L'Île-de-France était, au 18ème siècle encore, le plus grand vignoble de l'Hexagone. Un vin destiné à Paris, qui était moins alcoolisé et plus aigre que celui d'aujourd'hui. A l'heure des vendanges, plongée dans les cépages d'antan...
Le milieu du 19ème siècle a vu s'éteindre presque intégralement les vignes franciliennes. Pourtant, un siècle plus tôt, la région était encore la plus importante en France avec 42.000 hectares consacrées à la vigne (il y en a 30.000 aujourd'hui en Bourgogne). Du rouge comme du blanc.
Un vin moins alcoolisé
"Il existait plusieurs cépages, comme ceux de la famille du pinot pour le vin rouge ou du gouais pour le blanc. Il s'agissait de cépages hybrides, on les appelait le piccolo, le ginglet", explique Emmanuel Monteau, conseiller vitivinicole. "Il y avait de nombreux vignerons à l'époque et le vin était essentiellement destiné aux clients locaux. Comme le vin était taxé à son arrivée à Paris, ils allaient guincher à l'extérieur."Le vin, tel qu'il était à cette époque, était très différent de celui d'aujourd'hui. D'abord il était moins alcoolisé, autour de 10,5 degrés, cela notamment dû au fait qu'ils étaient moins sucrés. "C'était de l'aigrelet, à consommer le plus rapidement possible. Il était vinifié par les abbayes de Saint-Germain et Saint-Denis", poursuit Emmanuel Monteau.
Les ravages du phylloxéra
Les cépages anciens, des cépages hybrides, étaient très résistants aux maladies. Mais l'arrivée d'un virus dans les années 1860 va décimer les cultures. "Le phylloxéra est un acarien venu des États-Unis, il pique la racine du pied de vigne et lui injecte un virus", explique le spécialiste.Pour y faire face, les vignerons vont acheter des porte-greffes américain sur lesquels ils vont mettre leurs cépages. Mais à côté du virus, d'autres facteurs vont provoquer un lent déclin des vignes franciliennes : "Certains vins contenaient de l'éthanal et du méthanol. C'était de mauvais vins dangereux pour la santé. Le baco rouge a été interdit, par exemple. L'arrivée du chemin de fer a aussi été décisive. Lors de la Première Guerre mondiale, les soldats recevaient des vins du Sud. Ils se sont habitués au goût."
L'impact du réchauffement climatique
Le réchauffement climatique change la donne pour les vins franciliens. Il apporte un ensoleillement plus important dans la région et favorise le sucre dans les raisins, ce qui permet de plus alcooliser les vins.La ville de Suresnes a été pionnière dans sa volonté de replanter des vignes, qui datent de 1984. De nombreuses autres communes, associations ou même particuliers l'ont suivi dans ce projet. Il existe aujourd'hui 200 parcelles cultivées en Île-de-France (contre 130 en 2001). "De gros acteurs, avec d'importants moyens, investissent. C'est sûr, il y a un intérêt dans le terroir francilien. Avec le réchauffement climatique, ils se disent que cela peut valoir le coup,, affirme Emmanuel Monteau. Depuis 15 ans, ce dernier cherche à créer une IGP, une appellation géographique protégée, francilienne. Selon lui, déjà de très bons vins sont à trouver dans le Val-d'Oise, comme à Taverny ou à Pontoise.
Et quand on lui demande quel sera le futur du vin francilien, ce dernier n'est pas forcément optimiste : "Il sera soit identitaire soit commercial."