REPORTAGE. Démantèlement de campements de migrants à Aubervilliers : "il n'y a pas eu d'évacuation à cause des JO, les habitants sont à bout"

À Aubervilliers, un campement illégal de migrants a été démantelé début juillet sur le canal Saint-Denis. La municipalité est revenue ce mardi sur les lieux de l'évacuation pour en tirer le bilan en présence de riverains du canal.

"On a vraiment le sentiment de pouvoir se réapproprier les lieux et de pouvoir se promener en toute sérénité. Avant, on était très vigilant et on faisait très attention de ne pas les provoquer. En même temps, quand on voit toute cette misère humaine et sociale et on se sent vraiment impuissant".

Laure, la cinquantaine, réside depuis une vingtaine d'années à proximité du canal Saint-Denis où régulièrement elle se promène avec son chien. Ce mardi, joggers et vélotafeurs se croisent sur ce segment de berge de plus de trois kilomètres qui rejoint au nord, Saint-Denis et au sud, le 19e arrondissement de Paris à hauteur du parc de la Villette. 

Il y a une semaine, sur les berges du canal, une cinquantaine de tentes occupées majoritairement par des migrants, mais aussi par des toxicomanes - des consommateurs de crack -a été délogée par les forces de police. Depuis, sous le pont de Stains qui enjambe le canal, de grosses briques en forme de Légo s'alignent sur la chaussée. Du mobilier urbain "dissuasif" selon la municipalité d'Aubervilliers. Le canal est par ailleurs inspecté régulièrement par des forces de police, assure la mairie. 

"Les habitants n'ont pas à vivre ça !"

L'opération d'évacuation du 17 juillet a été "complexe" expose la municipalité, car il y avait ici "un mélange de crackers et de migrants". L'action menée par les autorités - l'Etat et la collectivité - vis à vis de ces différentes populations, tient à la fois du "solidaire, du sanitaire et du sécuritaire". Concernant les migrants, des transports vers des Sas d’accueil temporaire régionaux ont été proposés, mais très peu acceptés au dire des associations humanitaires. D'autres migrants ont reçu des propositions de placement dans des centres d’accueil et d’études de situation d’Île-de-France. La population des toxicomanes a, quant à elle, été dispersée. 

Ce mardi, Karine Franclet, la maire UDI d’Aubervilliers a invité des élus de quartiers de son équipe municipale, des membres-habitants des conseils de quartiers, a "déambuler", le long du canal pour tirer "le bilan" de cette évacuation. "Il y a eu cette opération en juillet parce qu'on est monté au créneau en disant 'fallait qu'elle se fasse absolument maintenant'. Les habitants sont à bout."   

Le démantèlement des tentes à Aubervilliers a aussitôt été qualifié par des associations humanitaires et d'aide au migrants de "grand nettoyage social avant les JO". Plusieurs de ces associations se sont d'ailleurs donné rendez vous jeudi à Pont de Stains pour dénoncer ces expulsions avant l'ouverure des Jeux.

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 Aujourd'hui, la maire d'Aubervilliers balaie les critiques. "JO ou pas JO, j'mens fous ! J'ai demandé au préfet, face à la détresse des habitants, de ne pas décaler cette opération en septembre. Ils n'ont pas à vivre ça ( .. ) s'il n'y avait pas ces actions, ça serait encore pire, c'est pour ça qu'on reste extrêmement déterminé."

"Il y a une colline du crack qui est en train de se recréer"

Lors de la "déambulation" sur le canal, l'élue est interpellée par des riverains. Cécile, habitante d'Aubervilliers, mère de deux enfants, témoigne, presque en larmes. "Moi, je suis maman, je vois des situations sur le chemin de l'école qui sont insoutenables traumatisantes. Je vois des fumeurs à côté de policiers qui n'agissent pas. Il y a une colline du crack qui est en train de se recréer à côté de chez nous". Cette mère de famille qui réside à cinq cents mètres de là un peu plus haut sur le canal à la lisière de Paris, explique qu'un camp de toxicomanes s'est installé dans une zone appelée "la Forêt linéaire" située sur le territoire du 19e arrondissement de Paris, en bordure du canal Saint-Denis et du bassin d'Aubervilliers.

Isabelle (prénom d'emprunt), une autre riveraine, confirme et livre son analyse : "Ici, sur le canal, ils ont déplacé les gens dans des foyers, mais comme la 'Forêt linéaire' n'est pas visible par rapport aux JO, on laisse faire". Dernièrement, cette riveraine a rejoint un collectif d'habitants qui a pris le nom de Rosa Craque "un jeu de mots avec Rosa Parks qui est le métro. Rosa Craque parce qu'on craque vraiment".

Karine Franclet se remémore les suites du démantèlement du square Forceval en 2022, un espace vert situé porte de la Villette où plusieurs centaines de toxicomanes s'étaient installées. "Après cette évacuation, il y a eu des résurgences à différents endroits, même s'il y avait toujours des accompagnements par des structures associatives. Ça s'est par exemple produit cet hiver au niveau de la Forêt linéaire. Il y a eu un arrêté anti-regroupement dans ces zones, ce qui a permis à la police de pouvoir faire des dispersions. Malheureusement, à partir de mars/avril, ça a recommencé et là, il y a vraiment un camp qui s'est installé mélangeant à la fois des crackers et migrants".

Pressée par les riverains de trouver une solution, la maire tente de rassurer et évoque dans les prochaines semaines une "démarche positive" auprès du maire du 19e arrondissement. "On sait que la solution perenne, ce n'est pas nous qui l'avons ( ...) Il faut qu'on se réunisse là-dessus et qu'on ne se renvoie pas la balle entre territoires. Je pense qu'on est confronté tous à la même problématique. Il faut qu'on avance ensemble."

 

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