaire motive cette décision par l'impossibilité de déterminer précisément la date de l'intoxication. "Le diagnostic d'une pathologie liée à l'amiante fait la preuve de l'intoxication, mais ne permet pas de dater l'exposition ni la contamination", précise le parquet. De ce fait, impossible d'imputer la responsabilité à un justiciable.
Ce dernier retournement d'une affaire de plus 20 ans sonne comme une injustice pour les associations de victimes, qui dénoncent "un déni humiliant de leurs souffrances". "Dès la première fibre on peut tomber malade, et ce jusqu'à la dernière fibre", proteste Farouk Benouniche, l'un de leurs avocats (cabinet Michel Ledoux).
► VIDEO. Interview de Farouk Benouniche, avocat d'ADDEVA 93.
L'amiante responsable de 10 à 20% des cancers du poumon
L'abandon de l'instruction laisse craindre un non-lieu dans les affaires concernées. L'ANDEVA (association nationale à laquelle appartient l'ADDEVA) et la FNATH (Fédération Nationale des Accidentés du travail et des Handicapés) ont annoncé qu'elles contesteraient une telle décision en appel.
Selon les autorités sanitaires, l'exposition à l'amiante serait responsable de 10 à 20 % des cancers du poumon en France et pourrait provoquer jusqu'à 100 000 décès d'ici 2025. Malgré les risques, connus depuis le début du XXeme siècle, l'amiante a été largement utilisée pour ses propritétés physiques et son bas coût dans certains secteurs industriels, comme le bâtiment ou l'industrie automobile. Elle reste encore aujourd'hui présente dans d'anciennes constructions.
L'amiante, un risque reconnu tardivement en France
► 1906 : découverte de fibroses chez les ouvriers des filatures en contact avec l'amiante.
► 1931 : première réglementation, au Royaume-Uni, pour la protection des travailleurs exposés.
► 1945 : la fibrose liée à l'amiante est reconnue maladie professionnelle en France.
► 1977 : premières règles spécifiques de protection des travailleurs en France.
► 1996 : tournant judiciaire, l'ANDEVA porte plainte contre X pour "empoisonnement" et "atteinte à l'intégrité physique".
► 1997 : interdiction de la fabrication, de l'importation et de la commercialisation d'amiante.
► 2017 : abandon de l'instruction dans une vingtaine d'affaires.