Le Conseil d’Etat saisi du contrôle aux frontières : bientôt la liberté de circuler ? On fait le point dans les Alpes-Maritimes

Quatre associations ont saisi le Conseil d’État contre le rétablissement du contrôle aux frontières, que la France renouvelle depuis 2015, illégalement selon elles. Cela se sait peu mais, la liberté des personnes, au sens de la loi, n’existe plus, entre les pays européens mais aussi sur notre propre territoire. Comment cela se traduit-il dans les faits du côté de Menton dans les Alpes-Maritimes? Nous avons cherché à le savoir.

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Péage de La Turbie un début d’après-midi. Un automobiliste venant d’Italie est stoppé. Un comité d’accueil pour lui : trois policiers barrent la sortie du péage. Contrôle en règle.

Une scène qui se répète quotidiennement et qui occasionne parfois des ralentissements.

Car La Turbie est comparable à une frontière, dans le jargon policier on appelle cela un point de passage autorisé, il y en a dix dans les Alpes-Maritimes.

Là les forces de police, police nationale ou Police de l’Air et des Frontières ont tout pouvoir pour réaliser des contrôles d’identité inopinés.

La chose semble normale pour la population. Ainsi dans le train arrivant de Vintimille et stoppant à Menton-Garavan, une dizaine d’hommes montent à bord, immobilisant le train.

Objectif pour les forces de l'ordre : traquer des personnes en situation irrégulière. Pourtant, tout n'a pas été toujours ainsi.

Bataclan

Retour en arrière : chacun à en tête les attentats de 2015 et la proclamation de l’état d’urgence décidée par le président Hollande.

S’en était suivie la fermeture des frontières pour un mois. Mais depuis lors? en raison du contexte sécuritaire, le dispositif a été reconduit, de mois en mois puis finalement d’années en années.

Pour la France, la reconduction pour 6 mois a de nouveau été décrétée le 1er mai dernier. Une situation qui a le don d’agacer Me Mireille Damiano très impliquée dans la défense du droit des candidats à l’immigration.

Cela fait très longtemps qu’on dénonce comment les personnes sont refoulées depuis les points de passage.

Mireille Damiano, avocate au Barreau de Nice et de l'association Roya Citoyenne.

Pour cette juriste, cette situation n’est pas acceptable. Elle constate que chaque jour à la frontière entre l’Italie et la France ce serait ainsi entre 70 et 100 personnes qui seraient refoulées, "sans que l’on prenne le temps d’examiner leur cas, dont des mineurs".

Des refoulements qui, selon elle, feraient courir des dangers mortels aux candidats à l’exil. Certains en effet prennent des risques inouïs pour tenter de passer la frontière.

Si la dérogation à la libre circulation sautait, cela changerait bien des choses.

Tournant judiciaire

C’est pourquoi, ce 10 mai, quatre associations, l’ANAFE, association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, le GISTI, le groupe d’information de soutien des immigrés, la CIMADE, le comité inter-mouvement auprès des évacués et la LDH, la Ligue des Droits de l’homme ont décidé de saisir le Conseil d’Etat. 

Car dans les faits, l’espace Schengen, espace européen, devait permettre dans ses statuts une libre circulation des personnes en son sein :

Le principe de la liberté de circulation des personnes (art. 3 TUE) implique que tout individu (ressortissant de l’UE ou d’un pays tiers), une fois entré sur le territoire de l’un des pays membres, peut franchir les frontières des autres pays sans subir de contrôles. Les vols aériens entre villes de l’espace Schengen sont considérés comme des vols intérieurs.

Vie-publique.fr

La France à l’image d’autres états européens comme l’Autriche ont mis en place un système dérogatoire. Or, la Cour de justice de l’Union européenne, CJUE estime dans un arrêt rendu qu’en vertu du principe de libre circulation : "un Etat membre ne peut rétablir des contrôles à ses frontières intérieures pour une durée excédant 6 mois, sauf apparition d’une nouvelle menace, distincte de la précédente".

Une situation bien embarrassante pour le gouvernement français qui s’est fendu d’un communiqué plutôt lapidaire où il est dit que le sujet serait évoqué lors d’un prochain conseil des ministres.

Du côté des Alpes-Maritimes, le syndicat SGP Police précise que "depuis 2015, les effectifs chargés de faire des contrôles ont été multipliés par deux voire par trois avec l’instauration de la non-libre circulation. Un choix politique qu’il ne nous appartient pas de commenter".

Qu'est-ce que cela change ?

"A la différence d’un régime de libre-circulation", précise l’intéressé, "il nous est possible de nous poster à un instant déterminé à un endroit pour y faire des contrôles". Les fameux " points de contrôles autorisés".

Et donc pas seulement aux frontières. Tout cela dans un contexte de flux migratoire qui reste élevé au niveau de Menton, selon nos informations entre 80 et 100 personnes tentent de franchir la frontière chaque le plus souvent en train ou à bord de camions de marchandises via l’autoroute A8 en passant par La Turbie.

D’où les contrôles réguliers. Sans compter la menace terroriste qui est forte.

Reste que la situation des Alpes-Maritimes est un peu complexe estime Henri Busquet le porte-parole de la Ligue des Droits de l’Homme à Nice car "même si la France renonce aux contrôles aux frontières tels que pratiqués depuis 2015, le ministère de l’Intérieur pourra continuer à faire des contrôles dans un périmètre de 20 kilomètres autour de ce que l’on appelle les frontières et gares internationales".

Donc en plus de la frontière italienne et de son secteur, la gare de Menton-Garavan ou encore celle de Nice-Ville, qui ont ce statut particulier.

La libre-circulation n'est sûrement pas encore pour tout de suite.

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