La non-binarité, c'est le fait de se sentir ni homme, ni femme mais entre les deux. 13 % des Français ne se reconnaitraient pas dans la définition 'homme/femme". Nous sommes allés à la rencontre de trois jeunes non-binaires nantais qui se confient sur leur existence.
Iels c'est ainsi que se définissent quatre jeunes que nous avons rencontrés.
Ni il, ni elle
Mathuringx a 19 ans. Un caractère bien trempé et un style très soigné.
"Selon la société, je peux avoir des habits très masculins et très féminins mais ce n'est pas ça qui va déterminer mon genre et comment je me sens en fait, je me sens non-binaire".
Il y a deux ans, Mathuringx a réalisé qu'iel ne se sentait ni comme un homme, ni comme une femme.
J'étais triste quoi, j'étais vraiment pas bien. Je ne faisais pas grand chose de mes journées, je restais dans ma chambre.
Mathuringx Evanno19 ans, en service civique
"J'ai arrêté la fac tout ça, je me suis renseigné.e énormément sur les réseaux sociaux et au fur et à mesure, je me renseignais, je me renseignais, et j'ai vu le terme 'non-binaire', explique Mathuringx. En voyant ce terme, en voyant la définition et en voyant des personnes qui se considéraient comme non-binaires aussi, je me suis dit : ah mais en fait, c'est sûrement moi. Et en fait, ça me convient et en découvrant ça, petit à petit, je me suis rendu compte que j'étais beaucoup plus épanoui.e et heureux.se"
Pour ses parents, la nouvelle a d'abord été déconcertante. Difficile pour eux de s'adapter.
"On en a parlé beaucoup entre nous pour qu'on utilise les iels, les termes justes mais ce n'est pas si simple que ça, raconte le papa de Mathuringx. La non-binarité, je ne savais pas trop ce que c'était. La différence entre le genre et le sexe, c'est une complexité que je ne connaissais pas."
"On en a parlé avec Pascale (la maman de Mathurin), ça ne change pas l'amour qu'on a pour Mathurin", poursuit-il.
Je suis très très fière de lui parce que je trouve que c'est quelqu'un d'épanoui qui assume bien
Pascale EvannoLa maman de Mathuringx
"Il est en accord avec ce qu'il est, rebondit Pascale, dans un équilibre qui est fort et ça, ça me procure beaucoup de plaisir et beaucoup d'admiration pour elle/lui".
Sa grande sœur a toujours été d'un soutien infaillible.
"Dès que tu vas parler de ton adelphe, ça va être une discussion de cinq minutes pour expliquer aux gens, peut-être qu'ils ne comprennent pas. Après ils vont te parler bizarrement, explique Maud. Adelphe, c'est le terme épicène pour frère/soeur, c'est le terme non genré".
"Le français c'est une langue vivante, le but d'une langue vivante, c'est d'évoluer"
Hannah travaille dans une association qui accueille les mineurs migrants isolés. Pendant son temps libre, iel explique les ressorts de la non-binarité sur les réseaux sociaux.
"Le plus simple c'est d'imaginer une ligne avec deux pôles bien définis, par exemple le pôle femme et le pôle homme, explique la jeune femme. Avec la non binarité, tu vas sortir de ces deux extrémités, tu vas pouvoir être au milieu, à plusieurs places, à l'extérieur, tu vas pouvoir même bouger constamment".
Ni il, ni elle. Pour désigner une personne non-binaire, le pronom iel est souvent de rigueur.
"Les gens me disent que ce n'est pas du vrai français aussi, dit Hannah. Je trouve que le français c'est une langue vivante, le but d'une langue vivante, c'est d'évoluer".
Genrer, c'est juste utiliser les mauvais pronoms pour une personne
HannahMilitant·e, page Instagram Endolorix
"Il n'y a pas réellement de sentiment prédéfini face à ça, poursuit Hannah. Même si généralement, du coup, ça tend plus vers quelque chose de négatif parce qu'on nie quand même l'identité de quelqu'un, surtout quand c'est fait volontairement".
Paulin.e n'aborde plus le sujet avec ses collègues
Difficile pour ces personnes de faire accepter leur identité à la société, d'autant plus que dans le droit français, les citoyens sont catégorisés en deux sexes.
"Sans parler de discrimination, le fait que les personnes non-binaires ne soient pas reconnues à l'état civil peut conduire à ne pas favoriser l'inclusion de ces personnes dans la société, explique Jimmy Charruau, docteur en Droit public, enseignant-chercheur à l'Université d'Angers. En revanche, le droit n'ignore pas la situation de ces personnes. Par exemple, l'ancien ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, avait rédigé une circulaire qui prévoyait que l'administration scolaire et les enseignants doivent prendre en compte le changement de prénom d'une personne non binaire qui voudrait changer pour un prénom mixte dès lors que les parents ont exprimé leur accord".
Pendant le confinement Paulin.e, 30 ans, a pris conscience de sa non-binarité. Ingénieur.e chimiste, iel n'aborde plus le sujet avec ses collègues.
"J'ai complètement capitulé, les quelques personnes à qui j'ai osé le dire ne l'ont pas compris, déplore-t-iel. Elles continuent à me mégenrer en permanence alors que je leur ai expliqué que je ne veux plus être appelé.e comme une fille. Donc je n'ai même pas essayé de le dire aux autres collègues"
Voilà, je suis comme je suis, mes collègues m'acceptent en étant un peu garçon manqué, sauf que je ne suis pas un garçon manqué, je ne suis pas manqué.e
Paulin.e FilibertiChargé·e de suivi réglementaire en froid industriel
C'est dans une association de soutien aux personnes LGBT+ que Paulin.e a trouvé du soutien. Iel y retrouve ses amis Hannah et Chris.
S'accepter, sans se soucier du regard des autres
Je me baladais dans Nantes, je croise des enfants avec leurs parents et une fois que je les croise, que je suis dos à eux : Maman, c'est une fille ou un garçon ?
Paulin.eChargé·e de suivi réglementaire en froid industriel
"A Nosig (centre LGBT + de Nantes), on nous dit que c'est nous qui définissons ce qu'on est et ça c'est vachement cool parce que du coup, on peut arriver en disant : bah je suis non binaire, explique Paulin.e, Et toi, tu vas dire : je suis gender fluid et personne ne va le remettre en question et ça c'est top."
Et si demain tu dis : en fait, ce n'est pas moi, j'ai changé, et bah c'est pas grave et franchement c'est trop top.
Paulin.eChargé·e de suivi réglementaire en froid industriel
Quand Violette Cordaro les accueille à l'association Nosig, elle les encourage à s'accepter, sans se soucier du regard des autres.
"Quand on rencontre une personne, instinctivement, on essaye de catégoriser Homme/Femme, explique-t-elle. Mais à partir du moment où on ne les catégorise pas, ça gêne donc ils vont demander souvent : mais t'es quoi, t'es un mec, t'es une nana ? Et quand on leur répond : ben en fait ni l'un ni l'autre, je suis iel, je suis non binaire, les gens sont vraiment déstabilisés".
Il faut que la société puisse se dire que chacun va être qui il veut et ce n'est pas gênant. Finalement, ce n'est pas grave.
Violette CordaroPrésidente de Nosig, centre LGBT+ de Nantes
Tous.tes gardent l'espoir d'être reconnu.es officiellement comme non binaires par l'Etat français. Ailleurs en Europe, au moins cinq pays reconnaissent déjà l'existence d'un genre neutre.