La 75e édition du Festival de Cannes se veut plus verte. Au programme : des véhicules 100 % hybrides et électriques, un tapis rouge "écolo compatible", le lancement officiel d'une boîte de production écolo, mais aussi un prix pour récompenser un long-métrage éco-responsable.
"Il serait sans doute logique ou en tout cas humain, de laisser éclater ma joie d’être devant vous ce soir pour présider la 75ème édition d’un festival hors norme, mais en ai-je le droit ? Ne devrait-on pas évoquer depuis cette tribune qui concentre pour un temps tous les regards du monde, les tourments d’une planète qui saigne, qui souffre, qui étouffe et qui brûle dans l’indifférence des pouvoirs", des mots forts prononcés lors du discours d'ouverture par Vincent Lindon, président du jury de cette 75e édition du Festival de Cannes.
Un discours qui donne le ton de cette édition du Festival de Cannes, plus que jamais concernée par les questions écologiques.
Il y a une vraie réflexion qui se met en place dans le monde du cinéma, il est plus que jamais nécessaire de prendre en compte les enjeux écologiques, mais en France ça reste encore très très frileux.
Cyril Dion, associé fondateur de Newtopia, une société de production écologique
Une industrie du cinéma moins polluante ?
Selon une étude de l'association Ecoprod, chaque année, le secteur du cinéma rejette 1,7 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Un chiffre considérable que certains s'attachent à réduire.
C'est le cas de la société de production Newtopia, lancée officiellement à l'occasion de ce festival. Une société qui se veut plus respectueuse de l'environnement et plus proche des préoccupations environnementales.
Derrière ce projet, trois personnalités : Cyril Dion, Marion Cotillard et Magali Payen.
Cyril Dion nous explique, "il faut que le cinéma devienne un peu plus exemplaire dans sa façon de travailler. Il se doit de réduire son impact sur l'environnement. Avec notre boîte de production on veut produire des films en polluant moins".
Autre gros chantier pour réduire l'impact environnemental de cette industrie du cinéma, le Festival de Cannes, bien souvent pointé du doigt pour son manque de considération de ces enjeux.
Un Festival de Cannes plus vert ?
Là-aussi les gestes "écologiques" sont multiples. Une fois n'est pas coutume, les traditionnelles voitures Renault, partenaire officiel du Festival pendant de longues années, ont été remplacées par des véhicules hybrides et électriques de la marque BMW.
Le tapis rouge quant à lui n'est changé qu'une seule fois par jour depuis 2019 et il est recyclé.
Et puis, tenter de réduire le papier, c'est également ce qui a été souhaité cette année, via notamment l'instauration de QR code, qui permet la diffusion d'informations de manière dématérialisée.
"La distribution de bouteilles d’eau en plastique étant totalement supprimée, des fontaines à eau seront à nouveau déployées dans l’enceinte du festival", détaillent les organisateurs du festival dans un communiqué.
Il y a encore beaucoup de travail à faire pour que le Festival de Cannes soit vraiment plus vert, mais déjà il y a une prise de conscience et des premiers efforts
commente Cyril Dion qui sortait en 2015 son film "Demain"
L’an dernier, l'édition 2021 avait déjà marqué un changement en matière de protection de l’environnement.
Pierre Lescure, le président du Festival, et Thierry Frémaux, le délégué général, avaient annoncé dans un communiqué de presse le lancement de 12 mesures environnementales en partenariat avec le cabinet de conseil Green Événements.
Un prix pour récompenser un film produit de manière éco-responsable
Actualité également inédite pour cette édition du Festival de Cannes : l'association Ecoprod - qui fédère "les acteurs du secteur en les engageant dans des pratiques environnementales vertueuses" -, remet cette année un Prix écolo.
Ce prix sera remis au long-métrage "qui aura été produit de la manière la plus éco-responsable possible", toutes compétitions et sélections confondues.
La démarche écologique du projet et l'éco-conception des décors seront notamment pris en compte.
Dans le cadre de cette 75e édition du Festival de Cannes, dix films ont été présélectionnés pour le Prix Ecoprod du film éco-responsable :
- Plus que jamais, Emily Atef, Eaux Vives productions
- Tori et Lokita, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Les films du fleuve
- Atlantic Bar, Fanny Molins, Solab
- Falcon Lake, Charlotte Le Bon, Metafilms - Cinéfrance - Onze-cinq
- Revoir Paris, Alice Winocour, Dharamsala et Darius Films
- Sous les figues, Erige Sehiri, Henia production - Maneki Films
- La nuit du 12, Dominik Moll, Haut et Court - Versus production
- La cour des miracles, Carine May et Hakim Zouhani, Haut et Court
- Les Amandiers, Valeria Bruni Tedeschi, Ad Vitam Production & Agat Films
- Goutte d’Or, Clément Cogitore, Kazak Productions
La remise du prix se fera jeudi 26 mai prochain à l'issue d'une table ronde organisée par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) sur le thème "Vers une production d’œuvres bas carbone - Les tournages éco-responsables et leur impact énergétique".
Un festival du Film Ecologique et Social
Autre initiative, le Festival International du Film Ecologique et Social, lancé l'an dernier à Cannes. La seconde édition se tiendra du 2 au 5 juin prochain.
Placé sous le signe du "vivant, de la solidarité et du partage, ce festival met à l’honneur celles et ceux qui font du cinéma un média d’expression, d’engagement et d’inspiration", détaillent les organisateurs.
Pendant les trois jours, 13 séances seront proposées au Cinéma les Arcades et au Cinéma l’Olympia à Cannes.
Un "village des initiatives" prendra également place sur l'Esplanade de la Pantiero à Cannes où se dérouleront des animations et des tables rondes.
Le cinéma pour accélérer la prise de conscience
Le cinéma a un impact considérable sur l’imaginaire des gens et donc sur la façon dont la société s’organise. Si on regarde par exemple après la seconde guerre mondiale, l’American Way of Life s’est développé à travers le cinéma.
Cyril Dion, associé fondateur de Newtopia, une société de production écologique
"Mieux prendre en considération des enjeux et les exposer au grand public à travers des films", c'est justement l'un des autres objectifs de Newtopia, cette société de production plus "verte".
Elle ambitionne de contribuer à l'accélération de cette prise de conscience sur les enjeux écologiques via des "récits ambitieux pour imaginer un monde soutenable et désirable".
Cyril Dion détaille, "il nous semble qu’aujourd’hui on a besoin de proposer des récits, des histoires qui construisent d’autres imaginaires du futur. Aujourd’hui quand on regarde les films qui sont produits et qui essayent de raconter le futur ce sont presque systématiquement des dystopies qui imaginent des mondes apocalyptiques par exemple. Il n’y a pas d’histoires qui nous aident à imaginer le monde dans lequel on aimerait vivre".
Ce projet mûrit depuis 2018 a vocation à fournir "les récits et les imaginaires pour faire face aux défis de notre temps".
Ce que je trouve assez beau dans ce projet c’est de pouvoir emmener des gens vers une prise de conscience de ce qu'il est possible de faire pour protéger la planète.
Marion Cotillard, associée de Newtopia, une société de production écologique
Cyril Dion ajoute, "pour l’instant, il y a très peu d’histoires qui prennent en compte ces enjeux. Quand on a vu sortir le film Don’t Look up, ça a été un phénomène. Dans le paysage de la fiction très peu de réalisateurs se sont aventurés là-dedans. Ça reste timide, surtout en France".
Lors de sa sortie, le film "Don't Look up : Déni Cosmique", comédie apocalyptique avait en effet bouleversé le monde du cinéma.
"Changer le monde"
A l'occasion de la conférence de presse du lancement de Newtopia qui s'est tenue vendredi 20 mai, quelques projets ont été dévoilés comme notamment le prochain long-métrage de Cyril Dion. Il s'agira d'une adaptation du roman "Le Grand vertige", de Pierre Ducrozet.
"C'est l'histoire d'un père et sa fille qui vont essayer de changer le monde à leur manière. Le père en essayant d’inverser la courbe du changement climatique. Sa fille qui va être envoyée sur le terrain et qui est en train de se rendre compte que son père perd les pédales, elle va essayer de le sauver lui et aussi de sauver le monde", détaille Cyril Dion.
L'écologie poursuit donc sa progression dans le secteur du cinéma mais le chantier demeure encore considérable.
Aujourd'hui, peu de films qui éveillent la conscience écologique ont marqué les esprits, "tout reste à faire", conclut Marion Cotillard.