L214 : leurs enquêtes ont-elles vraiment un impact en Mayenne ?

Depuis fin 2023, trois établissements agricoles mayennais ont été ciblés par l'association de défense des animaux. Mais une fois les images chocs diffusées et les plaintes déposées, que deviennent les alertes lancées par L214 ?

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Ces derniers mois, la Mayenne a été le triste décor de plusieurs vidéos publiées par L214.

La séquence la plus récente dénonce le faux plein air d'un élevage de plus de 5 000 canards à chair, au domaine de la Gibaudière, à Châtillon-sur-Colmont. Diffusées le mercredi 17 juillet, les images montrent des animaux amassés dans un grand hangar, sans accès à l’extérieur. 

Notre forte présence en Mayenne est mathématique

Bérénice Riaux

Chargée des enquêtes à L214

Il s'agit du troisième volet d'une funeste série qui se dessine dans le département. Depuis huit mois, trois établissements agricoles mayennais ont été incriminés par l'association animaliste.

"Notre forte présence en Mayenne est mathématique, défend Bérénice Riaux, membre de l'équipe "enquête" de L214. Il s'agit d'un des départements français avec le plus d'exploitations spécialisées en productions animales. De fait, on reçoit davantage de signalements sur ce territoire que dans d'autres".

Avec plus de 92 % de chefs d'exploitation exerçant une activité agricole à dominante animale, la Mayenne est une terre d'élevage.

Ainsi, à l'approche des fêtes de Noël, L214 accusait "La Ferme des Cerfs", à Courbeveille, d'utiliser des méthodes d'abattages moyenâgeuses. Un mois plus tard, le 18 janvier 2024, une nouvelle vidéo de l'association donnait à voir la mise à mort d'animaux encore conscients à l'abattoir municipal de Craon

Mais une fois diffusées, quels impacts ont les images de L214 ?

Choquer pour sensibiliser

Souvent qualifiées de "vidéos chocs", les séquences publiées par L214 sont toujours marquées par la cruauté et la violence. Une stratégie qui permet à l'association antispéciste de marquer les esprits. "Notre objectif est de sensibiliser le grand public en leur dévoilant ce qui s'est passé avant que la viande finisse dans leur assiette", appuie Bérénice Riaux.

Pour Stéphane Durand, porte-parole de la Confédération Paysanne de Mayenne, les actions menées par L214 sont d'intérêt public : "Elles permettent de révéler des cas de mauvaises conduites et, parfois, elles poussent la profession à se remettre en question"

Les gens ont le droit de savoir d'où vient leur viande, mais il est inutile de susciter de la peur

Stéphane Durand

Porte-parole de la Confédération Paysanne de Mayenne

Mais à trop vouloir secouer l'opinion publique, l'association flirterait avec le sensationnalisme, selon l'éleveur de vaches laitières. "Les gens ont le droit de savoir d'où vient leur viande et les conditions dans lesquels l'animal a été traité, mais il est inutile de susciter de la peur. Sinon, c'est contre-productif", souligne-t-il.

Stéphane Durand regrette notamment des images trop centrées sur la mort des animaux. Il détaille : "La surmortalité dans un élevage est bien évidemment la cause de mauvais traitement. Toutefois, tous les grands élevages sont confrontés à la perte d'animaux, sans qu'il y ait nécessairement d'explication". 

"On ne sait pas ce qu'ils deviennent"

À chaque fois, L214 accompagne la publication de leur vidéo par un dépôt de plainte. "C'est un moyen de faire bouger les choses plus vite, mais ce n'est pas toujours le cas", précise Bérénice Riaux. 

L'association déplore notamment que les établissements mayennais récemment incriminés ne communiquent pas le temps des procédures judiciaires en cours. "C'est leur droit, mais on ne sait pas ce qu'ils deviennent, ni s'ils ont mis des choses en place à la suite de nos révélations."

Seule certitude : La Ferme des Cerfs et l'abattoir municipal de Craon ont repris leurs activités malgré des pétitions lancées par L214 pour demander leurs fermetures.

À propos de la Ferme des Cerfs, la préfecture de La Mayenne précise dans un mail qu' "Un contrôle effectué par les services vétérinaires peu de temps après la diffusion de la vidéo n'a pas amené à constater de manquements dans l'application de la réglementation relative à la protection animale."

Le préfet de département a effectivement le pouvoir de faire cesser l'activité d'un établissement en cas de mauvais traitements aux animaux entrainant des souffrances.

Abattoir de Craon, un écho national

Les images de l'abattoir de Craon réalisées fin 2023 par l’association avait fait réagir jusqu'au ministère de l'Agriculture. Après visionnage, Marc Fesneau admettait avec prudence que "la vidéo montre très manifestement des non-conformités".  

Si la séquence a eu un écho national, c'est parce que l’établissement avait été sélectionné en 2021 pour recevoir une subvention publique de 266 000 euros. Cela dans le cadre du plan de modernisation des abattoirs, intégré au plan France Relance et présenté comme l’une des mesures phares du gouvernement pour améliorer le traitement des animaux. 

Ainsi, le groupe d'opposition au Conseil régional des Pays de la Loire, Écologie ensemble, avait adressé une lettre à la préfecture de la Mayenne. Il demandait les rapports d'inspections vétérinaires, et posait la question de la formation des salariés à la bientraitance des animaux, ainsi qu'à la désignation d'un responsable de la protection animale à l'abattoir de Craon. 

Dans sa réponse, envoyée le 7 février 2024, la préfecture informe que des inspections ont été effectuées dans la foulée des révélations de L214, sans pour autant évoquer de lien de cause à effet.

Celles-ci garantissent la totale conformités des équipements de l'abattoir et des mesures de maîtrise de la protection animale. Ainsi, un nouveau "piège" (ce dispositif qui permet l'immobilisation de l'animal) avait été installé en semaine 52, soit la dernière semaine de décembre 2023.

Également, la préfecture de Mayenne fait savoir qu'une nouvelle inspection complète visant à s'assurer du bien-être animal a été réalisée en mai 2024. "Aucune non-conformité n'a alors été relevée", nous précise-t-on dans un mail.

Quant à la ville de Craon, propriétaire de l'abattoir, elle avait nié les accusations portées à son encontre. Aujourd'hui, elle ne souhaite plus s'exprimer à ce sujet. 

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