Le docteur Leroy est médecin généraliste. Il ne compte pas ses heures, entre consultations au cabinet ou à domicile et tâches administratives.
Le jour se lève sur le cabinet du Docteur Leroy, et déjà un premier patient l’attend de pied ferme.
À peine le temps d’emmener ses enfants à l’école, la course contre-la-montre est lancée.
Pas le temps de souffler. Les rendez-vous s’enchainent à un rythme effréné. Chaque jour, le médecin reçoit une trentaine de patients. Alors forcément, les délais s’allongent.
"Nous on vient de bonne heure le matin comme ça on est sûr de ne pas avoir trop de retard", explique une patiente du Dr Leroy.
"J'ai pris RV par Doctolib à 6h30 ce matin, explique une mère de famille, mais on a vu des fois où il n'y a pas de place et il faut trouver une solution en urgence".
Les consultations en urgences, il est contraint d’en refuser. Sa secrétaire est alors là pour faire barrage.
"On est à 15 jours d'attente voire plus quelquefois", estime Nelly Lecoindre, la secrétaire médicale du Dr Leroy.
"Aujourd'hui c'est nous qui souffrons du nombre de médecins"
Installé à Angers depuis 12 ans, le Docteur Leroy croit dur comme fer en la mission du généraliste.
Celle d’écouter et de soigner les patients, dans leur globalité. Une vocation qu’il estime aujourd’hui en danger.
"C''est difficile de supporter cet afflux permanent, reconnait-il, la société a évolué, les gens consomment peut-être plus le médecin qu'avant, mais les gens aussi sont plus âgés donc plus pathologiques, et on se rend compte qu'aujourd'hui les politiques ont mené une stratégie sur la santé qui fait qu'on est moins nombreux à pouvoir recevoir des patients".
"Il faut que les patients comprennent que demain c'est eux qui seront victimes de ce système-là, poursuit le Dr Leroy, aujourd'hui c'est nous qui souffrons du nombre de médecins, certains patients aussi, mais demain c'est ceux qui auront des médecins ou pas, de toutes façons auront des soins de mauvaise qualité".
Fils et petit-fils de médecin, le Docteur Leroy a aussi à cœur de se déplacer à domicile.
Plus de 500 visites par an, quatre fois plus que la moyenne des médecins. Alors, forcément…. il est très attendu !
"Avant c'était son papa qui venait, explique Simone, une patiente chez qui le Dr Leroy se déplace à son domicile, quand on a mon âge on ne peut plus se déplacer comme quand on a 20 ans"
"Pour un déplacement à domicile, on prend 10 euros, vous faites venir votre plombier, vous faites venir un professionnel indépendant à domicile, les frais de déplacement sont souvent 10 fois plus"
Dr LeroyMédecin généraliste
Pas sûr de finir médecin
"Il y a pas mal de confrères qui ne font pas de visites à domicile mais je trouve, qu'au contraire, c'est un service rendu à une population, une population très âgée", estime le Dr Leroy.
"Quand je me suis installé, je me suis dit que je ferai ce métier toute ma vie, raconte le médecin, depuis deux ans, je commence à dire 'mince est-ce que je ne ferai pas autre chose' ?"
Je commence à douter en fait, est-ce que demain je continuerai, je ne sais pas, je vois beaucoup de confrères qui présentent des signes précurseurs de burn-out, déplore le médecin, on ne peut pas être soignant et, en même temps, être soi-même malade"
À la nuit tombée, la journée du Docteur Leroy n’est pas terminée, iI lui reste encore de l’administratif.
En moyenne, il travaille 70 heures par semaine.
Le reportage de Jérémy Armand, Eric Aubron et Carole Mijeon
Un métier exigeant
Il y a deux mois, l’Assurance Maladie et les syndicats de médecins libéraux ont échoué à se mettre d’accord sur une nouvelle convention tarifaire pour les cinq prochaines années. Les généralistes ont jugé notamment insuffisante la hausse de la consultation qui leur était proposée, de 25 euros aujourd’hui, portée à 30 euros.
Dans le même temps, une loi vient d’entrer en vigueur, elle permet notamment l’accès direct, sans prescription médicale, à plusieurs professions paramédicales (infirmiers en pratique avancée, kinés, orthophonistes), au nom de la lutte contre les déserts médicaux. Les généralistes craignent ainsi d’être mis de côté.
C’est dans ce contexte que de nombreux médecins parlent aujourd’hui de leur malaise, leur épuisement, leur besoin de reconnaissance.
Ils s’inquiètent également du manque d’attrait des jeunes pour ce métier si exigeant.