La haute route du sel relie le sommet du col de Tende à Briga Alta (Italie). Autrefois, les hommes y transportaient du sel à dos de mulets. Aujourd'hui, ce sont des touristes et des randonneurs qui y viennent, pour admirer les paysages et profiter d'un peu de fraîcheur. Reportage.
Elle culmine entre 1.800 et 2.200 mètres d'altitude et zigzague entre les territoires français (vallée de la Roya) et italiens (Piémont et Ligurie). La piste militaire a rouvert au public le 19 juin dernier. Jusqu'au 15 octobre, la haute route du sel est accessible aux 4x4 et motos (sauf les mardis et jeudis, réservés aux randonneurs et aux vélos) et offre aux touristes un voyage à cheval entre la France et l'Italie, ainsi qu'un retour dans le temps.
Côté Alpes-Maritimes, son accès se fait via La Brigue, la route des 46 lacets (attention aux restrictions de circulation) ou le hameau de Casterino.
C'est là que nous attendait notre guide, Franck Panza. Après environ 1h30 de trajet à basse vitesse (20 km/h) sur une route caillouteuse, nous voilà au sommet du col de Tende, là où commence la haute route du sel.
Du sel à dos de mulet
Ici, il y a plusieurs siècles, les hommes transitaient de la France vers l'Italie avec des mulets chargés de sel. Un produit particulièrement prisé à l'époque. "Les états de Savoie et le Piémont n’avaient pas cette ressource en sel", explique Franck Panza, accompagnateur en montagne.
Entre le XVe et le XVIe siècle, il pouvait y avoir jusqu'à 36.000 mulets qui empruntaient le col de Tende et cette route du sel chaque année.
Franck Panza, accompagnateur en montagne
Le sel était "indispensable pour la conservation des aliments", poursuit le guide. Son transport depuis Villefranche et Nice jusqu'à Tende nécessitait trois jours de marche. Le franchissement du col pour atteindre le Piémont, une journée supplémentaire.
Ce commerce profitait à toute la vallée. À chaque village ou pont traversé, on demandait un octroi de passage. Toute la vallée de Tende vivait grâce à ce passage : le maréchal-ferrand, le muletier...
Franck Panza
Aujourd'hui, les moyens de locomotion ont évolué. Les ânes bâtés ont été remplacés par des véhicules ou des randonneurs. Et le commerce du sel a laissé place au tourisme de plein air.
Des visiteurs de toute l'Europe
Depuis sa petite maison en bois, Mauro Padello compte les passages de voitures, de quads et de motos. Depuis deux ans, il tient le péage "ouest" de la haute route, non loin du fort central du col de Tende. Sur la première quinzaine de juillet, il a comptabilisé "plus de 1.000 voitures et motos".
Les visiteurs viennent "de toute l'Europe", notamment d'Allemagne et de Suisse. Alors, il doit sans cesse jongler entre les langues italienne, française et anglaise pour expliquer les règles de base de la circulation dans cet espace préservé.
La vitesse maximale, c'est 20km/h. Surtout pour les motos. Les voitures sont calmes, mais les motos et les quads, ils aiment bien faire 'vroum vroum' !
Mauro Padello, agent de péage
"Sur Internet, j'ai vu que c'était une route incroyable", explique Achim, sur son deux-roues immatriculé en Allemagne. "Je voulais venir ici parce que c'est l'un des meilleurs spots de moto", poursuit Claudio, un Italien venu de Padoue (Vénétie), à 500 kilomètres de là.
L'accès au site est limité à 90 motos et autant de voitures. Alors il est conseillé de réserver sa venue en ligne.
Faune et flore de montagne
Le chemin n'est pas très large, pas toujours évident de se croiser en 4x4. Alors, pour les plus sportifs, le trajet peut aussi se faire en vélo électrique ou à pied. "C’est un peu sportif pour moi qui n’ai pas trop l’habitude", avoue Stefania, venue de Milan. "Mais c’est magnifique !"
Un tourisme à basse vitesse, idéal pour profiter des paysages à perte de vue. Et se faire peut-être un peu peur (attention si vous avez le vertige !) sur le "tornante della boaria", un virage en épingle à flanc de falaise.
Un peu plus loin, le sol se colore de plusieurs couleurs, notamment de blanc. Ces petites fleurs sont des edelweiss.
"L'edelweiss se développe uniquement sur des roches calcaires", précise Franck Panza. "C'est dans des endroits à plus de 2.000 mètres d'altitude qu'on va la trouver."
Puis, la nature multicolore laisse place à du gris. Un paysage de roche sculpté par l'érosion glaciaire et la pluie.
En milieu d'après-midi, quand la circulation motorisée se fait moins dense, des marmottes montrent leur tête. À peine le temps de les apercevoir qu'elles ont déjà disparu. Dans le ciel, tournoient des "choucas", ou chocards à bec jaune, des corbeaux de montagne.
"Le matin et le soir, c'est juste paisible"
Un paysage qui ravit Valerio, croisé en train de pédaler. "C'est une première pour moi, je ne suis jamais venu ici", dit le Milanais. "Pour les Italiens, les montagnes, ce sont les dolomites. C'est dommage parce que, ici, c'est très beau !"
Au refuge Don Barbiera, Florence et Michel, originaires de Grasse, profitent d'un temps de repos. Ils parcourent la route à vélo électrique pour la deuxième fois. "Dans la journée, ce n'est pas très tranquille, il y a beaucoup de circulation motorisée", regrette Florence. "Mais, le matin et le soir, c’est juste paisible. On a vu un chevreuil avec deux petits et quelques marmottes !"
"À vélo électrique, c'est vraiment accessible. Et par rapport à la côte, la température est bien plus agréable !", rigole Michel.