TEMOIGNAGES. Deuil périnatal : "Accepter et ne pas y penser ? C’est impossible", ils ont vécu la mort d'un enfant

A l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal, le 15 octobre dernier, Olivier, qui a perdu un enfant peu après la naissance, et Laëtitia, dont les jumelles sont mortes in-utero, s'étaient confiés à nous. (Article initialement publié le 15 octobre 2021).

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En 2009, Olivier perd sa fille Lisa. Son enfant décède après la naissance. C’est le premier enfant de sa nouvelle compagne. 

"L’accouchement se passe mal. Lisa est rapidement acceptée aux urgences pédiatriques, à Nantes. Elle avait fait un arrêt cardiaque et manqué d’oxygène…"

Olivier raconte posément : "les conséquences auraient été terribles si l’on avait fait de l’acharnement. Imagine, ta fille, elle est là, tout mimi dans son berceau, branchée de tous côtés certes".

Je l’ai tenue pendant 15 heures dans mes bras jusqu’à son dernier souffle

Olivier, papa de Lisa

"Á un moment, il a fallu se résoudre à la laisser partir… poursuit-il, c’est d’une très grande violence. Personne n’est préparé à cela. Tu n'es pas là pour ça, en tant que père, tu n’es pas là pour donner le top départ de son décès, tu es là pour protéger ton enfant".

"On avait de l’appréhension, mais tellement envie d’y croire"

Pour Laëtitia, c’était il y a six ans, la date reste gravée : le 27 octobre.

"Avec mon mari, on attendait un petit troisième. Je suis tombée enceinte de petites jumelles. Malheureusement, elles étaient dans la même poche. Il y avait un risque d’enchevêtrement des cordons donc j’étais très surveillée, raconte Laëtitia, on m’avait averti des risques. Mais je me voyais déjà très bien avec mes 4 enfants, mon mari, mes enfants, eux aussi se faisaient une joie d’accueillir les petites jumelles".

On avait de l’appréhension, mais tellement envie d’y croire

Laëtitia, maman de Chloé et Romane

"Lors d’une échographie de contrôle, vers 7 mois, on me dit qu’une des deux est décédée, alors je leur ai dit : "Vite, sortez l’autre". Comme elle était dans une trop grande prématurité… ça n’a pas pu se réaliser".

"Pendant longtemps, je ne pouvais pas l’extérioriser"

Les étapes du deuil périnatal par lesquelles les parents peuvent passer ? Sidération, déni, cauchemar, l’annonce a un effet dévastateur.

"Je ne sais pas ce que signifie "faire le deuil", dit Olivier, "accepter et ne pas y penser ? C’est impossible". 

Laëtitia a la chance d’exprimer facilement ce qu’elle ressent, mais elle assure que son métier d’aide-soignante lui a été difficile après. Elle manquait de compassion. Elle se reconvertit, à 35 ans, en assistante maternelle.

"La colère était toujours au fond de moi. Pendant longtemps, je ne pouvais pas l’extérioriser, j’en voulais aux femmes enceintes. Je ne supportais pas de croiser des mamans avec des jumeaux. Et puis la culpabilité : ai-je fait quelque-chose la veille ?" Elle se souvient également de moments intenses. 

"Je n'y pense pas seulement le jour du deuil, j’y pense n’importe quand, dit Olivier, avant la thérapie, ça me tombait dessus comme ça, n’importe quand…Je me souviens d’une fois, en scooter, je rentrais chez moi, un soir, c’est revenu dans ma tête et je me suis mis à chialer dans mon casque".

"Quand on essaye d’en parler, les gens se ferment"

Tous deux ont été suivis par des psychologues, mais ce qui a le plus aidé Laëtitia, c’est l’écriture.

Ecrire mon histoire pour poser les choses et ne pas oublier

Laëtitia

"Un cas sur 7 000, c’est beaucoup, me rendre compte qu’on est si nombreux a été un soulagement, confie Laëtitia, un jour, au travail,  je rencontre une dame. Elle me dit, c’est fou, j’ai vécu la même chose et je n’en avais jamais parlé. C’était il y a 40 ans !"

Une fois le drame passé, souvent, les parents restent vides, seuls. Le sujet est tabou. Certains parents endeuillés se plaignent parfois de leur entourage, qui n’entend pas la souffrance…

"Quand on essaye d’en parler, les gens se ferment" raconte Laëtitia.

Selon Olivier, l'écoute est primordiale : " C’est le cauchemar de tout parent. Imaginer la chose est trop douloureux pour eux. Et pour ceux qui ne sont pas parents, c’est sans doute impossible. Il est difficile d’en parler parce qu’on n’a pas envie de leur faire vivre cette violence. Alors, on se confie, oui, ils écoutent oui, mais on n’entre pas dans les détails les plus sombres de ce que l’on a vécu ou de ce que l’on ressent encore. On veut protéger notre entourage de cette violence qui nous a assaillis ce jour-là."

On se confie un peu, on y pense, on pleure… Raconter cela, c’est tellement indicible ce genre de chose que si tu te confies à quelqu’un de proche, tu le casses

Olivier

Dans certains cas, la réaction de l’entourage peut s’avérer préjudiciable.

"On a du mal à en parler à l’entourage parce qu’on ne veut pas le faire souffrir"

Alors que dire aux parents qui ont vécu un tel drame ? Selon Olivier, il ne faut "surtout pas rajouter de la douleur à la douleur des personnes endeuillées qui ont déjà du mal à s’en sortir. Quand on vient de vivre un drame, on n‘est pas disponible pour entendre parler du drame des autres. L’ami qui vient et qui, sans doute pour se protéger, se met à parler de ce qu’il a vécu lui-même est inaudible, inutile. Mais que dire ? C’est vrai que ce n’est pas facile pour l’entourage".

Laëtitia conseille de "ne pas hésiter à poser des questions aux parents en deuil". De dire "Ah, je ne savais pas" et écouter, " car nos enfants doivent exister".

Mais certains proches peuvent prononcer des phrases vécues de façon terrible par les parents : "Vous êtes jeunes, vous en aurez d’autres", "C’est pas grave",  comment entendre ces mots pour les parents qui font le deuil de ce bébé qu’aucun autre enfant ne remplacera.

La mort fait peur, à croire qu’elle pourrait être contagieuse

Olivier

Olivier se remémore, "après, le retour au boulot, je me suis senti décalé. Je revenais de l’enfer, non, j’y étais toujours… J’avais un brouhaha autour de moi et qu’une envie : rejoindre ma femme et la prendre dans mes bras".

Si certains couples n’y survivent pas, beaucoup restent ensemble et en ressortent plus soudés. Pour Olivier ça a été un ciment.

"Il y a des moments comme ça où l’on se soutient"

Laëtitia a éprouvé le besoin de témoigner lors d’un café rencontre organisé par l'association Agapa, il y a deux ans.  "Venir dire qu’une collègue m’a énormément aidée, en m’offrant par exemple, un collier avec le Chloé et Romane inscrit sur le bijou. Mes filles ont existé".

Cette mort dans mes bras, c’est toujours triste, mais je peux en parler

Olivier

"On se dit qu’on n’est pas seul, temoigne Olivier qui s'est tourné vers l'association nantaise Petite étoile, je me souviens d’une séance où ma femme n’était pas avec moi. "Où j’ai dit aux autres femmes autour de la table, "Marie-Laure est maman, alors je vais lui faire un cadeau de fête des mères". J’ai senti que pour toutes ces femmes, c’était important. Il y a des moments comme ça où l’on se soutient. Il y a des psychologues aussi, j’ai pratiqué l’EMDR (Eye movement desensitization and reprocessing, NDLR) et ça a désamorcé.

Depuis Laëtitia a eu un autre enfant dans les années qui ont suivi. Olivier également, aujourd'hui, si on lui pose la question, il dira avoir eu 4 enfants. Laëtitia, 5. Avec un sourire, elle dit : "On avait très envie d’un autre enfant, c'était un besoin de prendre une revanche sur la vie. Elin est là, elle aura 5 ans, en décembre prochain" mais Laëtitia tient à ajouter qu’elle ne remplace pas ses filles qui ont bien existé.

Il lui reste aujourd'hui des clichés de ses jumelles prises par la sage-femme au moment de l'accouchement.  "A l'époque, nous trouvions cela glauque de prendre des photos mais avec du recul je regrette que nous ne l'ayions pas fait. Heureusement, l’association Souvenange a pu rectifier les clichés pris par la sage-femme. C'est important de montrer ces clichés à notre entourage..."

►Prochain café-rencontre, autour du deuil périnatal, en partenariat avec Association Petit à petit le 16 octobre, à Angers. Inscription gratuite.

 

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