En Italie, sur la route de la Roya, ce radar multiplie les contraventions : on a posé vos questions à un avocat de Vintimille

Au nord de Vintimille, sur une route très fréquentée par les Français pour rejoindre la vallée de la Roya, un radar de vitesse a été installé. Les premières contraventions de cet été viennent juste d'être envoyées, créant l'inquiétude de nombreux automobilistes. Pour mieux comprendre le fonctionnement de ce dispositif, nous avons posé vos questions à Marco Mazzola, un avocat de Vintimille.

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C'est le genre de cadeaux qu'on n'aime pas retrouver sous le sapin de Noël. Pourtant, tout ce mois de décembre, ils sont nombreux les automobilistes français à avoir reçu des contraventions pour excès de vitesse. Une bonne partie en provenance d'un radar installé à Porra, un hameau situé au nord de Vintimille (Italie), sur la route menant à la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes).

Le radar, malgré le panneau de sortie de Porra implanté juste avant, sanctionne tout dépassement de vitesse au-dessus de 50 km/h, dans le sens sud-nord. Problème, aucun flash ne sort de ce radar. Et les conducteurs verbalisés cet été n'ont reçu leurs contraventions que... quatre à cinq mois plus tard. Supprimant tout effet pédagogique qu'un tel radar doit avoir.

Certains automobilistes sanctionnés ont ainsi reçu plusieurs PV en même temps, envoyés depuis les Pays-Bas et avec un délai de paiement de cinq jours sous peine de majoration. De quoi énerver et inquiéter ceux qui circulent régulièrement sur cette route entre Menton et Breil-sur-Roya.

Côté français, un groupe Facebook d'automobilistes verbalisés s'organise. "Souvent, on est verbalisé entre 50 et 60 km/h, ce ne sont pas de grosses infractions", indique Marie Bonnet, la créatrice du groupe Facebook. "En moyenne, on compte 5 ou 6 verbalisations par personne. Mais un membre en a reçu 30 en décembre pour des excès entre juillet et début septembre."

Certains politiques montent aussi au créneau. Le maire de Breil-sur-Roya, Sébastien Olharan, a ainsi demandé "le retrait a minima de ce radar qui est à mon avis uniquement fait pour gagner de l'argent, et certainement pas dans un vrai intérêt de lutte contre l'insécurité routière".

Mi-novembre, Flavio di Muro, le maire de Vintimille, indiquait même sur son compte Facebook avoir demandé que la limitation de vitesse passe de 50 à 70 km/h.

"13.000 amendes en trois mois"

Comment fonctionnent les radars en Italie ? Que faire si vous recevez une verbalisation ? Quel recours existe-t-il pour contester ? Nous avons posé ces questions à Marco Mazzola, avocat depuis 22 ans en droit civil et administratif et ancien maire d'Olivetta San Michele, une commune située à la frontière entre la France et l'Italie.

Comment fonctionnent les radars en Italie ?

Marco Mazzola : "L'appareil détecte automatiquement la vitesse et la transmet au commandement de la police locale, qui l'impute au propriétaire du véhicule, solidairement responsable du paiement de l'amende avec le conducteur.

Dans le cas de Vintimille, la municipalité a confié le service à une entreprise privée. Les contraventions perçues sont partagées entre le secteur public et le secteur privé. Dans les cas les plus graves (retrait de points ou suspension du permis de conduire), le propriétaire du véhicule doit communiquer le nom du conducteur dans un délai de 60 jours, sous peine d'une sanction supplémentaire, allant de 291 à 1.166€,

Pour les excès de vitesse, il y a une tolérance de 5%, avec un minimum de 5 km/h pour les vitesses inférieures ou égales à 100 km/h. Les sanctions sont graduées : inférieures à 10 km/h, de 10 à 40 km/h, de 40 à 60 km/h et plus de 60 km/h. Ces montants sont majorés d'un tiers si l'infraction est commise entre 22h et 7h du matin."

En cas d'excès de vitesse en Italie, un conducteur français peut-il perdre des points sur son permis français ?

"Le retrait de points s'applique aux permis de conduire délivrés en Italie et à ceux des citoyens de l'UE résidant de manière permanente en Italie et ayant obtenu la reconnaissance de leur document de conduite original (donc pas de perte de points sur un permis français, NDLR). Dans le cadre d'un conducteur étranger (non-italien, NDLR) ayant un permis de conduire étranger, les points sont inscrits dans le registre des conducteurs du ministère des Transports : si le conducteur perd plus de 20 points en un an, il risque une interdiction de conduire en Italie pendant deux ans ; s'il les perd en deux ans, il risque une interdiction d'un an ; s'il les perd entre deux et trois ans, l'interdiction sera de six mois."

Pourquoi les automobilistes ont-ils reçu des courriers recommandés en provenance des Pays-Bas ?

"Les contraventions sont notifiées par une société néerlandaise, ce qui explique l'étonnement des destinataires français. Conformément à la législation européenne, transposée par l'Italie, chaque État membre désigne une autorité pour gérer les données relatives à l'immatriculation des véhicules. Les contraventions sont envoyées par lettre recommandée avec accusé de réception, ce qui fournit la preuve de la livraison, avec la date et la signature du destinataire."

Ces PV ont été reçus cinq mois après les faits. Ce délai est-il normal ? Est-ce pareil pour les contrevenants italiens ?

"Les contraventions doivent être notifiées aux Italiens dans un délai de 90 jours, et aux résidents à l'étranger dans un délai de 360 jours, sous peine d'être annulées. Le fait que les amendes aient été notifiées juste avant les 90 jours (pour les Italiens) ou après 5/6 mois (pour les Français) est problématique, car les conducteurs ont reçu en une seule fois les amendes accumulées pendant cette période, trop tard pour adapter leur comportement au volant. Tout le monde n'a pas les moyens de payer les pénalités accumulées au cours de ces mois -qui, dans certains cas, dépassent plusieurs milliers d'euros- ou d'engager un avocat. Au total, plus de 13.000 amendes ont été notifiées en trois mois."

Que se passe-t-il si l'on ne paie pas l'amende ? L'Italie peut-elle demander la saisie de mon compte bancaire ?

"Dans une circulaire, le ministère de l'Intérieur indique qu'il n'est pas possible, à ce jour, d'activer le recouvrement coercitif des amendes si le contrevenant étranger ne les paie pas.

Le principe de la reconnaissance mutuelle des sanctions pécuniaires a été annoncé au niveau de l'UE. Un amendement récent au code de la route stipule que, lorsque le véhicule avec lequel l'infraction a été commise est immatriculé à l'étranger, le recouvrement obligatoire peut être activé durant cinq ans. Mais cette règle n'est pas encore applicable, car elle est subordonnée à l'émission d'un décret interministériel."

Peut-on contester ces contraventions en Italie ?

"Le recours à un Juge de paix (sous 30 jours) ou au préfet (sous 60 jours) se fait au cas par cas. D'une manière générale, au-delà de la plainte pour injustice (qui n'a aucune valeur juridique), il est possible d'émettre des doutes sérieux sur la procédure de mandatement du service, le système de contestation, les caractéristiques du matériel, la limitation de vitesse imposée sur cet itinéraire, la signalisation existante et les frais d'expertise et de notification (qui, dans le cas des Italiens, semblent excessifs et, dans le cas des étrangers, ne sont même pas précisés). Les premiers recours ont déjà été déposés et les premières audiences ont déjà été fixées. Ce sont principalement la limitation de vitesse et la signalisation qui ont été remises en cause par ces automobilistes. Le juge dira si cela est légal ou non.

Une décision du Juge de paix en date du 26 octobre qui a annulé une contravention sur la Via Aurelia bis et ce qu'il s'est passé à Cadoneghe (des milliers de contraventions des radars municipaux ont été annulés par le maire de cette commune au nord-est de Padoue, en Vénétie, et seront remboursés, NDLR) pourraient nous aider à contester le radar de Porra."

En France, les automobilistes et des représentants politiques demandent la suppression de ce radar, situé selon eux dans une zone non accidentogène. Qu'en pensent les autorités italiennes ?

"L'actuel maire de Vintimille a déclaré qu'il demanderait que la limite de vitesse soit fixée à 70 km/h, afin de ne punir que ceux qui créent un danger. Cette déclaration est similaire à celle faite par le ministre des Transports qui dit que les radars ne doivent pas être utilisés pour gagner de l'argent.

Plutôt que d'installer des panneaux avec des limites anachroniques, la SS20 devrait être adaptée à notre époque, en créant des déviations pour éviter les agglomérations, en rectifiant les virages dangereux et en élargissant les tronçons les plus étroits. Des trottoirs devraient être construits là où ils font défaut, par exemple à Porra et Trucco, où il y a plusieurs passages piétons et où aucun radar n'a été installé."

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