Plus jeune maire du département, Sébastien Olharan (LR) s'est emparé, ce 27 juin, du canton de Contes, bastion de la gauche et du communisme depuis 1945. Une ascension éclair pour l'édile de Breil-sur-Roya (27 ans), encore inconnu du grand public il y a deux ans, mis en lumière par la tempête Alex.
Il a pris du galon. Loin, loin de l'homme à l'écoute mais hésitant voire gêné qui arpentait Breil-sur-Roya dans les Alpes-Maritimes au début de l'année 2020, lorsqu'il convoitait la mairie reprise par la gauche en 2014. Ce dimanche 27 juin, après avoir ravi à la surprise générale le canton de Contes pour 142 voix au Parti communiste, à sa tête depuis au moins 50 ans, Sébastien Olharan est arrivé triomphant, décomplexé dans les jardins du Conseil départemental des Alpes-Maritimes, à Nice.
« Monsieur le conseiller départemental ! »
— Christophe Cirone (@Cirone06) June 27, 2021
Arrivée triomphale de @SebOlharan. Le jeune maire de Breil-sur-Roya fait tomber le bastion rouge de Contes tenu depuis 1/4 de siècle par Francis Tujague (PCF). Sourire radieux et yeux rougis. #departementales06 pic.twitter.com/Cz3vXJ9RcE
"Nous voulions faire enfin entendre la voix de ces vallées de la Roya, de la Bévera et du Paillon. C'est un territoire qui était représenté par des élus qui de mon point de vue ne faisaient pas sufisamment porter la voix de ces territoires, n'avaient pas su donner cette impulsion nécessaire à ces vallées qui ont tant besoin de se développer et de se relever pour celles frappées par la tempête Alex", nous a-t-il déclaré après avoir recueilli, aux côtés de Céline Duquesne, 50,55 % des suffrages face au duo PCF sortant, Francis Tujague et Valérie Tomasini.
Ginésy et Ciotti, ses deux mentors
En un peu plus d'un an, Sébastien Olharan, 27 ans, s'est fait une place dans le paysage politique des Alpes-Maritimes. Il a d'abord refait basculer la mairie de Breil-sur-Roya à droite, en 2020, après avoir expédié dès le premier tour (62,36 % des suffrages) le maire sortant DVG André Ipert (71 ans). Et est devenu le plus jeune maire du département des Alpes-Maritimes, à 26 ans.
Parmi ses soutiens, Eric Ciotti, député dans les Alpes-Maritimes depuis 2012 et figure du parti Les Républicains, tout comme Charles-Ange Ginésy, ancien édile de Péone et actuel président du Conseil départemental des Alpes-Maritimes.
Deux hommes qu'Olharan met régulièrement en avant et avec lesquels il a pu lancer sa carrière politique.
Félicitations à @SebOlharan élu ce soir conseiller départemental des Alpes-Maritimes.
— Eric Ciotti (@ECiotti) June 27, 2021
Il remporte une victoire historique sur la gauche dans le canton de Contes ! pic.twitter.com/9qoKwgOIvu
Diplômé de Sciences Po Bordeaux, Sébastien Olharan a débuté en 2015 au sein du conseil départemental des Alpes-Maritimes, d'abord sous Eric Ciotti, qui évoquait dimanche "une victoire historique (d'Olharan) sur la gauche". Puis sous Charles-Ange Ginésy (65 ans), dithyrambique à l'égard de son jeune poulain.
C'est un jeune plein de dynamisme, qui bouscule les choses et connait bien le microcosme politique des Alpes-Maritimes
Ce dernier met en avant "sa proximité. C'est quelqu'un qui aime les gens. Il gère sa ville comme s'il s'agissait de son bien personnel avec la défense de l'intérêt public".
Dès septembre 2018, le Breillois, qui a toujours habité dans la vallée de la Roya, se mobilise et crée aux côtés d'un ancien élu LR, Francis Frécourt, l'association "Breil Horizon" pour réfléchir aux différents enjeux dans la commune de 2 151 habitants (Insee, 2018) et ses hameaux, notamment Libre, La Giandola et Piène-Haute.
Deux de ses préoccupations : l'immigration et les transports
Des territoires qu'il a arpentés lorsqu'il s'est lancé à l'assaut de la mairie de Breil-sur-Roya, en 2019. Outre la volonté d'être "plus" à l'écoute des habitants – il s'est montré très actif sur Facebook – et celle de redynamiser le village par le tourisme, il avance, à Nice-Matin, deux facteurs de dégradation de sa commune : "La crise des migrants et les transports".
L'immigration, un sujet cher à l'un de ses mentors, Eric Ciotti. Son prédécesseur, André Ipert, ne manifestait pas la même hostilité envers les migrants.
Elu largement à l'issue du premier tour des municipales, à la mi-mars, Olharan prend finalement ses fonctions fin mai 2020, en raison de la situation sanitaire et du premier confinement décrété en France. Une situation qu'il jugeait frustrante.
"C'est une situation étonnante. On aimerait pouvoir agir immédiatement, être utile, on n'a pas de levier pour rééellement agir. Des personnes ont un très fort désir de changement", disait-il le 7 avril. Comme cette habitante de la commune qui s'emporte contre l'édile d'alors, André Ipert, et la rapporte à Olharan. Lui reste calme, presque passif, gêné. "Tout le monde attend que vous soyez maire, car on en a ras-le-bol, le maire (Ipert) s'en bat les cacahuètes, il s'en fout, déclarait cette citoyenne. On a encore un mois à le supporter ? On n'est pas sortis de l'auberge !"
"Tout repose sur vos épaules, sur votre fermeté, c'est pour ça qu'on vous a élu, vous écoutez les gens qui parlent du village, vous regardez leurs problèmes."
Des propos qui l'ont sans doute galvanisé.
Le 3 octobre 2020, Breil-sur-Roya fait partie des communes ravagées par la tempête Alex, terrible pour le département des Alpes-Maritimes : 9 morts, 9 disparus, une centaine de maisons endommagées voire détruites, des ponts et des routes emportés dans les vallées de la Vésubie, de la Tinée et de la Roya. A 26 ans et seulement quatre mois après ses débuts comme maire, Sébastien Olharan se retrouve propulsé sur le devant de l'actualité locale, mais surtout nationale. La France le découvre, notamment sur les chaînes d'info en continu.
De l'aveu d'une grande majorité, il gère bien cette crise. Le 3 octobre dernier, à notre micro il s'imposait déjà et demandait de l'aide pour sa vallée :
La gestion de la tempête Alex saluée
Le communiste Francis Tujague, battu par Olharan dimanche aux départementales, a mis en avant "la façon dont le problème a été traité" par son opposant et l'avance comme une raison de la victoire de ce dernier.
Dans son propre camp, Ginésy a loué la gestion de crise de son cadet presque 40 ans. "Ce jeune tombe sur une difficulté majeure, la gestion de la tempête Alex qui lui donne un éclairage formidable à sa jeunesse, à sa réactivité, à sa compétence, qui l'ont fait connaître par tout le monde."
Présent de manière quasi-permanente aux côtés de ses habitants selon les dires de politiques de tous bords, il se montre très actif sur Facebook où il organise notamment des live Facebook en octobre – suivis par plus de 10 000 personnes – sur sa page (3 600 abonnés) pour répondre aux interrogations et autres inquiétudes de ses concitoyens.
Il remet en cause le fait que les moyens soient "concentrés sur la Vésubie. Dans la Roya, on s’est sentis oubliés". Il reçoit le président Emmanuel Macron dans sa commune le 7 octobre, quatre jours après le drame. Le Premier ministre Jean Castex lui assure qu'il va faire "le nécessaire" pour aider son village...
Notamment porté par la gestion de cette crise – loin d'être terminée –, Olharan est investi par son parti, Les Républicains, pour les élections départementales en juin 2021, dans le canton de Contes, un bastion communiste depuis 1996 et à gauche depuis 1945, longtemps surnommé "la vallée rouge" lorsqu'il contenait la seule vallée des Paillons.
Depuis 2014, les vallées de la Roya et de la Bévéra, majoritairement à droite ces dernières années, se sont ajoutées (20 communes) et ont fait peser un doute sur l'issue du scrutin. "La tempête a révélé que la vallée de la Roya a un avenir en commun et qu'il faut l'unifier car nous partageons les mêmes enjeux. J'ai eu à me mobiliser pour toute la vallée et j'aimerais poursuivre cette mission", a déclaré le maire de Breil-sur-Roya à Nice-Matin. Il ne cesse pas ses Facebook live.
Le 20 juin, Sébastien Olharan et Céline Duquesne arrivent deuxièmes (33,88 %) du premier tour derrière le duo communiste Valérie Tomasini - Francis Tujague (41,03 %). Le bînome Rassemblement National éliminé (25,09 %) ne se qualifie pas pour le deuxième tour. Une partie de leurs voix tombent dans l'escarcelle d'Olarhan et Duquesne (LR), vainqueurs de 142 voix (50,55 %).
"Nous avons eu des votes venant des électeurs du RN et des abstentionnistes. Toutes les voix étaient les bienvenues. Ca ne me dérange pas que des électeurs se soient portés sur nous. Les voix du RN se sont également reportées sur notre adversaire, il n'y a pas de raison de s'excuser", a-t-il déclaré à chaud après sa conquête.
Une carrière nationale ?
Son opposant destitué, Francis Tujague, en place depuis 1996, l'a vécu comme une surprise. "Je ne m'y attendais pas mais je savais que le combat serait particulièrement difficile", estime l'homme de 74 ans, en tête dans la vallée du Paillon (58 %), mais pas dans celles de la Bévéra et de la Roya. "J'ai senti que les électeurs voulaient rajeunir le personnel politique, ils souhaitent un renouvellement", estime le nouveau conseiller départemental.
Pour Charles-Ange Ginésy, "l'ensemble de la vallée de la Roya et de la Bévéra a été contaminée positivement par l'action de Sébastien Olharan qui s'est fait connaitre, qui s'est portée au delà de ces deux vallées, et qui est allée jusqu'à la Vallée du Paillon".
Plus jeune maire du département, désormais conseiller départemental, Sébastien Olharan a exposé plusieurs priorités pour son canton.
Désenclaver nos vallées, reconstruire les routes dans la vallée de la Roya, sauver la ligne ferroviaire Nice-Breil-Cunéo, faire sauter le verrou routier des Paillons qui dure depuis bien trop longtemps et réaménager toutes nos routes et les sécuriser contre les risques de chute de pierre, notamment dans la Bévéra
Autant de projets qui, s'ils se concrétisent, pourrait bien faire entrer le jeune homme de 27 ans dans une nouvelle dimension. Jusqu'à se lancer dans des scrutins d'envergure nationale, comme les législatives en 2022, porté par Ciotti et Ginésy ? Ce ne serait pas une surprise.