TEMOIGNAGE. "Nous sommes là pour accompagner les jeunes et leur permettre de se réinsérer dans la société", les éducateurs de la PJJ en grève

Les personnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse appellent à une nouvelle mobilisation jeudi. Ils demandent davantage de moyens pour accompagner les adolescents au quotidien. Des éducateurs ont accepté de nous raconter leur quotidien auprès des jeunes en quête de repères et de réinsertion.

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"C'est avant tout un métier humain." Lorsque Louise évoque son métier qu'elle exerce depuis 7 ans, elle le fait avec passion. Elle est éducatrice spécialisée au sein d'un foyer de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) en Île-de-France. "Nous accueillons des enfants et adolescents qui sont en attente de jugement pour des délits ou des crimes", explique-t-elle.

"Beaucoup d'entre eux restent chez nous pendant 6 mois. Ils sont placés par un juge d'instruction ou le juge des enfants et nous les gardons jusqu'à la fin de l'ordonnance de placement", indique Louise, membre du Syndicat National des Personnels de l'Education et du Social-PJJ (SNPES-PJJ).

"Notre mission est d'accompagner ces adolescents qui ont commis un crime ou un délit. Il y a un accompagnement judiciaire mais pas seulement. On est là également pour les écouter, leur fournir un suivi psychologique et leur permettre de mettre en place un projet scolaire ou professionnel." S'il n'existe pas de journée type pour les éducateurs, il y a tout de même des rituels journaliers pour les jeunes.

"On essaye de maintenir des horaires communs pour les réveils, les repas et le coucher. Cela leur permet d'apprendre la vie en collectivité. C’est une donnée compliquée pour eux car ils ont perdu confiance en eux, envers le système et bien souvent envers les autres. Le fait de passer par des rituels leur permet de reprendre des repères qui leur serviront ensuite dans leur projet de vie."

Un suivi spécifique pour chaque adolescent

Les adolescents peuvent être placés en foyer à partir de 13 ans jusqu'à leurs 18 ans. Si la plupart y restent pendant 6 mois, d'autres peuvent avoir besoin d'un suivi plus poussé. "Cela dépend des cas. Pour certains, ils ont surtout besoin d'une aide judiciaire. D'autres viennent de familles aux histoires difficiles donc il y a tout un travail de reconstruction sociale à faire", indique Louise. "Dans notre foyer, nous avons un adolescent de 18 ans qui est avec nous depuis ses 15 ans. Lorsqu'il est arrivé, nous avons dû tout reprendre avec lui y compris le langage. Il a fallu l'aider à s'exprimer sans vulgarité. Nous avons également dû gagner sa confiance pour qu'il accepte d'évoquer son passé familial avec nous."

Pour Louise, la confiance des jeunes s'obtient à travers un suivi personalisé de chacun. "C'est essentiel mais de plus en plus difficile à mettre en oeuvre car on manque d'effectifs. Parfois, on se retrouve seul pour gérer 15 jeunes. Pour nous, c'est compliqué physiquement et moralement. Pour eux, c'est une perte de repères car ils ont besoin de se sentir écouté et d'avoir des temps individuels avec nous", commente Louise. 

Les jeunes accompagnés tout au long de la procédure judiciaire

La PJJ s'organise en plusieurs métiers complémentaires les uns avec les autres. Si les éducateurs en foyer s'occupent des jeunes après leur placement, les éducateurs en milieu ouvert se chargent de les suivre durant toute la procédure judiciaire. "Nous les prenons en charge après leur garde à vue et jusqu'à l'audience", précise Clémentine Petit, co-secrétaire départementale SNPES-PJJ de la Seine-Saint-Denis.

Éducatrice en milieu ouvert depuis 3 ans, elle gère les dossiers de 24 mineurs. "Notre mission est d'assister la magistrature dans les décisions judiciaires. Nous travaillons avec les jeunes sur leur rapport aux faits et orientons leur placement en fonction de leurs besoins", détaille-t-elle. Leur rôle est également de préparer les mineurs en vue de l'audience.

"Nous cherchons à comprendre pourquoi ils ont agi ainsi, s'il s'agit d'une récidive ou d'un premier délit afin qu'ils soient prêts le jour de l'audience." Dans le cas d'une détention provisoire, Clémentine Petit et ses collègues sont sommés d'assurer le lien entre les jeunes et leurs familles. "Ensuite, nous sommes là pour préparer leur réinsertion. Cela passe par des sorties lorsqu'ils sont en détention et des activités à l'extérieur pour ceux qui sont en foyer."

L'objectif pour l'éducatrice est "d'éviter la récidive et de leur permettre d'aller au bout de leur projet de réinsertion. De leur faire découvrir des systèmes qui fonctionnent pour eux. Ils ne connaissent souvent qu'un cadre familial défaillant ou bien l'abandon. On leur montre qu'autre chose est possible pour eux. Nous pensons qu'ils méritent tous une seconde chance."

Un secteur en crise

Aujourd'hui, la PJJ est un secteur public en manque de moyens selon le SNPES-PJJ, regrettant que de nombreux contractuels n'aient pas été renouvelés au 1er septembre. "Nous faisons appel à beaucoup de contractuels sur des périodes courtes car on peine à recruter. Pour les jeunes, ce n'est pas l'idéal car ils s'attachent et prennent des repères avec certains éducateurs qui partent sans avoir le temps de leur dire 'au revoir'. Cela peut être traumatisant pour eux", assure Clémentine Petit.

En France, la PJJ emploie au total 9.763 personnes, dont 2.273 contractuels, selon des chiffres de 2023 du ministère de la Justice. Les éducateurs suivent près de 137.000 enfants et adolescents, des mineurs délinquants le plus souvent en grande difficulté.

Les syndicats estiment qu'en Île-de-France 1000 à 1500 jeunes sont en attente d'une prise en charge par les services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. "Ce sont souvent des adolescents qui n'ont pas confiance en eux et qui craignent le système. Nous avons besoin de temps et d'assez de personnel pour pouvoir leur proposer un accompagnement adapté à leur situation individuelle", ajoute-t-elle.

Ce jeudi, les personnels de la PJJ appellent à la grève. "Nous demandons plus de moyens humains pour pouvoir faire notre métier correctement", affirme Maria Laxalte, co-secrétaire régionale Île-de-France du SNPES-PJJ. 

Les syndicats demandent également un rééquilibrage des budgets entre les structures ouvertes et les centres fermés. "Par exemple, un budget de plusieurs millions d'euros a été alloué à l'ouverture d'un centre fermé en Seine-et-Marne. Ces centres ne peuvent accueillir que 12 à 20 jeunes et ne les accompagnent seulement sur la fin de leur parcours judiciaire. Il faut que des investissements soient aussi mis en place dès le début de leur prise en charge", indique Maria Laxalte.

Le garde des Sceaux démissionnaire, Eric Dupond-Moretti, a demandé de son côté "un état des lieux précis" et confié une mission d'évaluation à l'Inspection générale de la Justice (IGJ) sur le pilotage des effectifs de contractuels et de la masse salariale à la PJJ en 2024.

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