Témoignage. Mort de Steve à Nantes. Morgane, sa meilleure amie, a peur "que justice ne soit pas faite" lors du procès du commissaire Chassaing

Publié le Écrit par Séverine Bourgault

Elle ne sera pas présente lors du procès pour homicide involontaire du commissaire Grégoire Chassaing, qui s'ouvre lundi 10 juin à Rennes, cinq ans après la mort de Steve Maïa Caniço. Mais comme tous les jours depuis ce 21 juin 2019, Morgane Colinet, sa meilleure amie, pensera à lui.

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C'est la première fois qu'elle accepte à nouveau de témoigner, après quatre ans de silence. Morgane Colinet vit aujourd'hui loin de Nantes, à Sarlat-la-Canéda, en Dordogne. Steve Maïa Caniço était son meilleur ami et elle n'assistera pas au procès du commissaire Chassaing, qui s'ouvre ce lundi 10 juin, à Rennes. Pour autant, elle attend ce procès pour faire son deuil.

Vous ne serez pas présente à ce procès, mais qu'en attendez-vous ?

Que justice soit faite, qu'il y ait une sanction. En fait, c'est une réponse que j'attends, parce qu'il n'y a pas de réponse depuis cinq ans. Ça fait cinq ans que j'attends de pouvoir faire le deuil de mon meilleur ami.

Tant que "l'affaire Steve Maïa Caniço" ne sera pas jugée, on en parlera tout le temps. Comment s'est passée cette soirée, qui a fait quoi, à quelle heure, pourquoi... Chaque année, à l'approche du mois de juin, je sens déjà l'angoisse qui monte en moi.

Ce que j'aimerais, quand je pense à Steve, c'est ne me souvenir que des bons moments passés avec lui, mais il y a toujours quelque chose qui me ramène à ce qui s'est passé ce soir-là.

Dans quel état d'esprit allez-vous suivre ce procès depuis chez vous ?

La colère ? Il y en aura toujours. La tristesse ? Elle est forcément là... C'est plutôt un mélange d'angoisse et d'appréhension sur ce qui va se passer.

J'ai peur que justice ne soit pas faite et pour être tout à fait honnête, je n'ai pas vraiment d'espoir de ce côté-là. J'ai le sentiment que ce seront toujours "eux" les gagnants.  

À l'époque, vous aviez du mal à parler de Steve au passé, est-ce toujours le cas ?

Oui, encore aujourd'hui. C'est un peu flou, je mêle un peu le passé et le présent. Ça fait tellement longtemps que je ne l'ai pas vu que j'en parle forcément au passé, mais il y a encore des moments où effectivement, je parle de Steve au présent. C'est pour ça aussi que j'attends de ce procès une réponse qui sonne comme une fin. Et pour moi, le début d'autre chose. 

Vous participez toujours à des free-party ?

J'y vais beaucoup moins souvent qu'avant, parce qu'il y a le travail et qu'en vieillissant, on n'a plus la même énergie, mais oui, j'y vais toujours. Et même dans le Sud-Ouest, où j'habite maintenant, ça arrive souvent d'entendre des hommages faits à Steve, pour dénoncer les violences policières. Et même sans que ça soit dit, on sait qu'il y a des hommages qui sont faits à Steve, juste à travers la musique.

Depuis ce qui est arrivé ce soir-là, certains ont peur d'aller en free-party. Ça n'existait pas ça avant, personne n'avait peur d'aller en free-party ! Maintenant, oui, la peur de la police, elle est là. Elle est clairement là.

Vous avez quitté Nantes peu après le drame. Vous y êtes retourné depuis ?

À Nantes-même, non, je n'en suis pas capable. Ça m'arrive de retourner voir des amis qui vivent à côté de Nantes, et c'est déjà un peu dur. Surtout que pour y aller, je dois passer devant le Quai Wilson... et c'est un moment toujours pénible à passer.

Ce n'est pas fuir mes souvenirs, c'est fuir cette soirée-là, qui m'empêche justement de me souvenir de lui comme je veux, comme quand on dansait et qu'on pleurait parce qu'on trouvait que la musique était belle. C'est comme ça que je voudrais me souvenir de Steve.

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