Depuis plusieurs mois, le juge de paix de Sanremo est régulièrement saisi par des automobilistes français et italiens. En cause : le radar "cash machine" de Porra, au nord de Vintimille, qui n'est pas homologué.
Les recours se poursuivent et les décisions judiciaires se ressemblent... Il y a une semaine, le juge de paix italien a de nouveau annulé 17 contraventions émises par le radar de vitesse installé à Porra, au nord de Vintimille, sur la route qui relie Menton à la vallée de la Roya.
Car, pour la justice italienne, ce radar n'a pas été homologué. Le juge de paix donne ainsi raison à tous les automobilistes qui le saisissent et qui n'ont pas payé leur amende.
250 à 300 contraventions annulées
Marco Mazzola, un avocat italien qui défend les automobilistes flashés, comptabilise près de 250 PV rejetés. "À ce jour, tous les recours présentés par mon intermédiaire au juge de paix ont été acceptés", précise-t-il à France 3 Côte d'Azur.
L'avocat indique que d'autres "personnes sanctionnées ont présenté un recours personnellement ou avec d'autres avocats". Au total, cela représenterait 300 PV annulés, estiment nos confrères de Il secolo XIX.
Celui qui gagne le recours ne paie pas les contraventions qu'il a contestées. Dans certains cas, le juge a, en plus de l'annulation, ordonné le remboursement des frais juridiques.
Marco Mazzola, avocat italienà France 3 Côte d'Azur
L'avocat ne relâche pas la pression. Le 5 octobre dernier, il a réuni une centaine de personnes dans une salle de Breil-sur-Roya pour faire le point avec lui sur les démarches judiciaires.
Dans le public, Pierre et Gabrielle Guerby, deux habitants de Saint-Dalmas-de-Tende. Eux comptabilisent 25 contraventions, certaines payées, les autres annulées par la justice italienne. Pourtant, ils continuent de recevoir des lettres d’un cabinet de recouvrement pour régler les amendes annulées et se demandent s'ils ne devraient pas "porter plainte pour harcèlement auprès de la mairie de Vintimille".
"En tant que maire, ce radar est inapproprié"
"Ils ne s'adressent pas à la bonne entité", se défend Flavio di Muro, le maire de Vintimille, interrogé par France 3 Côte d'Azur. "Quand j'ai été élu il y a un an et demi, j'ai hérité de l'organisation de ces radars sur des routes qui ne sont pas de la propriété municipale, mais de l'ANAS [le gestionnaire des routes italiennes, NDLR], donc de l'État."
Dès mon installation en tant que maire, j'ai demandé [pour ce radar] à étendre la limite de vitesse à 70 km/h. On m'a dit non.
Flavio di Muro, maire de Vintimilleà France 3 Côte d'Azur
"Si j'avais pu choisir où positionner ce radar, je ne l'aurais pas mis là", poursuit l'élu italien. "Je l'aurais placé à quelques centaines de mètres plus loin, dans l'agglomération de Trucco, où il y a des résidents qui traversent la route. Donc, même en tant que maire de Vintimille, je considère que l'emplacement de ce radar est inapproprié."
Radar non-homologué
La non-homologuation des radars de vitesse est "un grand débat d'envergure nationale", précise Flavio di Muro. "Le Ministère des Infrastructures et des Transports travaille sur un décret, car ce problème ne se limite pas aux routes nationales, il concerne aussi les autoroutes."
Dans tous les cas, la suppression du radar de Porra, comme le réclamait en décembre dernier le maire de Breil-sur-Roya, Sébastien Olharan, n'est pas à l'ordre du jour. Selon Flavio di Muro, la mairie "a hérité des obligations d'un contrat avec une société de gestion qui, par ailleurs, gagne paradoxalement plus que la commune elle-même. Donc si je mets fin à ce type d'activité, j'entre en contentieux avec une société qui s'attend à des revenus provenant des nombreux radars".
"60% des sanctions vont à la société privée : le concessionnaire du service", confirme à France 3 Côte d'Azur Marco Mazzola.
Polémique transfrontalière
Mis en service en catimini durant l'été 2023, ce radar est surnommé par les habitués de la route reliant Vintimille à Breil-sur-Roya "cash machine" : durant les six premiers mois de fonctionnement, il a émis près de 40.000 PV.
Positionné à la sortie du village, dans une ligne droite sans trottoir, il sanctionne tout excès de vitesse supérieur à 50 km/h. À l'époque, élus et habitants étaient montés au créneau, pointant une zone non-accidentogène, l'absence de flash et la réception des contraventions plusieurs mois après, supprimant tout effet pédagogique qu'un tel radar doit avoir.
En janvier dernier, Alexandra Masson, la députée (RN) de la 4ᵉ circonscription, avait saisi Stéphane Séjourné, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères de l'époque : "si Mme la députée ne remet pas en cause l'existence de ces dispositifs de sécurité routière italiens qui sont similaires à la France, elle fait part de sa préoccupation quant au fait que ces procès-verbaux, établis pour les premiers au mois de mai 2023, ont été transmis seulement depuis le mois de décembre 2023 par envois groupés par une société de recouvrement néerlandaise, soit plusieurs mois après la date de l'infraction".