La défense dénonce un naufrage collectif et plaide la relaxe au procès des inondations mortelles à Biot en 2015

Faute de l'Etat, de Météo France, des pompiers, des familles... Au dernier jour du procès de l'ex-maire, du responsable des risques naturels de la commune, d'Orpea et de la directrice de l'Ehpad ou trois résidentes sont mortes noyées, la défense a rejeté la faute sur ceux qui ne sont pas mis en cause. Y compris les parties civiles !

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Dans cette affaire, tout le monde aurait "merdé", comme l'a plaidé l'avocat d'Orpea. Si trois résidentes de l'Ehpad de Biot sont mortes noyées le 3 octobre 2015, et vingt personnes en tout à l'occasion de ces terribles inondations qui ont frappé les Alpes-Maritimes cette soirée-là, ce serait la faute de tous... sauf des quatre prévenus qui comparaissent depuis quatre jours.

Ce vendredi, alors que le ministère public a requis la veille au soir des peines de 12 à 18 mois de prison avec sursis contre la directrice de l'Ehpad, le responsable des risques naturels de la commune de Biot et la maire de l'époque pour homicides involontaires et mise en danger de la vie d'autrui, les avocats de la défense se sont succédé à la barre.

"Félicités par le président Hollande avant d’être salis !"

Premier à prendre la parole, l'avocat d'Orpea et de la directrice de l'Ehpad. "Madame Gledel a fait tout ce qu’elle pouvait faire ! lance Me Michel Valiergue. Personne n’est au courant de la réalité du phénomène climatique. Elle va téléphoner, son personnel va agir. Face à l’inévitable, au cataclysme, on ne peut rien faire. On a été félicités par le président Hollande avant d’être salis !" Alors, il ne va pas se priver de contre-attaquer.

Les seuls qui avons agi, c’est nous ! On a fait notre travail, on n’a pas honte de le dire !

Me Michel Valiergue, avocat d'Orpea

Il dénonce la "honte de voir l’organisation de nos administrations, qui étaient au niveau du tiers-monde, et l'injustice : c’est l’État qui est responsable, on vient chercher la responsabilité sur une queue de dossier, des lampistes, des fusibles pour essayer de contenter l’opinion publique qui fait pression".

L’avocat va jusqu’à reprocher à la famille Delaup, dans le dossier, dès les premiers instants, de ne pas avoir gardé leur aïeule dans leur grande maison, comme lui-même, raconte-t-il, l’a fait avec sa propre mère, morte dans ses bras... Le banc des parties civiles est outré. "Orpea, la maltraitance jusqu’à l’audience" glisse leur avocat, Me Philippe Soussi.

Des "cercueils comme marchepied pour régler des comptes"

Guilaine Debras ? "Un fusible", "le bouc-émissaire idéal", "le seul maire poursuivi" pour ces inondations qui ont fait dix-sept autres victimes dans les Alpes-Maritimes... Pour son avocat, Me Franck Ginez, la faute est celle de l'Etat. "La préfecture fait un aveu de culpabilité. La préfecture, c’est l’armée des ombres, des absents, des fantômes" Le chef de la sécurité départementale est parti en week-end hors du département et le directeur de cabinet du préfet est au match (de l'OGC Nice le soir même, ndlr)".

Il en vient ensuite à la situation à Biot : pas de passation de pouvoir entre l’ancien et le nouveau maire, une simple feuille griffonnée par l’ancien chef de la police municipale à l’intention de son successeur, qualifiée de "torchon". Selon son avocat, Guilaine Debras, en arrivant aux affaires, n’aurait eu aucun moyen pour correctement réagir… "On s’est servis de cercueils comme marchepied pour régler des petits comptes personnes dans ce dossier".

"Les données de Météo France complètement erronées"

Dans un procès lourd en émotions, au cours duquel les familles des victimes se sont longuement exprimées pour parler des victimes, de leurs défunts, Me Blandine Lachaume, aux intérêts du responsable des risques naturels, craint "que l’émotion domine, qu’elle emporte tout".

L'avocate varoise souligne que son client "dépend du DGS (directeur général des services), il y a une cellule de commandement, dont la police municipale fait partie. C’est un technicien avec une formation BTP, c’est un subordonné qui ne fait pas partie de la cellule de commandement. La surveillance météo n’était pas une obligation pour monsieur Pastierik. Les données de Météo France sont complètement erronées".

Les trois avocats réclament la relaxe pure et simple de leurs clients. Invités à prendre une dernière fois la parole, comme le prévoit la procédure, chacun à son tour va se lever et avoir un mot pour les familles des victimes.

"Quand j’ai du cœur, on me dit que je suis faible"

"Je voulais dire aux familles que je suis navré de tout ce qui s’est passé et je ne vois pas comment j’aurais pu l’empêcher, dit Yann Pastierik. Sans être d’astreinte, j’ai fait ce que je pouvais, ce que je pensais devoir faire".

"Ça fait longtemps que je pense à vous, et à toute une commune. Quand j’ai du cœur, on me dit que je suis faible, et si je n’en ai pas, on me dit que je suis en bois. Je me revois vous prendre dans mes bras". Puis au tribunal, elle lance avec des sanglots dans la voix : "Si j’avais su que cela me mènerait devant un tribunal, j’aurais quand même choisi d'être maire. J’ai choisi d’assumer les responsabilités qui m’amènent devant vous".

La directrice de l'Ehpad, qui avait dû quitter la salle pour s'allonger, revient en larmes à la barre : "j’ai fait tout ce que j’ai pu pour ces résidents, à la hauteur de mes moyens, j’ai tout donné de ma personne. Je suis très triste de ces trois décès. On connaissait tous ces résidents. Je ne pouvais pas faire plus avec le peu d’informations qu’on a eues. C’était apocalyptique".

Le représentant d’Orpea, enfin, se tourne vers le banc des parties civiles : "Durant ces quatre jours de procès, on a été partagés entre le droit et l’émotion. Je voudrais vous réexprimer notre profonde compassion. Nous avons tous été touchés par ce drame au sein d’Orpea".

Le délibéré doit être rendu le lundi 25 mars à 14 heures.

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