Le procureur a demandé des peines de prison avec sursis de 18 mois pour Guilaine Debras, 12 mois pour le responsable des risques naturels et la directrice de l'Ehpad, et 50000 euros d'amende pour Orpea, au 3e jour du procès des inondations mortelles survenues à Biot en 2015.
Les débats se sont clôturés, ce jeudi après-midi au tribunal correctionnel de Grasse, sans explications très concluantes de la part des prévenus dans l’affaire des inondations mortelles survenues à Biot le 3 octobre 2015. "On a dit aux parties civiles que rien ne pouvait éviter cette catastrophe. Elles sont en colère face à un déni total des responsabilités" a lancé en début de réquisitoire le procureur Alain Guimbard.
"Il y a eu un événement climatique d’une intensité imprévisible. Les travaux, les bassins de rétention n’ont pas suffit. Mais cet événement ne revêt pas le caractère de force majeure, parce que ce qui est la cause directe de la mort de ces résidentes, c’est une noyade parce qu’elles n’ont pas été évacuées au 1er étage. Le débat s’arrête là. Le risque d’inondation était lui prévisible, et prévu."
Il y a deux responsables de cette noyade : les responsables directs en charge de l’évacuation, Orpea, et les responsables indirects, qui n’ont pas mis en œuvre ce qui était nécessaire pour que l’évacuation se réalise, la mairie.
Alain Guimbard, procureur au procès des inondations mortelles de Biot
Le magistrat rappelle les épisodes d’inondation précédents de la maison de retraite, que la direction d’Orpea ne pouvait ignorer. "Il y a deux pauvres aides soignantes" rappelle le procureur, alors que la procédure prévoyait qu'en cas d'alerte météo le personnel soit doublé et le médecin coordonnateur présent dans l'Ehpad.
"Quand on n'a pas les épaules..."
"Quand on n'a pas les épaules, on n'accepte pas le poste" lance alors le procureur à la jeune directrice d'établissement, en larmes, avant de demander une peine d'un an de prison avec sursis à l'encontre d'Anaïs Gledel, et 50 000 euros d'amende pour le groupe Orpea.
Même remarque à l'égard de Guilaine Debras : "Quand on s'engage [pour être maire] il faut assumer cette prérogative particulière". Quant à "monsieur Pastierik (le responsable des risques naturels de Biot), il est le rédacteur du Plan communal de sauvegarde, il est chargé de la surveillance, c'était le sachant".
Quand on vous dit de vous mettre en alerte, on vous dit pas de vous mettre en vigilance. Quand vous recevez une vigilance de Météo France vous la banalisez. 'Oh ben il fait beau...'
Alain Guimbard, procureur au procès des inondations mortelles de Biot
Le Plan communal de sauvegarde prévoit pourtant "d'activer une cellule d'intervention, réunir maire et le responsable des risques naturels, préparer le matériel, mettre en alerte le personnel municipal d'astreinte, des foyers implantés en zone inondable..." énumère le procureur. Le seul établissement concerné était le Clos Saint-Grégoire. "À Biot, personne ne savait ce qu'il fallait faire ! On est dans l'impréparation totale."
"C'est même monsieur Pastierik qui va conclure pour moi : 'on avait des moyens mais j'attendais les prévisions [météo]. Effectivement ce soir-là on n'était pas mobilisés, mais pas moins qu'ailleurs' C'est affligeant".
Au terme d'un réquisitoire de près d'une heure, il réclame 18 mois de prison avec sursis à l'encontre de Guilaine Debras et 12 mois avec sursis pour Yann Pastierik.
Les parties civiles outrées
Plus tôt dans l'après-midi, les avocats des parties civiles s'étaient succédé à la barre pour dire l'indignation des familles. "Tout ce que j’ai entendu, c’est que personne n’est responsable" tance d'abord Me Anne-Sophie Roche, aux intérêts de la famille de Jacqueline Colombier, 91 ans, l’une des trois résidentes de l’Ehpad le Clos Saint-Grégoire mortes noyées le soir du 3 octobre.
"Monsieur Pastierik à l’obligation d’être présent sur le territoire de la commune, à son domicile" selon le Plan communal de sauvegarde qui doit s’appliquer en cas de vigilance météo orange. "Mais il part à un match de football" à l’Allianz Riviera. "Il a mis quatre heures pour rejoindre Nice en raison des bouchons et routes coupées ! Si vous aviez été sur la commune, vous n'auriez pas pu appeler madame Debras ?"
"Chacun s’est défaussé"
Aux intérêts de la famille de Josiane Chaix, 82 ans à son décès, Me Emilie Farrugia enchaine : "Huit ans d’instruction pour trois familles brisées, pour en arriver à cette audience où l’on n'a pas d’explication. Chacun s’est défaussé. On n’a pas anticipé, on n’a pas pris de mesures, on n’a rien fait de ce qu’il fallait faire."
Me Philippe Soussi, qui défend notamment les intérêts de la famille de Marguerite Giunipero, 94 ans, la doyenne des victimes, est le dernier à plaider. "En un seul coup de téléphone à l’Ehpad vous aviez la possibilité de sauver des vies. Depuis 13 heures vous pouviez le faire, vous aviez toute l’après-midi et vous ne l’avez pas fait, et c’est dramatique".
"Vos propres déclarations sont des aveux"
"J’ai été tout au long de cette procédure sidéré par votre défense. Votre responsabilité, j’allais dire votre culpabilité, ne se discute même pas. Vos propres déclarations sont des aveux, vous ne contestez pas les faits mais vous êtes dans le déni total. Vous avez dit ‘le PCS de 2009 on l’a pas appliqué’. Ça n’aurait pas été honteux de dire 'on n’a pas su faire, on a merdé'. Ça vous aurait grandi."
Le procès se termine ce vendredi 19 janvier avec les plaidoiries des avocats de la défense. La parole sera ensuite donnée une dernière fois aux prévenus, avant que le tribunal ne se retire pour délibérer. Sa décision devrait être rendue dans quelques semaines.