La SNSM sur le banc des accusés dans le procès qui s'est ouvert ce mardi 2 avril au Havre, après le naufrage du chalutier Breiz survenu en janvier 2021 au large du Calvados. Le capitaine du canot de la SNSM chargé du remorquage fait notamment partie des prévenus. Une judiciarisation qui inquiète les bénévoles de la SNSM.
Le naufrage du chalutier Breiz avait coûté la vie à trois marins le 14 janvier 2021 au large de Lion-sur-Mer, dans le Calvados.
En novembre 2022, les cinq membres de la SNSM ayant participé au remorquage avaient été placés en garde à vue dans le cadre d'une enquête pour homicide involontaire.
L'émotion avait alors été vive chez les sauveteurs de la SNSM. Notamment dans la région ou les sauveteurs de Vendée et de Loire-Atlantique s'étaient symboliquement mis en "indisponibilité".
Les sauveteurs de la SNSM avaient pourtant été mis hors de cause par le bureau d'enquêtes sur les événements en mer. Le B.E.A. avait estimé que la cause du naufrage était "le manque d'expérience des pêcheurs et la surcharge du bateau".
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Ils se retrouvent pourtant aujourd'hui devant la justice.
Un silence assourdissant
Au Pôle de formation de la Société Nationale de Sauvetage en Mer à Saint-Nazaire on forme depuis 2021 les futurs chefs de bord, c’est-à-dire les patrons de vedettes et semi-rigides qui prennent la mer pour secourir les autres, souvent au péril de leur vie.
En 2023, les #SauveteursenMer #SNSM ont réalisé plus de 7 000 interventions et pris en charge 20 400 personnes, dont 9 900 soignées dans les postes de #secours cet été et plus de 10 000 secourues en mer 🆘 https://t.co/MNqKX39BL2 Photos 📸 Pierre Mouty, @stormaxou, Maxime Huriez pic.twitter.com/STmJIsBJK7
— SNSM (@SauveteursenMer) March 20, 2024
Bien sûr, au centre de Formation le début du procès est dans toutes les têtes, mais le statut des formateurs qui sont salariés leur interdit de s'exprimer sans l'autorisation de leur président, présent au premier jour du procès.
"On n’apprécie pas et on ne commente pas" explique au téléphone ce bénévole de la SNSM de longue date basé en Vendée. Une phrase lâchée du bout des lèvres qui résume l'état d'esprit du monde du secours en mer qui se mure dans le silence dans l'attente du résultat du procès au Havre.
À la station SNSM de la Côte d'Amour à Pornichet en Loire-Atlantique, le constat est le même.
"On est particulièrement attentif à ce qui se passe en ce moment au Havre et des résultats du procès" confie Thierry Caudal, son président.
Il y a une interrogation au sein des bénévoles qui se disent : je donne du temps, je pars en mer, je fais du sauvetage. Et je peux être soumis derrière à des mises en cause de ma responsabilité sur ce que je fais.
Thierry Caudalprésident station SNSM Pornichet (Loire-Atlantique)
"Ce questionnement est important pour tous les bénévoles qui arrivent " ajoute le président de la station SNSM de la Côte d'Amour à Pornichet en Loire-Atlantique "car ils ne viennent pas tous du milieu maritime donc qui ne connaissent pas forcément les arcanes des responsabilités en mer" précise-t-il.
"On continuera, d'une manière ou d'une autre, on continuera"
À la station SNSM des Sables-d'Olonne, l'émotion est particulière.
Christophe Monnereau, le président de la SNSM des Sables-d'Olonne, faisait partie des quatre rescapés du naufrage tragique qui a coûté la vie à trois de ses camarades lors d'un sauvetage en juin 2019.
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"Si j'avais eu envie de m'arrêter, je me serais arrêté en 2019" confie Christophe Monnereau par téléphone.
Maintenant on n'arrêtera pas. On a ça en nous,et puis on va continuer à le faire. Même avec ce qui se passera par rapport à Ouistreham, je pense qu'on continuera quand même à le faire
Christophe Monnereaule président de la SNSM des sables d'Olonne
Et de rajouter un brin fataliste : "L'accident, il peut arriver à n'importe quel moment. On aura beau prendre toutes les précautions du monde, et puis malheureusement, il suffit de la moindre petite chose, et puis voilà comment ça se termine" constate-t-il.
On est dans une société où maintenant il faut être très prudent avec tout. La moindre erreur se paye cash et puis les gens portent plainte et ça finit au tribunal.
Christophe Monnereauprésident de la SNSM des Sables d'Olonne (Vendée)
"Ce n'est pas spécifique à la SNSM, c'est pour tout le monde, notamment dans tous les domaines du secours " détaille celui qui connaît aussi les particularités d'être au cœur des secours à la personne à terre également, puisqu'il est également jeune retraité des sapeurs-pompiers professionnels.
Une double peine
Thierry Caudal, le président station SNSM de Pornichet en Loire-Atlantique, souligne lui aussi un risque avec cette tendance à la judiciarisation du secours en mer.
Car pour les sauveteurs, ne pas ramener des gens vivants quand on est bénévole, c'est déjà un premier traumatisme : "C'est le plus important. Il va falloir vivre avec" ajoute Thierry Caudal.
"Il n'y a rien de pire pour nous que de ne pas assurer notre mission et de ne pas pouvoir sauver les personnes qu'on est censé aller sauver" confie-t-il.
"En plus de ça, quand on vous remet une couche derrière, ça peut devenir très compliqué et avoir des conséquences sur les désirs d'engagement au sein d'une association comme la nôtre".
La SNSM est une association entièrement bénévole dont le fonctionnement repose essentiellement sur la générosité du grand public.
Article écrit avec Christophe François et Elodie Soulard.
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