Le média d'investigation Disclose a sorti de nouvelles révélations concernant Lactalis, révélant notamment que l'usine mayennaise où la salmonelle a été détectée n'a pas été contrôlée par l'État pendant 17 ans. Décryptage de ce scandale industriel et sanitaire.
Novembre 2017. L'usine Lactalis de Craon, en Mayenne, se retrouve à l'arrêt. Des souches de salmonelles ont été retrouvées dans de la poudre de lait pour nourrisson. Cinq ans plus tard, le média d'investigation Disclose révèle de nombreux manquements à la sécurité sanitaire.
Un manque de contrôle qui serait dû au manque de moyens des services de l'État. Dans l'industrie agroalimentaire, le volet sanitaire repose principalement sur de l'autocontrôle.
Pendant l'instruction, toujours en cours, les familles des bébés contaminés en 2017 ont appris que l'usine de Craon n'avait pas été visitée pendant 17 ans par les services de l'État, avant que le scandale n'éclate.
38 bébés contaminés
Au moins 38 bébés seront contaminés avant le retrait des produits de la grande distribution. Sept mois plus tard le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, répond à une commission d'enquête parlementaire.
"C'est un accident donc il y a pas de responsabilité de personnes internes de l'usine. C'est vraiment un accident."
Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis
Un accident, mais pourtant en octobre 2018, un mois après la réouverture de l'usine de Craon, la répression des fraudes relève des non-conformités sur de la poudre de lait pour bébé de la marque Celia.
Des manquements relevés dans deux usines mayennaises
La même année, c'est un autre manquement qui est relevé à Charchigné, dans le nord du département, dans une usine qui fabrique notamment du fromage râpé.
"On découvre dans les documents de la DGCCRF qu'en août 2018, des consommateurs se sont plaints d'avoir trouvé des morceaux de plastique dans leur sachet de fromage râpé. Il y avait un problème de grattoir dans l'usine. Lactalis en avait connaissance et ils auraient dû logiquement procéder à un retrait rappel des produits, ce qu'ils n'ont pas fait."
Marianne Kerfriden, journaliste indépendante
Pour sortir cette enquête le média d'investigation Disclose s'est appuyé sur des dizaines de documents. On y découvre aussi une mise en demeure concernant la société laitière de Mayenne.
"Nous considérons que ces allégations relèvent d'une démarche partisane"
Malgré plusieurs courriers relevant la vétusté de certaines installations ou bien le non-respect des procédures de nettoyage, Lactalis a poursuivi pendant des mois sa production comme si de rien n'était. Le numéro 1 mondial a répondu par mail à ces accusations.
"Les recommandations ou demandes de l'administration ont fait l'objet de suivi avec les autorités et d'actions correctives quand cela était nécessaire. Bon nombre de rapports des autorités soulignent la bonne gestion de nos sites de fabrication sans qu'il y soit fait mention dans Disclose. Nous considérons donc que ces allégations relèvent d'une démarche partisane qui ne reflète en rien la bonne qualité sanitaire de nos produits."
Sur les 33 rapports qu'on a reçus, il y a au moins 18 sites qui posent problème. Nous ne sommes pas sur des cas isolés. On a affaire au numéro 1 mondial du lait, présent dans plus de 200 pays. On peut se demander pourquoi il y a autant de dysfonctionnements qui conduisent à des alertes des services de l'État. Pourquoi tout n'est pas mis en œuvre pour être totalement irréprochable ?
Marianne Kerfriden, journaliste indépendante
Après avoir été mise en demeure, Lactalis a finalement refait à neuf l'atelier caséine de l'usine de Mayenne, construite il y a 55 ans, lançant dans la foulée des travaux d'extension prévus pour 2023.