BELLES HISTOIRES 2024. Émerveillé par les lumières et l'ambiance du Festival lorsqu'il était petit, David Hertzog Dessites a réussi à troquer son balai de la ville de Cannes contre une caméra et un fauteuil de réalisateur. La preuve qu'avec une bonne dose de motivation, certains rêves peuvent s'exaucer. Portrait.
Nous l'avions quitté au mois de mai dernier, en plein Festival de Cannes. David Hertzog Dessites réalise alors son rêve : il présente son premier long-métrage documentaire Il était une fois Michel Legrand dans l'enceinte du prestigieux Palais des Festivals, lui qui, encore hier, regardait les marches rouges avec admiration.
"La passion, elle est venue justement de là où on est, sur un bout de la Croisette, face au Palais des festivals", se remémore aujourd'hui le jeune cinquantenaire.
Quand j'étais petit, en culotte courte, on allait voir comme ça, les stars, on allait renifler l'ambiance du Festival de Cannes.
David Hertzog Dessites, réalisateur.
Pourtant, même s'il assure avoir toujours cru en ses rêves, David Hertzog Dessites a commencé sa carrière tout en bas des marches, un balai à la main. Le jeune homme a la vingtaine lorsqu'il rentre dans les services de la mairie de Cannes en tant que balayeur pour la saison estivale. Puis, lorsque sa mère disparaît peu de temps après, son statut de pupille de la Nation le fait devenir titulaire au même poste.
Ce boulot lui durera quelques années, mais David Hertzog Dessites veut faire autre chose de sa vie. Le cinéaste d'aujourd'hui reste par ailleurs assez évasif sur cette période de sa vie, car le Festival de Cannes lui a transmis le virus du cinéma : "J'ai été complètement attrapé par cette espèce de brouhaha comme ça, par le côté magique de l'événement, tout ça, ça m'a fasciné. Puis j'ai vraiment commencé à aimer le cinéma, j'allais voir des films américains, les Star Wars..."
Je croyais qu'en fait, les films se faisaient ici, et qu'après ils sortaient en salle. C'était mon petit côté un peu naïf !
David Hertzog Dessites.
Une bouteille à la mer lancée à 400 personnalités du cinéma
Sans même avoir accès à une école de cinéma, qu'il n'avait "pas les moyens de se payer", le jeune homme se met en tête de rentrer dans ce métier qui l'a tant fait rêver durant son enfance. Et finalement, à 26 ans, il "rentre dans le cinéma", par une petite porte.
À la fin des années 1990, le support DVD est en plein développement, et est souvent accompagné de making-of des films, en bonus. Alors après avoir réalisé aux États-Unis son premier film en amateur sur les fans de la Guerre des Étoiles, alors que la deuxième trilogie sortait en salle, notre jeune passionné de cinéma décide de proposer ses services pour la réalisation de ces making-of.
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Pour ce faire, "j'ai écrit à 400 personnalités du cinéma, que je ne connaissais pas du tout !", s'amuse-t-il. Les réponses tombent au compte-goutte : au total, le cinéaste en herbe en a reçu "quatre ou cinq". Mais peu importe à l'époque, il lui en suffisait d'une pour qu'il se lance.
Et grâce à son travail amateur sur Star Wars, que l'on estime alors très correct pour quelqu'un sans aucune formation, il décroche la réalisation du making-of de Belphégor, le fantôme du Louvre, film de Jean-Paul Salomé sorti en 2001 dans les salles obscures.
Du making-of à la bande-annonce, jusqu'à la réalisation
Sa vision sur les coulisses de Belphégor cartonne : "à la télé, c'est passé vingt-six fois sur Canal", se souvient-il. Conséquence immédiate de ce succès, David Hertzog Dessites se voit confier le making-of du "plus gros film du cinéma français" : Astérix, Mission Cléopâtre, comédie aujourd'hui culte d'Alain Chabat.
Les années passent, et le jeune cinéaste, qui s'est finalement formé "sur le terrain" comme il aime le rappeler, enchaîne les making-of, en faisant sa spécialité jusqu'en 2010. Puis "le marché du making-of s'est écroulé en même temps que le marché du DVD", avec la digitalisation du cinéma à la maison. Alors immédiatement, "il y avait beaucoup moins de demandes, et d'argent pour réaliser mes making-of", raconte-t-il.
Notre passionné a donc dû, une nouvelle fois, rebondir. Et c'est dans un équilibre entre la production de bandes-annonces et la réalisation de courts documentaires que David Hertzog Dessites a pu s'épanouir à nouveau.
En 2011, le Cannois écrit, réalise et monte lui-même De l'ombre à la lumière, un documentaire de 52 minutes sur l'affaire d'Outreau, qui sera acheté et diffusé par France Télévisions. Un second documentaire voit le jour en 2015, peu de temps avant qu'une rencontre vienne réveiller chez notre cinéaste les rêves de réalisation qui l'avaient effleuré devant les marches de Cannes.
Le "modèle" Michel Legrand
Trente ans après "le choc qu'a été Yentl [de Barbra Streisand, NDLR] en 1983", où David Hertzog Dessites a été "complètement fasciné par la musique de Michel Legrand", rencontre finalement l'homme qui l'a tant fait rêver, et qui lui a peut-être, au fond, donné l'amour du cinéma. Alors en parallèle de ses bandes-annonces, il se lance dans la réalisation de son premier long-métrage documentaire.
Un film qui lui permettra de boucler la boucle, puisqu'en mai dernier, David Hertzog Dessites est donc venu présenter Il était une fois Michel Legrand au Festival de Cannes, le documentaire étant sélectionné dans la catégorie Cannes Classics.
Le film est aujourd'hui sorti en salles, et son réalisateur "attend de voir ce qu'il donne dans la durée". Il confie tout de même avoir "déjà un autre projet d’écriture, en fiction", avant d'annoncer immédiatement qu'il ne quittera pas le documentaire pour autant.
On ne devrait pas avoir d’étiquette quand on fait du cinéma. En musique, Michel Legrand est allé vers tous les genres, on peut donc dire qu'il reste mon modèle.
David Hertzog Dessites.
En attendant, le Cannois reste concentré sur son hommage à Michel Legrand, encore et toujours. "Il y a encore cinq mois de boulot minimum", se justifie-t-il. Il y a peut-être aussi, l'envie de remercier une nouvelle fois l'un de ceux qui lui ont permis d'accéder à ses aspirations d'enfant émerveillé.
Qui n'en rêverait pas ?